La sentence est donc sans appel pour les conservateurs du Premier ministre sortant, Antonis Samaras, durement sanctionné pour son alignement sur les exigences d'ajustement structurel de la troïka (BCE, UE, FMI), en contrepartie des 240 milliards d'euros consentis depuis 2010. La facture a été lourde à supporter pour la population victime d'un taux de chômage (25%) et de réductions drastiques des salaires. Une autre alternative se dessine pour la nouvelle Grèce donnant mandat à la gauche radicale (149 élus sur les 300 que compte le parlement) en alliance avec la droite souverainiste des Grecs indépendants (13 élus) de Panos Kammenos et, éventuellement, les centristes de To Potami (17 sièges) de Stavros Theodorakis, prêt à soutenir le nouveau gouvernement sans en faire partie, pour consolider les bases d'une coalition disposant de la majorité absolue (151 élus) et déterminée, selon Alexis Tsipras, à « écrire l'Histoire » en « laissant l'austérité derrière eux ». Au cœur de la problématique grecque, l'avenir de la zone euro se pose avec acuité. Même si l'option du maintien est jugée incontournable par la nouvelle majorité grecque, la franche opposition de la chancelière allemande traduit les tiraillements dans l'édifice européen ébranlé par le coup de barre à gauche porteur d'une autre vision de l'Europe. Les grands chantiers de Syriza font de la renégociation de la dette publique (300 milliards d'euros, 175% du PIB), la clé de voûte de la stratégie de reconstruction à « 4 piliers » : la fin de l'austérité, la relance de la croissance et le renforcement de la démocratie. Les partenaires de la zone euro accepteront-ils la proposition d'annulation de la majeure partie de la valeur nominale de la dette publique, dans le cadre d'une « conférence sur la dette européenne », et l'idée d'un moratoire pour le remboursement des intérêts de la dette destinée à consacrer les fonds d'aide pour la croissance ? « Cela s'est produit pour l'Allemagne, en 1953. Cela peut également se produire pour le sud de l'Europe, et pour la Grèce », a plaidé Tsipras. Mais, la thérapie grecque, au centre des discussions des ministres des Finances en conclave hier à Bruxelles, n'en est pas moins rejetée par les créanciers peu disposés à perdre une partie des 240 milliards d'euros. La panoplie des réformes (12 milliards de financement) institue une batterie de mesures pour combattre les effets de la crise humanitaire, faire face aux aléas du droit de travail draconien (rétablissement du salaire minimum à 751 euros) et surtout mettre en ordre de marche la machine économique. L'alternative grecque conforte le front européen contre l'austérité. La France socialiste s'est ainsi prononcée pour une « étroite coopération entre nos deux pays, au service de la croissance et de la stabilité de la zone euro, dans l'esprit de progrès, de solidarité et de responsabilité qui est au cœur des valeurs européennes que nous partageons ». L'effet de domino est redouté en Europe du sud lançant, à travers le dirigeant du parti espagnol Podemos, Pablo Iglesias, le cri de ralliement de « l'espoir (qui) arrive » et « la peur (qui) s'en va ». Au Nord, tous les regards se tournent vers Angela Merkel. « Il va y avoir une partie de poker passionnante », a prédit le chercheur Julian Rappold de l'Institut allemand de politique étrangère.