S'il n'est désormais un secret pour personne, l'état de santé du chef de l'Etat est aussi un sujet de la cyberguerre et de la guerre de l'information que des ennemis de l'Algérie mènent contre elle. Annoncer à ce propos la détérioration de son état de santé ou même son extinction biologique, au mépris de la réalité, ne procède pas seulement de l'intox, mais d'une réelle tentative de déstabilisation de l'Etat. Dans ce cas précis, le travail de sape psychologique est évident. Dernier exemple en date, l'annonce de son décès par une source première, marocaine en l'occurrence, et sa large amplification par de nombreux titres de la presse arabe, relayés ensuite, sur les réseaux sociaux, notamment par des Algériens d'Algérie et de la diaspora. Plusieurs journaux libanais, syriens, irakiens, iraniens et naturellement marocains, sans s'appuyer sur des sources officielles ou crédibles algériennes, ont colporté la rumeur en la livrant comme une information sûre. A la base, l'intox a été lancée par le site marocain Chouf TV, un site mixant information audiovisuelle et écrite, et jouissant d'une certaine audience depuis sa création en 2013. Ce même site avait annoncé le décès du président Abdelaziz Bouteflika quatre fois en seulement un an. Précisément en avril et en novembre 2016, en janvier et en mars 2017. C'est-à-dire à chaque fois que le chef de l'Etat algérien subissait des examens médicaux routiniers ou que ses apparitions publiques se raréfiaient. Bref, ce site sait utiliser opportunément ces circonstances spécifiques, sachant qu'elles sont propices à la propagation de rumeurs. L'annonce de l'annulation de la visite d'Etat à Alger d'Angela Merkel favorisa beaucoup la naissance et le développement de la rumeur, en dépit de la communication transparente de la présidence de la République sur les raisons motivant le report du voyage de la chancelière allemande. L'usage de la rumeur et l'exploitation de l'état de santé du Président algérien par un journal en ligne marocain, instrument intelligent et efficace du Makhzen marocain, doit nous inciter, nous, Algériens, à mieux réfléchir aux notions de cyberguerre, de guerre de l'information et de sécurité numérique. Dans le sens où l'on doit les appréhender comme des éléments essentiels de la nouvelle doctrine de sécurité nationale. Il ne s'agit donc pas de penser seulement à la transition numérique de l'Etat et de la société. Il faudrait réfléchir globalement à l'ensemble des enjeux produits par les évolutions des usages numériques et des menaces consubstantielles. Avec le souci de garantir la souveraineté nationale ; apporter des réponses fortes contre les actes de cybermalveillance et faire de la sécurité numérique un bouclier permanent pour l'Etat, sa diplomatie et l'économie nationale. Outre l'élaboration d'une stratégie nationale pour la sécurité du numérique, l'Etat doit s'engager à développer des parades structurées à la cyberguerre et à la guerre de l'information qui sont menées contre lui par le rival stratégique de l'Ouest, ainsi que par d'autres puissances qui ont un intérêt stratégique évident à affaiblir l'Algérie. On ne le sait que trop, cette double guerre tisse sa toile sur le Net. Sur le Web, des réseaux transversaux de sites électroniques, de hackers et de trolls professionnels s'activent à bombarder l'opinion publique algérienne à l'aide de bombes à fragmentations et autres bombes à neutrons numériques, jouant ainsi sur l'effet de masse, la vitesse de dissémination et la propension de certains algériens, fort nombreux au demeurant, à jouer spontanément le rôle de relais conscients ou inconscients. Les naïfs du Web et les harkis numériques, ça existe ! Au lieu de subir ce bombardement intensif en en minimisant l'impact, sous prétexte que le monde numérique est un monde purement virtuel, l'Etat algérien, avec tous ses démembrements civils et militaires, doit désormais s'atteler à la mise en place des instruments d'une contre-guerre de l'information, à défaut de mener lui-même une guerre de l'information contre les autres. Rappeler que le cyberespace est devenu un système vital pour la solidité et la stabilité des Etats, c'est franchement défoncer une porte numérique largement ouverte ! C'est évident, la prise en compte du cyberespace génère indéniablement des problématiques nouvelles, car le cybermalveillant cumule avantageusement anonymat et imprévisibilité, ce qui rend d'autant plus compliquée l'identification de «l'ennemi». C'est clair, Internet fournit de nouvelles opportunités d'agréger des individus par-delà les frontières pour influer sur les Etats, influencer les opinions publiques et diffuser des idéologies déstabilisatrices. Le contrôle de l'image et de l'information deviennent plus difficiles, alors qu'il suffisait jusqu'à maintenant de contrôler la radio, la télévision et l'agence de presse d'Etat. Mais les temps changent vite, à la vitesse de la «lumière» numérique, ce qui nécessite de s'adapter rapidement aux nouveaux défis de la vie numérique. Au même titre que les adversaires et les ennemis, il faudrait en utiliser les avantages que sont l'immédiateté et la possibilité de frapper instantanément n'importe quel point du cyberespace à partir de n'importe quel autre, tout en permettant de ne laisser aucune preuve de son passage, comme le font si bien Russes, Chinois et Israéliens. Il n'est pas encore trop tard de prendre conscience du phénomène numérique et de ses enjeux cruciaux qui prendront dans les prochaines années une importance vitale dans le domaine de la sécurité et de la défense. Espérons donc que le prochain gouvernement qui sera issu des législatives de mai 2017, et le Conseil de sécurité nationale, objet actuel d'une réflexion profonde et active, prendront en compte les impératifs de la cyberguerre, de la guerre de l'information et de la sécurité numérique. C'est là un ardent souhait patriotique. N. K.