Publication n Ceux qui connaissent Mohamed Khadda, le connaissent pour son génie créateur en tant que plasticien. Tout le monde le connaît pour être l'auteur d'une œuvre unique, magistrale. Tous le connaissent pour avoir révolutionné la peinture algérienne. Mais la plupart, voire très peu sont ceux connaissent Mohamed Khadda pour être une belle plume. Effectivement, «Mohamed Khadda avait une belle plume. Avant d'être peintre, il s'est essayé à la poésie. Il avait gardé une grande proximité avec l'écriture», dira Naget Khadda. «Il avait à l'écriture un rapport très particulier : à la fois celui du militant soucieux d'efficacité et celui de l'esthète qui soigne ses phrases et caresse les mots comme un poète», raconte-t-elle. Mohamed Khadda, qui fait figure d'exception dans la peinture algérienne, avait écrit deux livrets : « Eléments pour un art nouveau » (1972) et « Feuillets épars liés et inédits » (1983). Deux productions écrites que les éditions Barzakh viennent de rééditer et, du coup, restituer aux lectorats actuels. «Les deux livrets sont aujourd'hui introuvables en librairie, quoique toujours cités dans la presse », explique Naget Khadda, l'épouse du défunt plasticien, et de poursuivre : « Les autres textes sont disséminés dans des publications diverses et, de ce fait, difficiles d'accès. Il m'a donc paru nécessaire de rassembler et de remettre en circulation ces essais qui, désormais, font partie du corpus de documents portant sur l'activité culturelle initiée au moment de l'accession de l'Algérie à l'indépendance.» Et à la question de savoir quelle était la raison qui l'a motivée à rééditer ces deux ouvrages, Naget Khadda explique qu'il y en a en fait trois. Et de répond : « Partout où je suis allée pour animer des conférences et des expositions, on m'a suggéré de faire vivre l'œuvre et la pensée de Mohamed Khadda. Il y avait une demande qui se manifestait là où je suis passée. La deuxième raison ayant motivé la publication de cet ouvrage, c'est de participer au travail mémoriel, une façon de publier ses mémoires, brasser les problèmes auxquels lui et d'autres artistes étaient confrontés. A travers ce travail littéraire, je voulais également corriger des infléchissements et certaines erreurs que je rencontrai à droite et à gauche dans la presse. » Dans « Eléments pour un art nouveau », l'auteur présente, explique-t-on, « les sources de l'art algérien, partant des fresques du Tassili, embrassant l'art berbère dans sa globalité, puis l'art arabe et musulman ». Le livret, qui se présente sous forme d'un manifeste, aborde ensuite la période coloniale. Il aborde, en outre, les années qui ont suivi l'indépendance, une période caractérisée par « l'euphorie créatrice naissante ». Parmi les autres textes qui composent l'ouvrage, on peut citer un texte consacré au miniaturiste Mohammed Racim. On y trouvera également des extraits de textes consacrés à Khadda par des écrivains et critiques d'art, comme le romancier Mohammed Dib, le poète Francis Combes, l'écrivain Rachid Boudjedra « Au final, dira Ameziane Farhani, journaliste et critique, nous disposons là d'un ouvrage inestimable où l'on apprend, découvre et réfléchit, non seulement sur l'art, mais sur l'ensemble du champ culturel national. Si les textes datent dans leurs références pratiques, ils restent d'une indéniable actualité dans la réflexion, au point qu'on croirait certains écrits hier. Aucun artiste ni aucun passionné ne devrait les ignorer et ils devraient être au programme des Beaux-arts, voire des grandes classes de lycée. » Ainsi, les écrits de Mohamed Khadda ont « la faculté de nous mettre en relation avec son univers par un biais autre que la peinture », ils se veulent, selon Naget Khadda, « un témoignage sur les débats politico-intellectuels de l'époque, qu'elle soit l'occasion de revisiter le climat intellectuel et citoyen qui a prévalu dans la société à l'aube de l'indépendance, quand la plupart des intellectuels considéraient de leur devoir d'apporter leur obole à un projet de société en train de se construire».