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Baya Mahieddine, dix ans déjà et un talent rare à découvrir encore
L'artiste s'est distinguée par une manière singulière de peindre et un style sans pareil
Publié dans La Tribune le 13 - 11 - 2008

Dix ans se sont écoulés après le décès de l'artiste peintre Baya Mahieddine, de son vrai nom Haddad Fatma, celle qui réalisa, en 1948, à Vallauris, des terres cuites à la poterie Madoura, éveillant la curiosité de Pablo Picasso en personne. Lors de cette manifestation, l'atelier de Picasso était situé à proximité de celui de Baya. Il venait souvent la voir pour contempler ses œuvres et l'encourager. Nombreux sont ceux qui sont convaincus que Baya est une artiste dont l'empreinte aura marqué (et inspiré) bien des générations de jeunes peintres. Le 8 juin dernier, dans la série Œuvres d'arts des musés nationaux, Algérie Poste, en guise d'hommage à l'illustre peintre, a émis deux timbres représentant un portrait et un tableau de Baya. Le 8 octobre dernier, et à la faveur d'une exposition organisée par l'Union nationale des arts culturels (UNAC), une exposition a été consacrée à l'artiste. L'UNAC a invité les visiteurs à redécouvrir sa peinture naïve où émergent des fleurs et des instruments de musique traditionnelle.
Baya a eu un destin hors normes, une vie de femme entrecoupée de rencontres surprenantes et de ruptures successives, à travers lesquelles elle devient artiste peintre.
Pour ceux qui ne la connaîtraient pas, Baya est née le 12 décembre 1931 à Bordj El Kiffan (ex-Fort-de-l'Eau) dans une famille pauvre dont les origines étaient partagées entre Arabes et Kabyles. Elle perd son père à l'âge de 5 ans et sa mère juste un an après. Baya et son petit frère Ali deviennent orphelins. Ils sont pris en charge par leur grand-mère paternelle qui travaille dans une ferme appartenant à une Française. En 1942, Marguerite Caminat vient rendre visite à sa sœur Simone, la propriétaire de la ferme dans laquelle travaille la grand-mère de Baya. Remarquant celle-ci, elle parvient (non sans difficultés) à convaincre sa sœur Simone de la laisser emmener avec elle à Alger. «Je prendrai soin d'elle et elle ne manquera de rien», a-t-elle promis. Quelques jours plus tard, Baya se retrouve dans une nouvelle maison bien meublée et décorée, remplie de livres illustrés et de beaux objets. Il faut dire que le mari de Marguerite est un amateur d'art qui raffole de tout ce qui s'y rattache.
Baya découvre un jour la photo d'une femme portant une belle robe dans un magazine illustré. Ne sachant ni lire ni écrire, elle dessine. S'apercevant que Baya avait des prédispositions certaines pour le dessin, Marguerite décide de lui acheter des crayons de couleur, des gouaches et du papier. La petite fille au grand esprit extériorisera alors toute son imagination sur des feuilles blanches qui
deviendront plus tard des œuvres.
Une singulière manière de peindre
Baya s'est distinguée par sa manière de peindre à telle enseigne que de grands noms du monde artistique de cette époque ont reconnu son talent. En dépit de son très jeune âge (13 ans), elle dessine, peint, sculpte des paons bariolés, des femmes fées ou des fleurs, des oiseaux multicolores qui voisinent avec les raïtas, les harpes et les guitares de la fête. «A ceux qui, refusant les œillères rationalistes, croient, envers et contre tout, à la délivrance du monde et, pour en faire une réalité, aspirent à retrouver, où qu'elles soient, la fraîcheur de l'inspiration et la hardiesse de conception qu'elle entraîne, il est donné, par l'enfant qu'est Baya, de se pencher sur ce double creuset», écrivait André Breton (en 1947), le «papa» du surréalisme, dans la revue Derrière le miroir, fasciné qu'il était par le travail intuitif de ce peintre enfant qui allait marquer une très large page de l'art moderne, sans doute le peintre le plus créatif de l'art contemporain algérien.
«Je me souviens de sa première sculpture, c'était l'année où les Américains ont débarqué, en 1942», raconte Mireille, amie de Marguerite et également de Jean de Maisonseul, alors conservateur du musée d'Alger. Un autre ami de Marguerite, Jean Perissac, celui-là attiré par les gouaches de Baya, les montre à Aimé Maeght, un célèbre marchand d'art, de passage à Alger. «C'est cela que je veux exposer», dira Maeght à l'adresse de Perissac. Il décide aussitôt de les faire exposer dans sa galerie à Paris, en novembre 1947. C'était la première exposition de Baya avec une importante préface d'André Breton. «Baya est reine», écrit-il. Il s'est demandé comment un enfant avait pu, du premier coup, découvrir les secrets que Matisse a mis 60 ans à découvrir. La présentation des douze grandes gouaches de Baya, où cette dernière apparaît en véritable petite princesse orientale -seroual à rayures dorées et babouches brodées- fait un tabac. Edmonde Charles-Roux, rédactrice à Vogue, envoyée couvrir l'événement, se souvient : «Baya faisait corps avec son œuvre. Elle m'apparaissait comme un personnage mythique, mi-fille, mi-oiseau, échappée de l'une de ses gouaches ou de l'un de ces contes dont elle avait le secret et qui lui venait on ne savait d'où. Sa peinture ne doit rien à l'Occident. Dans sa prodigieuse faculté d'invention, n'entre aucune culture. Son sens inné des couleurs trouve sa source au fond des âges.» Mais Baya va mûrir, tout en continuant à imaginer un monde fabuleux peuplé de monstres fantastiques figés dans la cire et de filles fleurs éclatantes, de femmes oiseaux voluptueuses, magnifiques sur le papier par la couleur dans des décors paradisiaques. Elle peint sans modèle, tout à l'intuition, en puisant spontanément son inspiration dans l'art populaire et le conte oriental.
