Quand la date de ce mois censé être du jeûne approche, une course effrénée fait courir les consommateurs et rien n'est laissé au hasard. On commence par les produits de première nécessité : huile de table, café et lait. Et comme c'est l'été et en pareille période de carême, la crise pointe de la rumeur pour faire faire un sacrifice à la maitresse de maison qui, au petit jour, s'en va en quête du sac de lait, ou plutôt des sacs de lait. Et ce pour assurer qui pour le laisser cailler, qui pour en faire du flan maison, qui encore pour le petit déjeuner au S'hour quand ce n'est pas carrément à la rupture du jeûne accompagné de dattes... Et puis ne pas oublier tous les ingrédients nécessaires à la confection de la chorba ou h'rira avec l'inévitable assortiment bourek ou brik mis à congeler depuis une semaine, pour ceux qui préfèrent la pâte industrielle et à la préparation des mets de résistance. Dans la quasi-totalité des foyers, il est congelé la tomate, les petits pois, les artichauts et autres légumes qui ne sont plus de saison. Le citron qui atteint les cimes en ce mois de piété est lui aussi au congélateur. Pressé, il est réparti en dose journalière pour toute la période jeûne. Epices, frik, vermicelle, langue d'oiseau sont également achetés à l'avance. Les retardataires trouveront les rayons des superettes et des épiceries dégarnis tant les caddies sont pleins à ras bord. Une véritable razzia comme si demain, il allait y avoir une apocalypse. Depuis près d'une semaine, c'est la bousculade du matin au soir au grand bonheur des commerçants qui se frottent d'ores et déjà les mains. Tout est bon à acheter. En ce week-end, direction les boucheries. Tous optent pour l'agneau, des gigots entiers sont raflés à main levée. Et chacun va vers son boucher pour prétendre au meilleur morceau. Et la plupart optent pour la viande locale, de loin meilleure que celle importée. Même si les prix ont pris leur envol, il vaut mieux aujourd'hui que demain, parce que demain ce sont déjà des dinars en plus. La différence est de taille et c'est déjà ça de gagné. Ceux qui optent pour le veau ont passé commande auprès du boucher du quartier qui le ramène, assure-t-il, garanti de Kabylie, puisque l'élevage est de famille et ce sont eux qui égorgent, fraîcheur assurée. Le boucher réserve cette opportunité de passer commande à ses clients. Comme il le fera à la veille de l'Aïd, surtout pour les abats, le foie en prime. Quant au prix, faut pas trop discuter, c'est la loi du marché qui l'impose. Une autre habitude s'installe, celle de s'approvisionner à l'abattoir. Il est proposé un mouton par une tierce personne qu'il soumet au partage entre collègue. Parce que souvent, il faut se lever tôt, faire la queue pour prétendre à un mouton ou la moitié. Et comme la quantité est grande, le partage se fait par la suite entre amis. Ce week-end, dernier virage avant l'entame de Ramadhan, les rues sont animées de manière particulière. Dès que le salaire est perçu, direction les points de vente. Tout un budget est réservé aux emplettes qui dégarnissent le compte. Et alors que tout le monde se plaint et critique son voisin, il n'en fait pas moins au détour d'un achalandage. La frénésie des achats ce n'est pas que chez les autres...