Dans son discours préliminaire, Sidi Saïd invite les membres de la CEN à laisser de côté leurs calculs personnels. Il les invite aussi à être à la hauteur des défis et à préserver l'image de la Centrale syndicale. En fait, l'appel du patron de l'UGTA est un euphémisme car il voile ses propos pour ne pas choquer. Beaucoup de membres de la direction de l'UGTA ont cessé d'être syndicalistes depuis longtemps et se sont installés dans un confort d'aristocratie ouvrière, ou une sorte de syndicratie indétrônable loin des intérêts des travailleurs, de leurs préoccupations, de leurs soucis. Si l'Etat est le premier interpellé à tout mettre en œuvre pour garantir la stabilité, la paix civile et le bien-être social, si les partis et les associations sont également concernés par ce défi en canalisant la colère des masses, à les éduquer afin qu'elles expriment pacifiquement leurs doléances légitimes, leur mécontentement tout aussi légitime dans beaucoup de cas, le rôle de l'UGTA en particulier est des plus déterminants dans la mesure où elle est au cœur du dispositif socioprofessionnel pour agir concrètement au profit des travailleurs qui souffrent de conditions de travail insoutenables, au profit des travailleurs au noir qui perdent tous leurs droits sociaux et leur dignité, au profit des jeunes chômeurs, notamment ceux qualifiés et diplômés qui font les frais du népotisme quand des postes d'emploi sont disponibles… L'UGTA est l'une des organisations les plus implantées et ayant le mieux essaimé à travers le pays pour pouvoir agir dans l'intérêt des grandes masses, jouer le rôle de régulateur mais, surtout, dénoncer tous les abus, tous les mépris, tous les passe-droits qui poussent les citoyens à sortir dans la rue pour exprimer leur colère en l'absence d'interlocuteur fiable et crédible. Le problème de la société algérienne réside justement dans l'absence de ces relais, de ces tampons, de ces canalisateurs qui existent dans toutes les sociétés afin, justement, de garantir la paix sociale et civile. Si le terrorisme a fait des ravages en vies humaines, sociaux, psychologiques, la gestion malsaine des entreprises, des administrations, des deniers publics, du patrimoine national a fait autant de dégâts et produit un déficit de confiance dans les institutions, dans le système politique, dans le système économique, et a poussé des milliers de jeunes à l'aventure de la harga qui fait tous les jours des victimes. Le choc psychologique nécessaire viendrait d'une vraie révolution dans les mœurs politiques, syndicales et managériales. Et cette révolution est l'affaire de tous les responsables à tous les niveaux et dans tous les secteurs d'activité. A ce titre, l'UGTA doit impérativement cesser d'être une secte de rentiers et un tremplin vers des carrières politiques et parlementaires qui ne servent que les individus. Il est du droit de tout un chacun d'adhérer au parti de son choix, mais il est moralement inacceptable que l'instrument de défense des intérêts des travailleurs soit détourné de sa vocation originelle à des fins politiciennes et personnelles. A. G.