En 1953, soit une année avant le déclenchement de la guerre de libération nationale, Baya regagne l'Algérie et se marie, à Blida, avec le chanteur compositeur de la chanson andalouse algérienne, El Hadj Mahfoud Mahieddine, d'une famille traditionnelle musulmane. En guise de solidarité avec la juste cause de son pays, elle cessera toute activité artistique de 1954 à 1962. Elle se consacre à son mari et à ses six enfants. En 1963, Jean de Maisonseul contacte Baya pour exposer ses œuvres anciennes. Le musée profite de l'occasion pour acheter quelques gouaches. Baya encouragée se remet à peindre. Le thème de ses tableaux représente le plus souvent des femmes portant des robes merveilleusement ornées et colorées, des plantes, des poissons et de grands oiseaux. On trouve aussi des instruments de musique (après son mariage avec El Hadj Mahfoud) et, parfois, des villages dans des paysages de rêve…Ses œuvres se trouvent dans plusieurs collections publiques, du Musée national des beaux-arts d'Alger, du Musée d'art moderne de Paris, du musée Cantini de Marseille, du Musée d'art brut de Lausanne…
Le dessein fulgurant reste pudique, mais les couleurs sont toujours éclatantes, presque saturées. C'est à partir de la mort de son mari, en 1979, que Baya reviendra aux motifs d'inspiration de son adolescence. Sa frénésie de création semble irrésistible. La mort de son mari semble l'avoir galvanisée. Les instruments de musique, luth et guitare, comme en écho à la musique arabo-andalouse dont son mari s'est fait une spécialité, sont souvent présents.
Son art sauvage aux couleurs saturées trouble les artistes de son époque. Elle ne s'encombre pas des conformismes artistiques en vigueur et ose afficher des références culturelles liées à son pays.
Baya Mahieddine ou le sens patriotique
Pour Othmane Mahieddine, (l'un des six enfants de Baya), occupant actuellement les fonctions de responsable au niveau du cabinet de la wilaya de Blida, il ne fait pas de doute que sa défunte mère fut très marquée par la perte précoce de sa mère. «C'est pour cette raison qu'elle a tendance à beaucoup reproduire les femmes car elle voyait en toute femme sa mère», nous dira-t-il, ajoutant que Baya se caractérisait par sa réserve et sa grande discrétion. Elle incarnait l'algérianité, surtout en ce qui concerne les coutumes et les valeurs morales. «A l'avènement de la période de violence qui a secoué le pays au début des années 1990, Baya n'a pas changé d'un iota. L'ambassadeur de France en Algérie de l'époque, craignant qu'elle ne fît l'objet d'un acte terroriste, lui a même proposé, au milieu des années 1990, de l'emmener à Paris, lui promettant de la faire bénéficier, outre d'une résidence de choix, de tout ce dont elle
aurait besoin, pour continuer à exercer son activité. Mais, tenant plus que jamais à son pays et, surtout, tenant à vivre les
difficultés que traverse son peuple, elle a poliment décliné l'offre du diplomate français», se souviendra son fils.
Baya a ouvert la voie avec quelques peintres de sa génération comme Khadda ou Issiakhem à la peinture algérienne contemporaine. Cette femme discrète et noble décéda en 1998 avant de pouvoir achever un tableau qu'elle avait commencé.
Elle nous laissera une œuvre à son image.
A Blida, d'aucuns, particulièrement parmi les personnes âgées qui se souviennent du personnage, tiennent à mettre en évidence ses qualités morales et humaines. Baya incarnait l'algérianité, surtout en ce qui concerne les coutumes et les valeurs morales. «Elle se déplaçait en ville, faisait ses courses, rencontrait ses amis…Elle était humble et affable. Cela nous réjouit énormément qu'il n'y a pas très longtemps, le ministère des Affaires étrangères de notre pays ait procédé à l'achat de nombreux tableaux peints par Baya, en vue de les mettre au niveau de toutes les ambassades d'Algérie à travers le monde», nous dira-t-on. Autre indice révélateur de l'aura qu'a l'artiste même après son décès, le fait que l'on ait remis au président Bouteflika en guise de cadeau, à la fin de la visite d'inspection que ce dernier a effectuée à Blida, en 2001, un immense tableau de Baya. Une manière de dire que l'artiste symbolisait toute une
région. Baya s'est éteinte dans la nuit de dimanche à lundi du 11 novembre 1998 à l'âge de 68 ans.
B. L.


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