à partir d'aujourd'hui et durant trois jours, les représentants de toutes les mairies d'Algérie (1 541) auront à débattre, comme dans un grand «comité central» des collectivités locales, des problèmes des Algériens. Car il s'agit bien de la vie quotidienne de tous les habitants du pays, de tous âges, de tous les niveaux socio-économiques, femmes et hommes, enfants en bas âge, jeunes, célibataires et mariés, divorcés, handicapés, chômeurs, hauts revenus, etc. Très régulièrement par des élus, la presse et les analystes, il y a évidemment au cœur de la problématique, des questions : «c'est quoi le maire, c'est quoi la mairie ?» c'est quoi l'autonomie des élus qui peuvent être issus de vrais partis d'opposition ? Autonomie par rapport à la main lourde, tatillonne et lointaine de l'administration, au wali qui peut «révoquer» (renvoyer) un élu pourtant censé être choisi par des électeurs qui connaissent mieux leurs élus que le wali ou le ministre de l'Intérieur. Ou ce sont les élus qui décident sous la sanction positive ou négative des gens, ou ce sont les walis, des ministres qui n'affrontent pas le suffrage universel, trop prenant, trop risqué et qui responsabilise devant les gens du douar. Les mairies ne se ressemblent pas, et elles n'ont pas toutes les mêmes moyens humains, financiers, dans les infrastructures, l'éducation, les crèches, les transports, les loisirs, la culture, les sports, etc. Le danger premier de la rencontre d'aujourd'hui est que celle-ci se transforme en lecture d'un répertoire des moyens qui manquent et en une série de plaidoyers pour «plus d'indépendance, plus d'argent, plus d'effacement des dettes, plus d'eau et d'électricité, plus de crèches, etc.» Ce type de radiographie, il faut l'espérer, a dû être fait de manière rigoureuse pour justement éviter que l'Exécutif au complet et les élus passent trois jours à vivre un exorcisme collectif, sans plus. L'autre danger serait qu'après le déroulé du catalogue des revendications presque syndicales des élus, la balle soit renvoyée, sur la base de recommandations déjà prêtes, à l'administration qui reprend la main pour un autre tour, aussi stérile. Si l'état des finances des collectivités locales est au rouge depuis longtemps, à la charge du Trésor public (de Sonatrach), c'est que le développement local n'était pas perçu comme stratégique et que tout ce qui s'est fait a été managé par les «tutelles» d'Alger et accessoirement par le wali qui «assure le suivi». Toute gestion de loin est contre-productive, disent les experts de grands pays où, effectivement, la mairie et le maire sont au cœur du développement local, de la culture, de la qualité de l'urbanisme, de l'hygiène, de l'école… La réunion qui s'ouvre ce matin durera donc trois jours, en présence du premier magistrat. Trois jours, c'est peu, mais c'est aussi beaucoup. L'opportunité qui s'ouvre, une première depuis que M. Bouteflika est à la tête du pays, ne doit pas être gâchée par des manœuvres ou des manipulations autour de la révision constitutionnelle, de l'élection présidentielle. Ces aspects concernent tous les citoyens, sinon le Parlement lorsque telle ou telle décision sera prise à laquelle les élus seront étrangers. Comment arriver rapidement à ce que le maire d'une ville algérienne issu d'un parti ou d'une alliance ait l'envergure politique et intellectuelle, les pouvoirs et surtout celui de négocier avec l'Etat pour tout ce qui concerne sa ville ? Quels sont les mécanismes législatifs à mettre en place rapidement pour que les maires de Madrid, New York, Paris, Londres, Marseille, Sydney ou Tokyo regardent comme leurs égaux ceux de Sétif, Annaba, Biskra, Alger, Oran ou Chlef ? L'Algérie a trois jours pour s'ouvrir un boulevard pour la légitimité des maires futurs, la fierté des électeurs et pour un autre regard extérieur. Et la légitimité, donc l'exercice du pouvoir, est uniquement d'ordre démocratique et politique. A. B.