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Maurice monnoyer, journaliste et écrivain
Les gens de bonne volonté ont existé
Publié dans El Watan le 07 - 11 - 2004

Maurice Monnoyer commence sa carrière de journaliste à la Libération au quotidien Nord Eclair. En 1945, il fait un reportage en Algérie. Début 1948, il quitte Nord Eclair pour devenir chef de service au Journal d'Alger. De 1950 à 1956, il est rédacteur en chef de l'hebdomadaire catholique L'Effort d'Algérie. Il se marie à Oran en 1946. Il a trois enfants nés à Alger.
A l'Indépendance, il retourne à Nord Eclair où il commence une nouvelle carrière. Il prend sa retraite en 1980 et se consacre, depuis, à l'écriture. Il est l'auteur de sept ouvrages. Le dernier a pour titre Journaliste en Algérie ou l'histoire d'une utopie, éditions L'Harmattan, Paris. Un huitième ouvrage est en préparation. Dans l'avant-propos de Journaliste en Algérie ou l'histoire d'une utopie, Maurice Monnoyer écrit : « Les circonstances ont voulu qu'en ma qualité de journaliste, je sois associé à un travail original qui avait pour objectif de rendre l'Algérie fraternelle, parce que plus humaine pour tous. C'était, hélas ! une utopie : les événements l'ont démontré. »
Dans un article de la revue L'Effort algérien, le père Henri Sanson écrivait :
« Qu'est-ce qu'un Algérien digne de nom ? C'est un homme qui veut vivre en Algérie selon tout ce qu'il y a de meilleur en lui du fait de son origine, de sa religion, de sa culture, de sa nationalité ; et qui veut y vivre fraternellement avec tout autre Algérien afin de construire, à quelque prix que ce soit, une Algérie toujours plus humaine pour ses enfants. »
N. B.
Un demi-siècle est passé depuis qu'une poignée d'hommes résolus ont ouvert les hostilités contre la France pour obtenir l'indépendance de l'Algérie.
J'étais journaliste à Alger le 1er novembre 1954. Comment exprimer l'émotion ressentie ce jour-là et les jours suivants ? Chrétien, j'étais et suis toujours hostile à toute forme de violence. Depuis le massacre de Sétif en mai 1945, les catholiques réfléchis savaient que l'Algérie était malade, très malade. Il fallait réagir vite et avec intelligence. A l'initiative du père Henri Sanson (très attaché à son pays), des personnalités de tous bords se sont réunies, entre 1947 et 1950, au 5, de la rue Horace-Vernet, à Alger, où siégeait le secrétariat social d'Alger. Parmi elles, on comptait des avocats (dont Me Lainné), des professeurs éminents (dont Jean Dupuy qui, par la suite, fut élu au Collège de France), des ingénieurs, des agriculteurs, un père blanc et un avocat kabyle Ould Aoudia, qui présida par la suite le Groupe des 61 à l'Assemblée algérienne. Après discussions et mûre réflexion, le groupe décida d'abord d'entreprendre l'étude approfondie des grands problèmes de l'Algérie (la faim de certaines populations, l'avenir de la jeunesse, la cohabitation entre Européens et Musulmans, l'industrialisation...) et, ensuite, de publier des ouvrages qui concrétiseraient ses travaux. Le premier livre s'intitula La Lutte des Algériens contre la faim, éditions du Secrétariat social d'Alger. Sujet explosif à l'époque. En mai 1954 (donc quelques mois avant le soulèvement), un colloque fut organisé par nos soins. Pendant trois jours, dans une grande salle du centre d'Alger sur le thème de la faim dans le pays, Mohammed Dib, que j'avais sollicité, est venu de Tlemcen pour parler, face à un public houleux, du travail pénible des femmes musulmanes dans une usine de sa ville. Mais revenons à 1949-1950. Etudier les problèmes algériens n'était pas suffisant. Il fallait aussi agir concrètement pour sensibiliser le public et les responsables politiques, économiques et sociaux. Comment ? Par le lancement d'un grand hebdomadaire qui aurait pour mission de diffuser les idées et les projets des personnalités du secrétariat social.
