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A propos de l'intégration et de l'identité nationale
Lettre de Mouloud Baubérot à Nicolas Sarkozy
Publié dans La Tribune le 30 - 12 - 2009

Cher Nicolas, mon cher compatriote,Tu as écrit une tribune dans le Monde (9 décembre) qui a retenu toute mon attention. En effet, tu t'adresse à tes «compatriotes musulmans», et c'est mon cas, moi Mouloud Baubérot, frère siamois de celui qui tient ce blog.
Comme une lettre ne doit pas rester sans réponse, alors j'ai décidé, à mon tour, de t'écrire. Après tout, toi aussi, tu es mon «compatriote». Et puis, comme je suis professeur d'histoire en terminale, j'ai l'habitude de corriger des copies.
Nous allons le voir, il y a plein de belles idées dans ta lettre, et je vais pouvoir te citer souvent.
Mais tu as commis une légère erreur de perspective, qui gâche un peu ton propos. Et comme cela vous concerne en particulier ton frère siamois et toi, permets-moi de la rectifier.
Avant, par politesse, il faut que je me présente très brièvement. Ma famille provient de Constantine, ville française depuis 1837 et chef-lieu d'un département français depuis 1848. Nous sommes donc d'anciens Français.
D'autres nous ont rejoints peu de temps après et sont devenus Français, en 1860, tels les Niçois et les Savoyards. Nous avons intégré volontiers ces «nouveaux arrivants» et avons ajouté la pizza à nos coutumes alimentaires.
Et au siècle suivant, bien d'autres encore sont venus, puisqu'il paraît qu'un quart des Français ont au moins un grand parent «étranger».
Certains «arrivaient» de l'Europe centrale, bien différente de notre civilisation méditerranéenne. Mais, comme tu l'écris si bien, nous sommes très «accueillants», nous autres.
Alors nous avons donc accueilli parmi eux un certain Paul Sarkozy de Nagy-Bosca, qui fuyait l'avancée de l'Armée rouge en 1944.
Nous sommes tellement «accueillants» que nous avons fait de son fils, ton frère siamois, immigré de la seconde génération, le président de notre belle République.
Comment être plus accueillants ?
Mais faudrait quand même pas tout confondre : entre lui et moi, vois-tu, c'est moi qui accueille et lui qui est accueilli. Ne l'oublie pas.
Ceci précisé, je suis tout à fait d'accord avec ce que tu écris :Moi, Mouloud, l'accueillant, j'offre à ton frère siamois et à toi-même «la reconnaissance de ce que l'autre peut lui apporter». Mais je demande, à «celui qui arrive, le respect de ce qui était là avant vous». Et, je vais y revenir. Quand les Sarkozy sont devenus français, le ciel de Paris s'ornait d'une grande mosquée avec un beau minaret. Je suis d'accord, moi Mouloud qui t'accueille, je dois te faire «l'offre de partager [mon] héritage, [mon] histoire [y compris en classe de terminale], [ma] civilisation), [mon] art de vivre.»
Tiens, je t'invite volontiers à venir manger un couscous avec moi.
Mais, naturellement, toi «qui arrive», ou toi dont c'est juste le père qui est arrivé, je te demande, comme tu l'écris toi-même, d'avoir «la volonté de [t]'inscrire sans brutalité, comme naturellement, dans cette société que [tu vas] contribuer à transformer, dans cette histoire que [tu vas] désormais contribuer à écrire».
«Sans brutalité» : tu as bien raison, c'est important ça.
Nous, anciens Français, nous ne jouons pas aux matamores, aux «tu causes tu causes, c'est tout ce que tu sais faire» ; nous n'aimons pas trop tout ce qui est «bling-bling».
Nous aimons, tu le soulignes, «l'humble discrétion» et nous comptons sur toi pour être exemplaires dans ce domaine.
Nous comptons sur toi, pour, comme tu l'affirmes, que cela doit être le cas des «nouveaux arrivants», de te «garder de toute ostentation et de toute
provocation».
