Richesse Le folklore algérien se distingue par une profondeur et une diversité considérables. Le costume traditionnel illustre, parfaitement, cette diversité et manifeste de façon typique la créativité et l?imagination du peuple algérien. Toutefois, la combinaison de plusieurs facteurs a fait que les Algériens se sont détournés de ce patrimoine, en dépit de sa richesse. Pour preuve, les témoignages recueillis auprès des différentes franges de la société confirment parfaitement cette tendance. Djafar, 46 ans, employé d?une administration, souligne que le critère déterminant le choix de ses habits est la fonctionnalité, ce que, selon lui, nous ne retrouvons pas dans les vêtements traditionnels. «Je suis, en fait, un adepte de la devise : l?habit ne pas fait le moine», ajoute-t-il. Saliha, 25 ans, infirmière au CHU Mustapha, éprouve une fierté à choisir les costumes traditionnels pour la célébration de sa fête de mariage malgré, dit-elle, «leur cherté». Elle a, cependant, trouvé l?astuce. Elle affirme que comme elle, la plupart de ses collègues ont, souvent, recours à cette formule : «Je confectionne mon trousseau, constitué comme le veut la tradition des tenues de différentes régions du pays chez une couturière. Je choisis moi-même le tissu ainsi que le modèle. Ce qui me permet d?obtenir une jolie tenue à un prix raisonnable.» Pour Saliha, il est hors de question de se passer de ce défilé traditionnel, très répandu dans nos mariages : tesdira. Interrogée sur la possibilité de porter ces vêtements au quotidien, elle avoue : «Personnellement, si nos modélistes arrivent à les faire adapter à notre époque, je les porterais à la place du hidjab importé d?Orient. Il me semble que leur découpe et leur originalité dépassent de loin les âbayas importées d?Arabie saoudite, à condition, bien sûr, de savoir les mettre en valeur.» Rabah, fonctionnaire, abonde dans le même sens : «Avant de parler d?habit traditionnel, je dois dire que le citoyen algérien ne fait pas confiance au produit local. Cependant, si les concepteurs algériens se penchent sérieusement sur la reconstitution de nos anciens costumes, je crois, du moins concernant les femmes, qu?elles n?hésiteraient pas à les porter quotidiennement à l?image de nos mères.» Chaâbane, cadre d?Etat, conforte cette appréciation : «Le produit algérien est déjà loin d?être concurrentiel, comment voulez-vous parler de tenues anciennes, dont la fabrication est restée pendant très longtemps immuable. Nous pouvons, certes fabriquer un produit de qualité à tendance traditionnelle, mais beaucoup de contraintes empêchent de développer ce créneau qui peut apporter énormément à l?économie nationale.» Amar, tailleur depuis 1979 à Alger, confirme sur un ton outré que «l?habit est, en principe, une partie du patrimoine d?un pays. C?est à travers les tenues traditionnelles qu?on peut afficher son identité, mais la ruée vers les articles d?importation a fait que nos produits moisissent sur les étals de nos magasins». Notre interlocuteur n?hésite pas à pointer du doigt nos économistes et nos politiciens, car dit-il, «le secteur de la confection est une question politique avant d?être économique. Or, chez nous, ni les politiciens ni les économistes ne se sont donné la peine de réhabiliter ce domaine qui reste jusqu?à présent inexploré».