L'effort algérien
C'est alors que M. Eloi Laget, ingénieur et responsable catholique éminent, me demanda d'assurer la rédaction en chef de L'Effort algérien (qui existait déjà, mais dans une présentation vieillotte). J'ai accepté avec enthousiasme, car en ma qualité de chef de la régionale de La Dépêche quotidienne d'Algérie, j'avais remarqué que la presse quotidienne algérienne (Alger, Oran, Constantine) et, bien sûr, mon journal - qui se trouvait entre les mains de gros colons - n'abordaient jamais les problèmes-clés du pays. N'étant pas d'accord, j'avais décidé de rentrer en France quand M. Eloi Laget me pria d'accepter sa proposition. J'ai préparé la maquette du nouvel L'Effort algérien, fait appel à un dessinateur et à des écrivains pour assurer une chronique régulière : Daniel Rops, Henri Queffelec, Luc Estang, Pierre Mesnard, Pierre-Henri Simon, Pierre de Boisdeffre et Gilbert Cesbron. Le n°1 du nouvel Effort, avec un titre en couleur, sortit des presses de la SNEP le 9 février 1951, ébranlant les consciences endormies. Choc dans l'opinion publique. Suspicion et même agressivité de la part des grands quotidiens (surtout L'Echo d'Alger). Réaction partagée des catholiques. Ainsi, André Mandouze ne soutenait pas notre projet. Une chronique littéraire avait été prévue. Pour l'inaugurer, j'ai publié mon premier article sur l'écrivain Mouloud Féraoun, qui n'était pas du tout connu du public et venait de faire paraître en France, à compte d'auteur, son très beau livre Le Fils du pauvre. Par la suite, je l'ai interviewé ainsi que Mohammed Dib et Mouloud Mammeri. Entre 1951 et 1955, le tirage de L'Effort algérien a varié de 8000 à 10 000 exemplaires. En 1954, nous avions 5000 abonnés (dont Ferhat Abbas qui nous lisait avec intérêt et sympathie avant 1954). Etonnante et singulière aventure que celle de L'Effort algérien ! Je travaillais en liaison avec le secrétariat social d'Alger. Nos principaux collaborateurs ? Eloi Laget, Henri Sanson, Cyrille Gallice, le père Letellier, Paul Pépin, François Gonzalès, les professeurs Mesnard et Dupuy. Nous étions soutenus financièrement par nos lecteurs et les quatre évêques d'Algérie (dont le cardinal Duval). Que voulions-nous ? Nous partions du postulat que Musulmans et Européens étaient les fils d'une même terre qui les avait vu naître et à laquelle ils étaient les uns et les autres très attachés. Nous nous proposions d'« éclairer l'opinion publique du pays sur les problèmes d'actualité, qu'ils soient d'ordre politique, économique ou social, mais toujours avec la plus grande objectivité et la plus grande franchise, en dehors de toute politique et tout parti ».
