En pleine canicule de Juillet, les jeunots que nous étions n'avaient guère la trempe des vacanciers nantis. A défaut d'une trempette à Moretti, on s'adonnait à la cueillette des mûres tout au long des chemins vicinaux de Cheraga. La bizarrerie de cet événement est pourtant intimement liée aux vacances, une sorte d'université d'été pour compléter une leçon de chose avec travaux pratiques. Des « vertes et des pas mûres », des fruits des bois sont empilés dans des corbeilles en osier pour la revente sur le marché. Crâne rasé, pieds nus, tannés par un soleil de plomb on prenait soin de faire le plein de feuilles de mûriers ! Pour ensuite s'adonner au « cocooning » histoire de nourrir le ver à soie pour obtenir le précieux fil à tisser. A chacun sa petite boite à carton dans lequel niche un cocon en gestation. Le plus intrépide de nous tous, fortement aguerri dans l'élevage du cocon portait déjà un nom, on l'appelait « Omar El Kherba » (la débrouille) il pourvoyait tout son monde de ce précieux papillon. Dans ce grand labo à ciel ouvert, les apprentis tisserands déclamaient leur génie pour avoir fourni la première trame de fil de soie. Heureux qui comme nous passions nos vacances à l'ombre d'un mûrier, loin des tracasseries. Il fallait pourtant s'assurer un pécule pour la rentrée des classes. On prenait soin de joindre l'utile à l'agréable. Le long de la principale artère de Bouchaoui, on égrenait des longues soirées à exhiber les produits de fermes aux estivants. Une véritable kermesse champêtre, avec en prime jeux récréatifs et fête foraine. Nous voilà plongés dans le monde des affaires. Il ne fallait surtout pas entrer à la maison sans un sou en poche, histoire d'apaiser la colère du paternel en lui démontrant qu'on reste majeur et vacciné. Une fois chez soi, après une journée de dur labeur, les choses prennent une autre tournure, on devient incontournable dans les décisions. Le lendemain, on se passe la main pour participer à l'approvisionnement. Les frêles vacanciers que nous étions, sont devenus cheville ouvrière d'été pour aider la famille. Un sort qui nous attendait au seuil des grandes chaleurs. On aura troqué notre kit de vacances pour une boite à cocons dans l'espoir de retrouver la route de la soie.