Portrait ■ L'artiste-peintre Baya s'en est allée il y a 16 ans (le 9 novembre 1998) à l'âge de 67 ans. Baya, c'est ainsi qu'elle signait ses œuvres. Quatre lettres, un prénom féminin et un destin hors du commun pour cette petite fille orpheline appelée à devenir une grande dame de l'art plastique à une époque où ses sœurs Algériennes étaient confinées aux tâches ménagères et à vivre, derrière les murs des maisons, à l'ombre de leurs «hommes». C'est pour faire éclater les verrous invisibles que l'art de Baya a enfanté des tableaux où l'élément féminin est omniprésent. Femmes sultanes à l'œil de braise, aux longs cheveux sombres en cascade, allongées sur des tapis ou dans leurs jardins, femmes-fleurs complices du végétal, arbres et flore sortis du pays des mille et un soleils qui habitaient la vie intérieure de cette femme partie trop tôt. Les toiles de Baya reflètent la magie des contes, de la féérie et du merveilleux où le paon, oiseau symbolique, frère, ami et confident revient dans plusieurs des tableaux. Les arbres sortis de quelque paradis perdu ont également une large place dans l'art de Baya tout autant que des animaux fantastiques. Comme ce serpent ailé aux formes féminines, papillons-pétales aimés des enfants, une nature abondante, prolixe de couleurs et de contours jusqu'aux instruments de musique comme le luth et la lyre. Dans cet espace imaginaire. Coupes et coupelles débordantes de fruits ou de fleurs, reviennent également sur la toile ou le papier. Le monde, généreux, magique de Baya se retrouve dans son œuvre. Tout ce qu'elle a pu porter en elle de sensations juvéniles, de rêves, de jardins suspendus en ses pensées, d'univers paisible est dans le perçu dans la palette des teintes utilisées. Les couleurs se côtoient à travers leur entière complexité. Foison de formes et de couleurs, rouge, vert, violet, orange, rose indien, turquoise, se marient, s'unissent, fécondant l'art qui est propre à l'artiste. Ses compositions épurées sont le fruit d'un univers où le fabuleux destin d'une femme s'écrit en lettres lyriques. Orpheline de ses deux parents, Baya de son vrai nom Fatma Haddad est née le 12 décembre 1931 à Fort De L'eau, aujourd'hui, bordj el Kiffan. Baya est élevée par sa grand-mère qui travaille dans une ferme de colons. En allant travailler chez un propriétaire français en 1943, elle commence à modeler des animaux et des personnages qui attirent l'attention d'un sculpteur renommé de passage à Alger. Sa première exposition se tient à Paris en 1947 où elle connait un grand succès. En 1953, elle est mariée à Hadj El Mahfoud, interprète de musique andalouse dans la ville de Blida. Elle reste une décennie sans côtoyer le monde des arts jusqu'en 1963 où dans l'Algérie indépendante elle participe à l'exposition «Peintres Algériens» pour la célébration du 1er Novembre. Encouragée par le couple De Maisonseul, Baya se remet à peindre continuant à réaliser des peintures qu'elle exposera dans certaines villes d'Algérie, en France, en Belgique et dans le monde arabe. Plusieurs de ses œuvres ont été acquises dans la Collection de l'art brut de la ville de Lausanne. La Dame au paon s'éteint le 9 novembre dans la ville des roses, Blida, en 1998.