Certains, en manque de nicotine ou de caféine, peuvent devenir de véritables dangers ambulants. Quand on y ajoute un manque de sommeil causé par des soirées bien plus longues que d'habitude, le résultat ne peut être que fatidique. Un moment que finalement redoutent ceux qui se sont aventurés à l'extérieur, traînant à l'approche de l'iftar, pour quelques raisons que ce soit. Toutefois, pour de nombreux fidèles, le ramadan est aussi une occasion de partager l'iftar à la mosquée. Entre piété et surexcitation, c'est un paradoxe qui donne suite à une série de phénomènes sociaux qui ont caractérisé l'esprit ramadhanesque algérois. Désormais, Ramadan rime avec désordre aux yeux des citoyens, avant de faire leurs courses. Avec bagarre, pour trouver une place de stationnement et, chaîne humaine pour s'approvisionner en pain ou autre pitance. Autre phénomène caractéristique durant ce mois sacré, les accidents de la circulation qui deviennent quasi systématiques. Notamment à l'approche de l'adhan de l'Iftar, à cause, particulièrement, de l'empressement des automobilistes à rejoindre leur domicile, et l'excès de vitesse qui en découle, entreprenant une morbide course contre la montre pour être à l'heure de la chorba. Les statistiques ont même révélé que le pic journalier des accidents survient durant l'heure qui précéde la rupture du jeûne, ou juste après. C'est à ce moment là que l'automobiliste doit redoubler de vigilance, car le corps est éprouvé et les réflexes beaucoup moins vifs que d'ordinaire. A l'heure de l'Iftar, les Algérois se pressent. Invités à rompre le jeûne dans les nombreuses mosquées, dans une atmosphère de convivialité, ou seulement chez eux, les esprits s'échauffent. Au niveau des commerces, les patissiers et les commerces au noir sont pris d'assaut. Parfois des habitants de cités s'en mêlent et se retrouvent dans des placettes pour faire passer le temps. Des sachets à la main, la gent masculine occupe les lieux. Rares sont les femmes qui traversent un boulevard pour s'acheter le produit manquant, à la dernière minute. Certaines boutiques, qui proposent une panoplie de produits prisés durant cette période comme les dattes, galettes, frik (blé concassé), lait et raisins secs, restent ouvertes jusqu'à l'appel à la prière. Les étals de confiseries regorgent de gâteaux de différentes sortes, et on peut y trouver kalb elouz, grioueches, makrout et zalabia. Quelques minutes seulement après el Iftar, les consommateurs de thé et de café déambulent dans les rues. Les cafétérias, premiers commerces à ouvrir, accueillent leur clientèle. Ce sont les soirées animées autour d'une tasse de thé fumant et dans les terrasses de cafétérias, lorsque le temps le permet, qui reflètent l'impact du mois de ramadhan dans les quartiers d'Alger. Célibataires, personnes âgées, étudiants, chaque soir les cafétérias brassent des fidèles de tous horizons. Sur les routes, les premières familles quittent leur domicile, souvent en voiture, pour aller se requinquer après une dure journée de jeûne sur le front de mer des Sablettes où l'animation bat son plein jusqu'à une heure tardive de la nuit. Durant le ramadan, les Algéroises animaient leurs longues soirées par des retrouvailles organisées, au cours desquelles elles appréciaient la présence d'une dame âgée en l'écoutant raconter, avec un art que seules les vieilles personnes ont le secret, des histoires et autres contes, autour d'une table basse garnie de différentes gourmandises et de thé. Plusieurs thématiques étaient proposées, notamment les boukalates, parler des mariages d'antan ou des prestigeux faits des anciens sultans turcs, à l'ère ottomane. Des traditions que nombreuses femmes rencontrées se désolent d'avoir perdues. Quand certaines affirment ne plus avoir le temps, d'autres estiment que les temps changent et qu'il vaut mieux s'adapter à son époque. Des traditions qui se perdent Selon Khalti Bahiya, accompagnée de ses filles, il n'y a pas que les traditions féminines qui se sont éteintes avec les âges. Les mesaharati sont des hommes qui arpentent leurs quartiers tous les matins, jouant de leurs tambours particuliers pour réveiller les gens au moment du s'hour afin de leur permettre de se restaurer avant la prière d'El Fadjr, signifiant le début du jeûne. Une tradition, seulement durant le ramadan, que La Casbah a perdue avec le temps. Elle ajoute que le travail du mesaharati est volontaire, et qu'il ne percevait une rétribution pour ce travail. Nos jeunes ne se réveillent même plus pour le S'hour, ou alors ils ne s'endorment qu'après El Fadjr, après une longue nuit passée avec leurs amis, confie Khalti Bahiya. Selon elle, il y a tout un travail de société pour réussir à s'organiser au mieux, comme nos ancêtres.