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Les leçons de la rue et les devoirs des responsables
Après les émeutes qui se sont propagées dans le pays
Publié dans La Tribune le 13 - 01 - 2011


Photo : Riad
Par Mohamed Bouhamidi
La révolte du sucre. Quelques jours après la fin de la révolte, à lire attentivement commentaires et analyses, la secousse qui a ébranlé l'Algérie ne passe pas vraiment pour un nouveau séisme. Analystes et commentateurs partagent en gros un seul souci : donner une suite à ces «émeutes» tant elles leur semblent manquer de sens politique, d'une direction affirmée et d'une lisibilité indiscutable. Nous sommes entrés de plain-pied et immédiatement dans une bataille des significations comme si les titres dominants de la presse nationale avaient peur que les «vraies significations» nous échappent. Et les vraies significations, celles que devraient tirer le pouvoir et nous, quidams égarés, c'est bien sûr que la solution à la crise c'est encore plus de libéralisme. Et de crier à l'échec du «patriotisme économique» tel qu'il s'est exprimé dans quelques petites mesures correctives de la loi de finances complémentaire de 2009 que les gens ont tendance à appeler «mesures Ouyahia». La défaite présumée des mesures Ouyahia a ouvert les vannes à la raillerie facile sur la notion de «patriotisme économique» qui n'avait fait rire personne quand De Villepin l'a utilisé pour les intérêts de la France, mais qui devient une idée d'indigène quand elle vise à définir un minimum commun, un Smig national qui empêcherait que les intérêts d'une catégorie ou d'une caste se réalisent au détriment des intérêts des autres classes, catégories ou groupes sociaux. Dans la raillerie on visait plus l'idée de patrie que l'illusion d'économie où nous ont jetés, depuis la mort de Boumediene, trente-deux ans de casse industrielle. Aucune esbroufe théorique des «experts» du marché n'empêchera pas la manifestation de cette réalité indéniable : les vingt ans de «réformes franches» engagées par Hamrouche qui ont suivi les réformes souterraines de Chadli n'ont abouti, sous l'égide du FMI, qu'au désastre économique qui nous frappe. Et qui frappe nos voisins autant que nous. Il a fallu quand même un sérieux tour de passe-passe pour qu'à la place des portraits d'émeutiers, nous n'ayons que des experts pour nous expliquer ce qu'on doit comprendre. Il ne nous reste que les faits bruts pour débrouiller le gros du brouillard.
Le décret du 2 décembre
Un document du ministère des Finances, daté du 2 décembre, nous apprend que l'Algérie allait supprimer les préférences tarifaires sur trente-six produits agricoles bruts ou transformés importés de l'Union européenne. Notre pays rétablit donc ses droits de douane sur l'ensemble des quantités importées des produits concernés. Au milieu d'une liste hétéroclite allant des vaches à la margarine, nous trouvons aussi le sucre. Cette décision fait certainement suite aux critiques et réserves de l'Algérie sur le fonctionnement à sens unique de l'accord d'association avec l'Union européenne dont a résulté une perte de deux milliards de revenus douaniers. On peut lire dans la presse des extraits de ce genre : «On pensait qu'on allait exporter des produits vers l'UE, mais cela n'a pas eu lieu. Nos produits comme les engrais de Fertial rencontrent des difficultés pour s'exporter vers l'UE. Il existe de nombreux obstacles techniques qui empêchent nos produits d'atteindre les marchés européens en dépit de cet accord», a expliqué le 30 novembre dans un entretien à TSA Mustapha Benbada, ministre du Commerce. Mais la décision du gouvernement va provoquer une hausse des prix sur les produits concernés. Pour le sucre, au moins, la «défaite» du «patriotisme économique» va faire payer encore plus lourd l'erreur d'avoir signé cet accord d'association qui a désarmé notre pays et réduit la présence et la surface d'intervention de l'Etat.
La dernière laiterie
Vers le 2 décembre, une crise du lait apparaît à Alger. Pratiquement toutes les laiteries créées par les privés ou les laiteries d'Etat privatisées cessent de livrer le lait. Plus que le sucre, plus que l'huile, le lait reste l'aliment de base des Algériens, le dernier recours contre la misère et la privation et les mères algériennes savent la valeur de secours inespéré du «m'halbi». On aurait voulu pousser les mères algériennes vers l'émeute, on n'aurait pas fait mieux qu'une pénurie sévère ou une absence totale de lait. Rescapées de la privatisation, quelques unités de l'ex-Onalait ont comblé le vide. Tant bien que mal, le lait arrive dans les quartiers d'Alger à vingt-cinq dinars. Les vieux remercient Boumediene de leur avoir laissé une laiterie à Birkhadem : «Son ombre veille sur nous.» Si l'Etat n'avait pas ce moyen, ces unités, la révolte aurait poussé plus tôt, mais l'Etat lui-même est-il conscient de la marge que ces petites unités lui
ont donnée ? Dans un quartier d'Alger, le hasard a fait que les livraisons se faisaient la nuit. Les enfants restaient à la maison par ces temps froids et les mères ou grands-mères ne pouvaient sortir. Les vieillards attendaient dans les épiceries après la dernière prière, la prière du soir. Ils donnaient malgré eux un spectacle de kachabias et de voix feutrées.
