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« Le champ littérature, c'est le vaste monde en son entier »
Eric Michel. Ecrivain
Publié dans El Watan le 06 - 11 - 2007

L'écrivain Eric Michel vient de publier, aux éditions françaises Presse de la renaissance, son premier roman Algérie ! Algérie ! Un livre de 590 pages qui emporte le lecteur au cœur d'une France déchirée par la guerre d'Algérie, des villages de Kabylie aux faubourgs de Paris, jusqu'aux massacres d'octobre 1961. Présent au Salon international du livre d'Alger, l'écrivain revient sur certains pans de son livre.
Vous avez quitté l'Education française pour vous consacrer à l'écriture. L'ensemble de vos travaux a porté sur l'Algérie et la littérature. Votre premier roman Algérie ! Algérie ! traite justement de la thématique de la guerre d'Algérie. Pourquoi un tel intérêt pour cette partie de l'histoire nationale ?
Je suis avant tout extrêmement honoré et surtout heureux de présenter pour la première fois mon livre en Algérie, à l'occasion du Salon international du livre d'Alger. Une ville où ma mère a vécu quelques années, autrefois. Ce roman s'est logiquement inséré dans une démarche qui a commencé avec des travaux universitaires sur l'Algérie où je posais la question : « Le roman peut-il être une réponse à la myopie historique ? » Le roman, comme toute autre forme d'expressions artistiques, n'échappe pas à la question du point de vue. Il ne peut être dégagé de tout débat contextuel et garantit en général, de l'intrusion historique. En un mot, le roman doit avoir le souci du monde. Pour la première fois, un roman français raconte la guerre d'Algérie en se positionnant du point de vue des Algériens.
Quelles sont les raisons de ce choix ?
Il y a, en effet, plusieurs raisons à ce choix. Dire que les gouvernements français successifs ont entretenu un rapport ambigu avec leur passé et à la mémoire historique, serait un euphémisme. Dire que la République, par exemple, n'était pas à Vichy mais à Londres de 1940 à 1944 relève, sinon de la rhétorique du mensonge, au moins de la myopie. La résistance était à Londres et dans les maquis, mais les institutions à Vichy. Une myopie entretenue, car on veut aujourd'hui mettre les compteurs à zéro et la balle au centre avant même la reconnaissance des crimes commis, et c'est un peu un problème similaire qu'on rencontre à l'évocation de la guerre d'Algérie. Il me semblerait qu'il était plus que temps d'exercer ce « devoir de mémoire » dont il est si souvent question, lequel n'est rien sans la parole. Pas de choix sans liberté de choix. Pas de construction de « sa propre mémoire » pour les jeunes générations sans connaissance des faits et sans culture. Le « devoir de mémoire », c'est une manière de s'inscrire dans la vie de la cité, de créer un lien dans une communauté. La « repentance » pour les crimes dont il sera question ? Peut-être... Pourquoi pas ? Le passé n'est dangereux qu'à proportion de son refoulement et ne rien dire est toujours une façon de prendre position. Qu'on le veuille ou non, une œuvre est forcément engrangée. Algérie ! Algérie ! est parfois dur. Les mots le sont toujours, moins que la guerre, et il n'est pas un livre vengeur. Loin de là. Pour autant, il ne renvoie pas tous et chacun dos à dos, il s'interroge d'abord, c'est vrai, sur les responsabilités de la France dans l'engrenage de cette guerre. Une guerre dont le peuple, dans une large représentativité, ne voulait pas, en témoignent les réticences des rappelés. Quant aux personnages qui se confrontent dans le roman, ils sont loin d'être toujours d'accord sur les moyens à employer. Algérie ! Algérie ! voudrait contribuer simplement à ce que la lumière soit faite sur la guerre d'Algérie. Le point de départ de mon travail autrefois ? Je me demandais pourquoi l'on ne tirait pas, en France et à de rares exceptions, les conséquences de ces travaux dans le domaine de l'art, de la fiction, que cela soit au cinéma ou en littérature. Maintenant que j'ai fini d'écrire Algérie ! Algérie !, je comprends mieux cette difficulté. Elle n'est pas principalement due au fait que la guerre d'Algérie était une guerre sans images. Une chape de plomb pèse encore sur nous, peuple français, sur nous, artistes au sens large, peut-être parce que nous savons que cette « guerre sans nom » s'est déroulée salement. Mais quarante-cinq ans après sa fin, il nous faut sortir de la honte, de la rancœur, du ressentiment. En un mot, de l'impasse. Le public semble prêt en France. Il veut savoir, comme en témoignent les archives départementales : La guerre d'Algérie, avec l'occupation, est la période la plus demandée. Le public attend d'entendre un autre « son de cloche ». Il veut qu'une voix lui raconte différemment la guerre d'Algérie, dont on ne lui a rien dit à l'école de la République. Il se trouve qu'on s'est beaucoup