Encore méconnue, il y a à peine quelques années, la boisson communément appelée cherbet fait de plus en plus d'adeptes parmi les Constantinois en cette période de canicule et de jeûne. Au point qu'un petit commerce s'est rapidement développé, d'abord dans les quartiers du centre-ville, tels que la rue Larbi-Ben-M'hidi, Rahbat El Djmal ou Souika, puis les étals remplis de bouteilles jaunes ont envahi la ville et même les autres communes de la wilaya. Boisson prisée durant la période de canicule, le cherbet de Boufarik est facile à fabriquer et surtout son commerce est « rentable » comme l'explique Amine qui, aidé de son jeune frère, profite du mois sacré pour vendre cette boisson sur le boulevard Mohamed-Belouizdad. « ça dure depuis cinq ans. La préparation se fait à la maison (ils habitent le quartier), c'est rapide et très simple. Notre seul souci c'est de garder les bouteilles au frais avant de les vendre aux clients, nous disposons d'un petit congélateur et nous fabriquons notre produit avec des glaçons pour le maintenir au frais ». Amine comme tout bon commerçant, ne dévoilera pas sa recette car d'après lui, il vend le meilleur cherbet de la ville. Mais après quelques minutes de discussion, nous sommes arrivés à lui arracher un aveu franc concernant l'origine des bouteilles d'eau minérale qu'il remplit de cherbet : « Nous récupérons les bouteilles vides de chez les voisins, et quand ce n'est pas le cas, nous fouillons les poubelles ». Inutile de dire que ce comportement irresponsable et dangereux est adopté par de nombreux vendeurs de ce jus de citron. A ce sujet, nous avons interrogé Mme Sakina Khelil, présidente de l'association de protection et de défense des consommateurs de Constantine : « Il ne faut surtout pas consommer le cherbet vendu sur les trottoirs dans des bouteilles et des sachets anonymes. Il ne faut pas se fier aux vendeurs qui parlent de l'authenticité du produit ou bien sur le fait que c'est fait maison avec des produits naturels. C'est au contraire, une boisson dont l'origine est souvent douteuse et qui contient des produits chimiques pouvant même être cancérigènes. De plus, on ne connaît pas la pureté de l'eau ni même si le produit a été fabriqué dans des bassines ou des baignoires. On conseille donc aux consommateurs d'acheter des boissons dans lesquelles le nom du producteur est indiqué, ou de fabriquer eux-mêmes le charbet car la recette est facile. Il suffit d'un citron, de l'eau, de sucre et de menthe ». Pour sa part, Fadila Bentobal, docteur vétérinaire et inspecteur vétérinaire principal membre de la brigade mixte santé, vétérinaire à la direction du commerce au niveau de la wilaya de Constantine, signale : « Je blâme le consommateur plus que le vendeur, car il encourage la vente de ce produit dangereux pour la santé. Pour y lutter efficacement, il faut que le citoyen évite ces produits. Nous conseillons au citoyen de consommer des boissons fabriquées dans des unités industrielles qui répondent aux normes d'hygiène. Le cherbet qui se vend dans la rue est fabriqué à partir de produits ne respectant pas la chaîne alimentaire, la composition est inconnue, tout comme l'origine du produit. D'autre part, il faut que les services de l'APC interviennent pour stopper le commerce clandestin sur la voie publique ». En attendant, sous un soleil de plomb et installés à même les trottoirs, les vendeurs de cherbet rivalisent d'imagination et de ruse pour attirer la clientèle. Certains proposent le litre à moins de 100 da, d'autres étalent fièrement de grands bacs contenant cette fameuse boisson à la formule douteuse, alors que l'épicier du coin vend du cherbet industriel respectant les normes et à un prix raisonnable !