Car, toi dont le père a fui le totalitarisme, tu dois être bien «conscient de la chance que [tu as] de vivre sur une terre de liberté».
Et cela te donne le devoir de n'en supprimer aucune. Or, quand j'apprends certaines de tes décisions, je suis inquiet à ce sujet.
Contrairement à moi, puisque tu n'es en France que depuis une seule génération, tu as encore beaucoup de choses à apprendre quant aux «valeurs de la République [qui] sont partie intégrante de notre identité nationale».
Vu ta fonction, il faut que tu l'apprennes vite car «tout ce qui pourrait apparaître comme un défi lancé à cet héritage et à ces valeurs condamnerait à l'échec».
Mais, je ne suis pas inquiet : tu es très doué
Donc, il suffit que je te précise un peu les choses, notamment sur la laïcité dont je parle souvent à mes élèves dans mes cours de terminale, et tu obtiendras une brillante note.
D'abord, la laïcité. Ce n'est nullement «la séparation du temporel et du spirituel» comme tu l'écris.
Cette expression, elle fleure le Moyen Âge, la société de chrétienté, bref l'exact contraire de la société laïque.
Comme tu as publié ta tribune le 9 décembre, jour anniversaire de la «séparation de l'Eglise et de l'Etat», ta formule est particulièrement malheureuse.
Le «spirituel» et le «temporel», ce sont des notions théologiques, et cela connotait des pouvoirs.
La lutte de l'empereur et du Pape, c'était la lutte du «pouvoir temporel» pour s'imposer face au «pouvoir spirituel». Deux souverainetés.
En laïcité, seul «le peuple» est souverain et, en conséquence, le seul «pouvoir» est le pouvoir politique qui émane de lui. Le pouvoir, écrit Max Weber, a «le monopole de la violence légitime» : il peut réprimer par la loi.
La religion n'est pas sur le même plan. Et peut avoir, elle, autorité, si l'on est convaincu de sa validité.
Mais elle ne doit pas disposer de pouvoir.
Bon, la première leçon étant apprise, passons à la seconde.
Elle concerne aussi la laïcité.
Tu fais preuve d'une curieuse obsession des minarets et tu sembles assez ignorant à ce sujet.
Pour être concret, je vais te raconter l'histoire de France en la reliant à ma propre histoire d'ancien Français, du temps où toi, tu ne l'étais pas encore.
Pendant la guerre 1914-1918, mon arrière grand-père est mort au front, comme, malheureusement, beaucoup de Français, de diverses régions : Algérie, Savoie, ou Limousin, «petite patrie» de mon frère siamois.
Mais si je te raconte cela, ce n'est pas pour me cantonner dans la petite histoire, celle de ma famille, c'est pour rappeler l'Histoire tout court.
Car nous avons été environ 100 000, oui cent mille musulmans à mourir ou à être blessés au combat pour la France.
Nous étions déjà tellement «arrivés» en France que nous y sommes morts !
Et que les «tirailleurs maghrébins […] se forgèrent lors de cette guerre la réputation de troupes d'assaut par excellence».
Ces combats avaient lieu dans cette partie de la France appelée «métropole». Ma famille y était venue, à cette occasion, et elle y est restée. A Paris, précisément.
Comme nous commencions à être assez nombreux, et provenant, outre la France, de différents pays, la République laïque a eu une très bonne idée : construire une mosquée, avec un beau minaret bien sûr.
Elle avait décidé, en 1905, de «garantir le libre exercice du culte» (article I de la loi de séparation).
«Garantir», c'est plus que respecter. C'est prendre les dispositions nécessaires pour assurer son bon fonctionnement.
Pourquoi passes-tu tant de temps, dans ton texte, à nous parler des minarets ?
Cela n'a vraiment pas été un problème. Bien au contraire.
Et pourtant, ils étaient très laïques, tu sais, plus laïques que toi, mon cher chanoine, les rad'soc (radicaux-socialistes), les Edouard Herriot ou Léon Bourgeois (un des «pères» de la morale laïque) qui ont pris la décision de consacrer des fonds publics à la construction de cette mosquée, de ce minaret.
