Résumé de la 4e partie n Quand le mayeur vint boire sa pinte au bon couvet, il avait l'air triste comme un jour de pluie. «Diable ! fit celui-ci en lui tapant sur la bedaine. Il s'agit de vous soustraire à la potence. J'ai déjà escamoté bien des choses, mais je ne suis point encore tombé sur une muscade d'aussi fort calibre. C'est égal. Laissez-moi aller là-bas à votre place. On n'y connaît point votre figure : nous verrons bien ce qui en adviendra. Fiez-vous à moi. La corde qui doit vous servir de cravate n'est point encore filée.» Au jour dit, la Guerliche se présenta au palais. Le roi était justement de bonne humeur, ayant bien dîné. Il digérait sur son trône en fumant sa pipe, avec tous ses courtisans assis en rond. Il ordonna qu'on introduisît le mayeur. «Ainsi c'est toi, lui dit-il, qu'on appelle le mayeur Sans-Souci. — Je ne mérite mie ce nom, sire. — Ah ! ah ! mon gaillard. Tu t'es donc soucié de savoir ce que pèse la lune ? — Il a bien fallu, sire. — Et quel est son poids ? — Une livre. — Une livre !» fit le monarque, et, pensant que le mayeur se moquait de lui, il fronça le sourcil. Tous les visages se rembrunirent. «A preuve qu'elle a quatre quarts, ajouta la Guerliche. — Au fait ! dit le roi en souriant, et toutes les figures s'illuminèrent. Et t'es-tu aussi inquiété de savoir ce que vaut notre personne, au plus juste prix ? — Au plus juste prix… Vingt-neuf deniers. — Drôle ! dit le roi. Il ôta sa pipe de sa bouche, et toute la cour se mit à murmurer. — Dame ! sire, puisque Nôtre-Seigneur Jésus-Christ en a été vendu trente. — Ah ! très bien !» s'écria le monarque. Il tira une large bouffée de tabac et l'écho répéta à la ronde : «Très bien ! très bien ! très bien ! — Silence ! fit le roi. Et maintenant voyons la troisième question. Pourrais-tu me dire ce que je pense ? — Parbleu ! oui, sire. Votre Majesté pense que je suis le mayeur Sans-Souci, et je ne suis que son serviteur. — Je te nomme mon premier ministre ! s'écria le monarque en se levant de son trône. Je ne saurais en trouver un plus malin.» Mais la Guerliche pria humblement Sa Majesté de l'excuser, et se contenta du grade de meunier du roi des Pays-Bas. C'est la plus grande preuve d'esprit qu'il ait donnée durant sa vie, — non moins grande que celle qu'il donna après sa mort. Quand la Guerliche fut près de sauter le pas, «ayant pris femme, se dit-il, et fait, par conséquent, son purgatoire sur terre, j'ai toutes les chances d'aller en paradis. Mais le métier d'escamoteur n'y mène point directement, pas plus que celui de meunier. Je crains bien d'être forcé de gagner ma place par un dernier tour d'escamotage. Réfléchissons. La chose en vaut la peine.» Et il enfonça sa tête dans l'oreiller. A suivre