La cité qu'il faut construire
Nous ne cherchions nullement à imposer nos convictions religieuses. Nous nous adressions à tous avec un esprit de tolérance, de respect et d'ouverture. Le 25 mai 1951, L'Effort algérien publia une charte sous le titre « La Cité qu'il faut construire ». Ce document d'une importance historique indéniable, et dont nombre d'intellectuels et d'hommes politiques devaient s'inspirer par la suite, avait été rédigé et corrigé par toute l'équipe. Notre charte proclamait, plus de trois mois avant l'insurrection de Novembre 1954, que l'Algérie devait rejeter tout colonialisme qui tendrait à méconnaître les droits des Algériens musulmans, tout nationalisme qui tendrait à méconnaître les droits des Algériens européens et toute immixtion « politique » d'une puissance autre que la France pour aider la communauté algérienne à se trouver. Elle affirmait qu'il fallait lutter contre l'insécurité, le chômage et la misère. Elle exigeait que le statut de 1947 soit appliqué loyalement. Mais il ne l'a jamais été. Objectif illusoire et utopiste ? Sûrement. Pourtant, il intéressait les « libéraux » proches de Camus, mes amis les écrivains Feraoun et Dib, ainsi que Abderrahmane Farès, président de l'Assemblée algérienne, qui me déclara (interview du 21 mai 1953) : « La communauté est la condition vitale de ce pays, car aucune de nos populations ne peut se passer de l'autre... Je suis de ceux qui souhaitent que les contacts entre les populations soient poussés de plus en plus, car ce n'est pas possible que ces populations, qui vivent côte à côte, s'ignorent. » Albert Camus, prix Nobel de littérature, pied-noir, était sur la même longueur d'onde que nous. Sa pensée rejoignait la nôtre. A L'Effort algérien, nous ne pouvions, en conscience, approuver le déchaînement de violence qui s'est produit après le 1er novembre 1954. Nous condamnions aussi bien les excès tragiques du FLN que ceux de l'OAS. Mais la guerre s'amplifiait dans l'horreur, et nos efforts pour une solution humaine des problèmes du pays s'essoufflaient. Jour après jour, nos lecteurs nous quittaient. Notre projet ambitieux devenait vraiment utopique. J'ai bien conscience aujourd'hui d'avoir été l'un des acteurs d'une entreprise exaltante, mais impossible à inscrire dans les faits. Le projet de « communauté algérienne » est venu trop tard.
La fuite des pieds-noirs
Je regrette - pour l'Algérie et tous ses habitants - que les extrémistes du FLN aient provoqué le départ massif des pieds-noirs en juin-juillet 1962, rendant ainsi pratiquement caducs les Accords d'Evian qui s'inspiraient largement de notre travail. Certes, la pression de l'OAS sur la population européenne pour qu'elle ne quitte pas le pays, pression allant jusqu'à des assassinats individuels, a contribué à affoler les pieds-noirs. En tuant aussi, ici et là des Algériens innocents, l'OAS a excité la foule musulmane que, le 5 juillet, les dirigeants du FLN ne pouvaient plus contenir. La fuite des pieds-noirs s'est accélérée quand ils ont compris qu'ils n'étaient plus en sécurité. De Gaulle avait interdit aux troupes françaises sur place de maintenir l'ordre dans la rue, à Alger, comme à Oran. Il porte, lui aussi, une lourde responsabilité. L'Algérie, consciemment ou non, en accédant à l'indépendance, a repoussé la cohabitation avec les Européens, dont ce pays était tout de même la patrie. Est-ce un bien ? Je laisse à mes lecteurs le soin de répondre à cette question essentielle. Mais on ne revient pas en arrière. L'Algérie a choisi son destin. Je le respecte et souhaite de tout cœur que ses dirigeants améliorent les structures politiques, économiques et sociales avec la préoccupation permanente du bonheur de tous ses habitants. Un seul objectif, me semble-t-il : la démocratie. Ils ne doivent jamais l'oublier. Mon cœur est resté à Alger avec ma maison construite par le grand architecte Roland Simounet. A Alger où j'aurais aimé vivre jusqu'à ma mort. Je suis en contact avec des amis algériens qui ont aimé mon livre Journaliste en Algérie ou l'histoire d'une utopie, éditions l'Harmattan, Paris. Dans la préface de cet ouvrage, Guy Dugas, professeur à l'université Paul-Valéry à Montpellier, écrit : « ... Maurice Monnoyer et des dizaines d'hommes de bonne volonté, à l'heure du dégel des sources, permettent de ne pas désespérer des relations franco-algériennes. »
M. M.


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