étendu sur la violence des Algériens, c'était aussi un devoir d'honnêteté et de vérité historique de revenir précisément sur les origines de ces violences, et sur la part de responsabilité de la France dans celles-ci. Aussi, le roman interroge un certain nombre de problèmes, notamment, un qui revient en force depuis le scandale contemporain d'Abou Graïb : la torture. Un pays peut-il encore être qualifié de républicain, lorsque son gouvernement autorise la pratique légale de la torture, comme ce fût le cas à partir de 1955, au prétexte de l'urgence militaire ? A supposer que la « question » fut d'ailleurs efficace, peut-on tolérer de tels moyens, et quel en est le prix ? D'ailleurs, de hauts responsables de l'administration ont démissionné à cause de la torture. Ce fut le cas de Jean Meirey, directeur de toutes les polices, de Paul Teitgen, le secrétaire général de la police à Alger ou bien le général de Paris de la Bollardière. Non, l'horreur par définition ne pouvait pas que creuser le fossé entre les hommes et le prix à payer une haine viscérale. Certains tortionnaires dans l'armée se vantaient parfois d'avoir connu les camps nazis comme déportés. Ils cherchaient à amoindrir l'inhumanité de leurs pratiques, comme si, d'avoir été torturé, pouvait les dédouaner de torturer à leur tour. D'autres aussi avaient connu les camps nazis comme victimes. Ils en tiraient des conclusions radicalement opposées. Ils étaient farouchement anticolonialistes. C'est pourquoi, quelques milliers d'hommes et de femmes soutenaient la résistance algérienne en France. On les appelait les « porteurs de valises ». Il fallait les mettre en scène pour mieux éclairer les répercussions de la guerre en métropole. Il fallait que ces hommes et que ces femmes jouent leur rôle dans un roman, ne serait-ce que pour mieux entrer dans l'intelligence de leur combat. Il me semblait qu'il fallait rappeler les raisons de leur engagement aux côtés des Algériens. Il me semblait qu'il fallait oser dire qu'ils cherchaient à limiter les violences et conserver, quand la guerre serait finie, un lien d'amitié fort entre les Algériens et les Français. A quel titre les « porteurs de valises » ne deviendraient-ils pas aussi des héros de roman, tout comme les combattants algériens des maquis ? Le champ de la littérature, c'est le vaste monde en son entier. En un mot, il fallait rendre compte de la complexité des choses.
Votre roman converge vers les massacres du 17 octobre 1961 à Paris..
Il fallait que les multiples intrigues, qui jalonnent le roman, convergent vers les massacres du 17 Octobre 1961, à Paris. Car les massacres d'octobre 1961 ont été, à mes yeux, le pic tragique, symboliquement, de l'état des relations franco-algériennes pendant la guerre. Massacres dans lesquels les « harkis » — dont il faut rappeler que ce nom désignait une fonction de police, et en aucun cas une ethnie ou un peuple — ont été pleinement impliqués. Massacres dans lesquels le préfet Maurice Papon et la police parisienne, à de rares exceptions, jouèrent un rôle infâme. Le 17 Octobre 1961 n'était pas un événement dû au hasard, mais bien une purge programmée par le préfet de police Papon qui couvrait et encourageait les ratonnades de ses subordonnés depuis des mois, autant qu'il était lui-même couvert par sa hiérarchie... Une quinzaine d'années plus tard, il finira ministre.
L'histoire d'amour entre Nedjma et Léo est également l'une des grandes questions du roman ?
Quant à l'histoire d'amour de Nedjma et de Léo, elle ne tient pas de la « recette littéraire » dans la guerre. A travers, les « petites histoires », il s'agissait de raconter la grande pour que l'histoire soit davantage perçue dans sa dimension humaine. La guerre d'Algérie résonne profondément, jusqu'à ébranler la psychologie des personnages. Nedjma... On pensera à Kateb Yacine. On n'aura pas tort.... Nedjma et Léo... Léo, le Français d'origine juive, l'intellectuel, le partisan théorique de l'indépendance confronté à ses démons et à la peur. Nedjma, la Franco-algérienne, la femme de tête, la déracinée, la femme prête à aller au bout de ses choix, quoi qu'il en coûte. Nedjma qui, pour correspondre au testament de son père Amar, se fait dure en attendant la paix... Nedjma et Léo s'aiment. Ils se heurtent. Ils se déchirent aussi comme Amar et son frère le harki. Car la question que pose leur amour est aussi l'une des grandes questions du roman. Surplombé par une force qui les dépasse, l'amour de Léo et Nedjma, après 130 années de violences, serait-il le fruit d'une impossibilité ? Ces questions, le roman les soulève. A certains, il répond. D'autres restent en suspens car Algérie ! Algérie ! ouvre, avant toute chose, les portes d'une réflexion que le lecteur, dans le plaisir et la liberté, pourra poursuivre lui-même.


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