Il n'est pas logique d'aller manquer, dans le lot de quatre romans du même auteur, le dernier-né. Oublié dans les vicissitudes impérieuses de la vie courante et les obligations de priorité, professionnelles ou familiales qui n'en finissent pas, ce roman finit par tomber entre les mains du hasard, qui va, alors, décider de remédier à la situation. Et donc il est là, assez fraîchement installé, dans la bibliothèque d'un ami, dans les rayons consacrés à la littérature. Il s'agit, en l'occurrence, du roman Les falaises de la colère, qui manquait pour clore la lecture complète de la «quadrature», de Nour-Eddine Mamouzi, un gestionnaire administrateur qui a décidé de se mettre à écrire il y a quelques années. A raison d'un livre par an, depuis 2009, Il nous livre celui-ci pour confirmer, dans son style propre, la prédilection pour la parole de la métaphore et du message vers la quête de la meilleure situation des êtres -et de leur bonté. Et alors Nour-Eddine Mamouzi opte souvent pour une trame -qui peut ressembler à un conte- sur la raison qui gagne toujours ses procès. Dans son premier roman, Les chemins de la nuit, la parole se déclenche sur le clavier d'une communication Internet sur un réseau social, pour aboutir sur une confrontation communautaire à travers laquelle les bilans du passé se relient et se relaient dans les projets d'avenir vécus sans conflits majeurs dans un présent multiethnique, constatant le poids des mots par rapport aux réponses sur les maux. Et alors il faut offrir les tons de la couleur à l'Histoire, dans son immensité qui donne l'impression de hanter l'auteur. C'est dans le deuxième roman que le pari est tenté de se tenir. L'autre rive de mes réminiscences ne va pas alors par trente-six chemins pour racheter un récit, qui va au radical, au grandiose, c'est-à-dire aux aïeux les plus lointains, aux ancêtres à travers les siècles. Pour dire les phrases de tous les jours, dans les rêves du présent, à la condition que la connaissance de l'être soit le maître-mot. Où l'appellation par le nom des choses, des lieux et des personnes, est la clé de toutes les réinventions. Qui verra la renaissance des hommes et des femmes, perturbés par les luttes incessantes, de blessure en blessure, mais réconciliés par la reconnaissance des anciennes traces mêlées aux repères du présent. Et donc le rêve et la réminiscence se joignent dans le combat pour l'identité définitive. Dans le troisième roman, Les secrets de l'extrême, l'auteur, cette fois, nous invite dans le désert. A l'évidence, métaphysique. Qui sollicite le sens de l'esprit et de ses capacités d'abstraction, afin de résoudre les énigmes de l'Histoire tourmentée, où la foi est le principe fondamental, nécessaire et suffisant, pour ne pas se laisser engloutir par le désert, lorsqu'on ne revient pas vers soi. Avant d'affronter le monde -qui n'est pas si mystérieux et inconnu qu'il en a l'air, semble laisser accroire l'auteur. Presque tout dans la symbolique Mais alors, Nour-Eddine Mamouzi nous emmène, enfin, avec la vieille Ritedj, vérifier sa philosophie de la générosité, érigée comme dogme. Les falaises de la colère, est un récit sur la sagesse, en vérité, un discours sur le sensé et les attributs de l'individu et de la société. Qui enfante la bonne volonté des êtres destinés à la liberté et au progrès, malgré l'adversité due à la misère morale d'une société fraîchement débarquée de son long et tenace asservissement colonial. Nour-Eddine Mamouzi adosse l'essentiel des affres de ce fléau sur les épaules de la vénérable Ritedj -un peu moins sur celles de son vieil époux Ladj, passant au second plan dans le face à face de son épouse avec la contemporanéité de l'Algérie en lutte. Qui méprise son prochain une fois libérée parce qu'elle ignore. Et lorsqu'elle commence à comprendre elle cherche le repentir. La maison sur la falaise qui domine l'azur est le symbole gravide d'un pays en devenir, menacé par l'administration nouvelle, en l'image de l'édile du village -désigné par M. le Maire dans le texte. Une assez somptueuse habitation coloniale, autour de laquelle l'auteur fait tourner un procès d'intention et d'attention. Ritedj a vécu le risque d'anéantissement de la demeure dans des bombardements durant la présence allemande au cours de la Seconde guerre mondiale. Le bonheur de son occupation avec sa famille à l'indépendance, malgré la malédiction qui rôde autour, dans l'imaginaire collectif. Puis sa spoliation par des tiers grâce à la complicité de l'autorité corrompue. Jusqu'au jugement, enfin, de l'édile et sa repentance en prison. Mais Nour-Eddine Mamouzi ne nous dit pas à qui elle revenait vers la fin de son récit. Il la saisit dans un thème de pure poétique, dans lequel on peut courir le risque de considérer cette maison sur la falaise comme une espèce de garantie de l'Histoire, un butin d'enseignement : «La grande propriété des falaises fut une habitation, somme toute élégante où il faisait bon y vivre. Cependant la morale transmise par les sages est bien plus que cela. Elle est le gîte qui protège, le refuge qui unit, le lien toujours plus fort avec la terre, mais surtout le sens qu'elle donne à la vie et le prolongement dans l'inconnu de la mort.» Puis, une pratique inédite dans la tradition éditoriale, ajoute à la particularité de la démarche artistique de Nour-Eddine Mamouzi. C'est, en fait, à un ami à lui, administrateur et gestionnaire aussi, M. Raber Nordine Benoughlis, qu'il attribue l'honneur de préfacer le roman. Une préface fouillée dans l'esprit et dans la lettre, à la lire, bien entendu, qui laisse transparaitre l'extraordinaire degré d'affinité, voire de fusion, avec l'œuvre. N. B.