Tu sais, j'aime bien fréquenter les bibliothèques. J'y ai trouvé un ouvrage d'un historien qui retrace l'histoire de cette construction. Et c'est fort intéressant.
«Il est a remarquer, écrit son auteur, Alain Boyer, que personne n'a soulevé à l'époque le problème de la compatibilité de cette subvention avec l'article 2 de la loi de 1905, concernant la séparation de l'Eglise et de l'Etat qui dispose la République ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte ; il aurait pu d'ailleurs être répondu que l'Etat ne finançait que la partie culturelle, l'institut, et non pas la mosquée proprement dite, c'est-à-dire le lieu de culte. »
«Il aurait pu être répondu» :
Donc c'est plus tard que l'on a justifié ainsi les subventions de l'Etat et de la ville de Paris. Sur le moment, on s'est contenté de trouver cette construction
nullement incompatible avec la loi de séparation.
Tellement peu incompatible que non seulement elle n'a pas été évoquée, mais que le rapport de la commission des finances présenté par Herriot (en 1920) évoque explicitement la mosquée en même temps que la bibliothèque et la salle de conférences.
«Le financement d'un lieu de culte par la République, précise l'historien M. Renard, fut donc voté en toute conscience, malgré la loi de 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat. On parla
surtout de la reconnaissance de la France pour l'indéfectible loyauté de ses fils musulmans.»
Comment conciliait-on cela avec la loi de 1905 ? On en est réduit à des suppositions.
Une me semble fort plausible, on a raisonné par analogie : en effet la conséquence de l'article 1 de la loi de 1905, de sa garantie du libre exercice des cultes avait été double : d'une part la mise à disposition gracieuse (donc manque à gagner par absence de loyer !) des édifices du culte existant en 1905 et propriété publique (des milliers et des milliers !), mise à disposition aux religions correspondant à ces édifices (et on y a ajouté presque tout de suite le droit de faire des réparations sur fonds publics) ; d'autre part, la possibilité (prévue dans l'article 2 lui-même) de payer des aumôniers pour garantir le libre exercice du culte dans les lieux clos : hôpitaux, prisons, armée, internats des lycées,…
On s'est dit : étant donné tout ce que l'on consent financièrement pour garantir l'exercice des cultes catholique, juif, protestant, c'est bien le moins de donner des subventions publiques pour une grande mosquée et son minaret.
D'ailleurs le père de la loi de 1905 Aristide Briand avait dit à son propos : «En cas de silence des textes ou de doute sur leur portée, c'est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée du législateur.»
De plus, et je vais t'étonner Nicolas, les laïcs, ils aimaient bien les minarets.
Lors de la détermination de la qibla (direction de La Mecque), en mars 1922, le représentant du gouvernement, Maurice Colrat, a prononcé un très beau discours.
Il a déclaré notamment : «Quand s'érigera, au-dessus des toits de la ville le minaret que vous allez construire, il montera vers le beau ciel de l'Ile-de-France une prière de plus, dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront point jalouses.»
Et tous les dirigeants et militants laïques présents l'ont chaleureusement applaudi.
Ils étaient comme cela les laïcs : ils assumaient, mais ne voulaient pas «valoriser» les «racines chrétiennes de la France». Ils estimaient, au contraire, que le
pluralisme religieux faisait partie de son histoire, de son identité nationale laïque. Et plus il y avait de prières différentes, plus ils étaient contents.
Le 15 juillet 1926, la grande mosquée a été inaugurée en présence de ton prédécesseur, Gaston Doumergue, le président de la République.
J'ai plein d'autres choses à t'écrire à propos de ton discours. Mais la bonne pédagogie veut que l'on ne cherche pas à en dire trop en une seule fois.
Pour le moment, assimile bien ces deux premières leçons.
Ecris-nous vite une seconde tribune qui rectifie le tir.
Et on reviendra ensuite sur le «communautarisme»
notamment, car là (en un seul mot ?) il y a aussi quelques petites choses à reprendre.
Ton cher compatriote Mouloud Baubérot


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