Tout d'abord, parlez-nous de votre nouvelle création ? J'ai présenté « El Hijra » dernièrement à Alger, devant un public conquis. J'ai choisi sciemment ce thème parce qu'il est d'actualité. Je considère cette création comme engagée. C'est une danse contemporaine, dont la réalisation a nécessité quatre mois de travail intense et acharné. Scindée en quatre tableaux théâtraux, elle est campée par neuf danseuses et danseurs durant trente minutes. La réflexion a commencé à la fin de l'été, et j'ai mis en place le spectacle en septembre 2015. Vouliez-vous faire passer des messages particuliers à travers ce spectacle ? Je voudrais juste pousser les gens à réfléchir à ce qui se passe dans le monde et essayer de transmettre un message de paix pour l'intégration des réfugiés dans les pays étrangers. Tout être humain, là où il va, demeure sur la Terre. Il faut qu'il soit d'une manière ou d'une autre accepté. Dans le dernier tableau, l'enfant fait tomber la barrière qui symbolise la frontière. Dans son texte, l'enfant dit : « Même si vous ne m'acceptez pas avec mes parents, je suis sur la Terre et toutes les terres sont à nous. » Pourquoi avoir choisi la danse contemporaine ? La danse contemporaine est élargie et ouverte à tout le public. J'ai introduit la gestuelle qui part du classique jusqu'au néo-classique, du hip-hop et du break. J'ai voulu mettre toutes les formes de danses dans cette création. La musique est très riche, signée par des créateurs de musique de tableaux contemporains comme Dhafer Youssef, Kid Simpl, Nils Frahm, Sébastian Paul. Pourquoi avoir sollicité des créateurs étrangers alors que nous avons chez nous un potentiel immense ? Je suis consciente de cet aspect. J'ai d'ailleurs entamé le premier tableau avec une musique de Dhafer Youssef. Je compte, dans mon prochain spectacle, travailler seulement sur la percussion et le live car nous avons de très bons instruments et une très belle musique. Il est important d'allier la composition des instruments à la gestuelle contemporaine. Comment peut-on qualifier votre vision artistique du spectacle ? A vrai dire, nous avons un très beau folklore, j'utilise les gestuelles de notre folklore dans les tableaux contemporains. J'opte pour une danse-théâtre qui nous oblige à passer à la danse contemporaine qui comprend le verbal, l'action quotidienne. Ma vision de la danse, c'est aussi d'aller vers une vision théâtrale. C'est une belle vision déjà élaborée par de grands créateurs de la danse contemporaine. Je citerais Pina Bausch, une danseuse et chorégraphe allemande, la doyenne de cette transmission de la danse. Elle avance beaucoup et transmet des émotions aux spectateurs. Quels sont les critères de sélection des danseurs ? Ils sont clairs. Je veux des danseurs qui ont des formations classiques académiques. Je suis très pointilleuse là-dessus. Avec la formation classique, on aboutit à l'excellence. Nous avons des mouvements techniques que nous devons acquérir. Dans le contemporain, nous utilisons beaucoup le mouvement classique, notamment dans les aptitudes, arabesques, jetées en l'air, mouvement du bras qui est très précis. Nous devons impérativement avoir une base classique. Malheureusement, tous mes danseurs ne l'ont pas, hormis deux éléments. Cela pose un problème en Algérie. J'espère un changement. J'y travaille pour remédier à cette lacune. Mon école est en train de pousser une élite sur la scène en prenant en charge des danseurs dès l'âge de 3 ans. Prochainement, certains vont participer au Festival de Cannes et représenteront l'Algérie. Y a-t-il un danseur ou une danseuse qui se démarque dans votre compagnie ? Tous fournissent un travail énorme. Un danseur que je suis de près, nommé Kiki, a un véritable don. Il a été dernièrement remarqué à l'Institut français d'Alger par un chorégraphe français, Hervé Koubi. Il a été séduit par son talent et envisage de le produire à l'étranger. Vous êtes une spécialiste de la danse, quelles sont vos aptitudes techniques ? Je réfléchis beaucoup sur le mouvement de la gestuelle. J'ai reçu une formation académique classique. Je travaille beaucoup sur la technique. Même si ma dernière création s'inscrit dans le genre contemporain, elle peut être facile et difficile à la fois. Je focalise mes travaux sur l'émotion. La transmission de celle-ci passe fatalement par le visage de mes danseurs. J'ai longtemps travaillé sur cet aspect en exhortant les danseurs à dégager de l'émotion par le regard et l'expression. Vous allez prendre part à divers événements ; peut-on en savoir plus ? Notre tournée nationale a démarré le 11 février dernier. Sous l'égide du ministère de la Culture, le spectacle sera donné à Tamanrasset, Sétif, Tizi Ouzou, Constantine, Annaba et Oran. Nous envisageons de participer au 1er concours international de danse au prochain Festival de Cannes.