À plus d'un mois de l'élection présidentielle, la scène politique se singularise par une effervescence qui ne semble épater que ceux qui en sont les acteurs directs et bien entendu les médias qui se nourrissent et peut-être même se délectent, ils sont d'ailleurs les seuls à être dans ce cas de figure, de ce qu'elle peut leur apporter comme grain à moudre. Très à l'Algérienne comme tout ce qui se veut d'original, les frémissements qui agitent la rue chaque week-end ont justement pour particularité de ne l'être que durant la pause hebdomadaire. Le reste du temps, c'est sans doute le repos du guerrier revisité. C'est un peu ce qu'Elia Kazan dans ses souvenirs qualifiait de «militants de banlieue» même si les aigres-doux propos balancés à l'endroit de ses anciens compagnons de lutte clandestine contre la chasse aux sorcières évoquaient plus les remords d'une balance qui n'aurait pas résisté aux pressions de la commission Mac-Carthy. Partis politiques réputés proches du pouvoir, formations réputées de l'opposition et grappes de personnes affirmant leur indépendance pour contrer tout ce qui fournirait un argumentaire de nature à dénoncer une quelconque manipulation sortent, depuis quelques temps, d'une hibernation de cinq jours pour faire le forcing créant ainsi une ambiance de campagne électorale avant l'heure. Pourtant dans tout ce vacarme hebdomadaire, il y a un troisième élément, essentiel celui-là parce qu'il sera décisif le jour «J» : l'abstentionniste. C'est depuis quelques années Monsieur-tout-le-monde même si les résultats et les statistiques n'ont jamais cherché, voire osé s'arrêter sur ce qui a d'abord été le témoignage initial d'une humeur vagabonde pour devenir finalement et à mesure que les politiques se dévoyaient une caractéristique immuable et à la limite de la transmission génétique. Tant pis ou tant mieux, mais tous ceux qui vont partir à l'assaut de la présidence devront en tenir compte car il est peu probable que l'abstentionniste revienne à de meilleurs sentiments, sacrifiant une journée printanière qu'il consacrera plus à aller taquiner le maquereau dans le cours d'eau encore viable proche de son lieu de résidence, regarder ses enfants et/ou petits enfants batifoler dans un espace vert de la taille d'une peau de chagrin qu'aller se faire hara-kiri dans un isoloir. Exception faite évidemment du reste des électeurs purs et durs parce que militants de formations politiques engagées de très près ou de très loin dans la compétition. C'est là une réalité que ceux qui appellent au boycott feignent ignorer comme si, une fois les résultats proclamés, ils n'hésiteraient pas à en revendiquer la paternité alors que le désaveu chez les abstentionnistes est général tant que la scène politique ne sera pas intégralement renouvelée. Jusque-là l'élection présidentielle constituait l'un des rendez-vous électoraux les moins rejetés par les Algériens, celle de 2014 est annonciatrice d'une défection même chez les habituels électeurs, ceux-là même qui faisaient le déplacement aux bureaux de vote rien que pour estampiller leur carte. Voter... un devoir comme s'évertuent à le marteler des politiques ne semble plus l'être aux yeux de millions de jeunes qui ne croient plus aux engagements des candidats. Pis, il relève désormais de la normalité pour des citoyens de s'affirmer en soutenant que ne pas voter est un... droit parce qu'à leurs yeux il sera imprescriptible tant qu'ils ne l'estimeront pas autrement. A. L.