Les premières augmentations et le coup de massue
Sur cette tonalité générale de difficulté extrême, tout a renchéri pour les fruits et légumes. Les gens s'en accommodaient. Vers la mi-décembre, le sucre et l'huile connaissent une première augmentation. Le sucre se hausse de soixante-cinq vers cent dinars. Les ménagères et les citoyens se posent ouvertement la question dans les supérettes : ils veulent allumer l'incendie. Des incendies s'allument un peu partout sur tout le territoire national pour des questions de logements ou de chômage. Diar Chems se rallume, Baraki s'enflamme. Dans la presse depuis quelques mois, des universitaires alertent sur des facteurs grandissants de tension et de nervosité sociale. Bref, tout le monde est prévenu en principe, même le petit peuple qui se demande ce qu'on lui prépare. Les citoyens se retiennent, supportent stoïquement leurs problèmes et observent. A part les émeutes du logement, le pays «va bien». Les gens sont même contents que les enseignants et les médecins reçoivent des augmentations conséquentes. Il y a toujours un médecin ou un enseignant dans la famille et puis, disent les gens : «qu'au moins ceux qui ont étudié gagnent un peu. Il n'y en a que pour les corrompus !» Bref, le peuple ne bouge pas alors que tous ont l'impression qu'on fait tout pour qu'il bouge ! On le fera bouger par une
augmentation démentielle, absolument démentielle à la veille de la nouvelle année. Les citoyens ne bougeront quand même pas. Les jeunes, si ! Beaucoup ont supputé sur cette irruption des jeunes dans une affaire d'huile et de sucre. Le ministre de l'Intérieur le soulignera avec force : ces émeutes ne peuvent survenir d'une question de couffin.
Les ambiguïtés d'un opérateur
Le jeudi des émeutes, le patron de Cevital propose, pour faire baisser les prix du sucre et de l'huile, une baisse de la TVA. Il indique la bonne orientation pour le gouvernement : ne pas toucher au taux de profit des opérateurs, surtout pas, mais perdre de ses taxes. Il s'engage sur une conférence de presse le samedi suivant pour expliquer les raisons de la hausse des prix. Il n'en aura pas le temps. Le conseil interministériel, réuni le même samedi, annule toutes les mesures concernant les taxes douanières et toutes les procédures régulières et légales concernant les transactions commerciales. En quelques heures, nous sommes passés d'une demande de moins d'Etat de la part du patron de Cevital à la disparition de l'Etat au profit des grossistes. La presse ne se trompe pas sur le perdant de l'opération. Cevital est le perdant. Le communiqué du gouvernement le pointe comme responsable de la tension par application anticipée de mesures réglementaires prévues pour le mois de mars. En proposant la baisse de la TVA comme s'il agissait en syndicat des patrons ou en maître de marché du sucre et de l'huile, le patron de Cevital voulait imprimer une direction aux affaires de l'Etat. La presse a interprété à juste titre les décisions et le communiqué du gouvernement comme un désaveu. Dès lors, d'autres opérateurs l'ont accusé d'avoir voulu fausser les règles du jeu et quelques commentaires ont étalé un plaisir perfide à rappeler que Cevital était en situation de quasi-monopole. Les lecteurs apprenaient en consultant les journaux qu'une lutte sans merci opposait des «opérateurs» sur un secteur juteux du marché. D'autant que Cevital, comme les autres opérateurs et comme les grossistes ont commencé à protester de leur innocence : ils n'avaient procédé à aucune augmentation. Comprenne qui pourra. Désormais, il faudra exorciser le marché des démons qui s'y amusent ! Hier mercredi, Cevital prendra encore sur la tête. Un communiqué la somme de ne pas trop faire baisser les prix. La nouvelle économie de marché bannit la concurrence, mais accepte les positions monopolistiques. Voilà une crise dont sont sortis vainqueurs les compradores, les maîtres de l'import-import, les partisans de «pas-d'Etat-du-tout». Sans chèque, c'est bien sûr le règne de l'argent dans les sacs. Ce sont des chances et des opportunités accrues de blanchiment d'argent. Les esprits mal tournés du quartier ironisent sur l'empathie entre les sacs en plastique et les faux billets de mille dinars. L'informel a montré pour la première fois sa capacité de nuisance. Il possède une base sociale et a constitué les réseaux qui peuvent agir sur la malvie, les
mécontentements, les frustrations. La presse a bien sûr relevé le silence du pouvoir et pointé en particulier celui d'Ouyahia. Certains y ont vu la défaite d'Ouyahia et peut-être le signe de son départ. Non sans satisfaction de voir les mesures dites de patriotisme
économique abrogées.
Les explications inquiétantes
Il faut reconnaître que les déclarations du ministre de l'Intérieur poussent tout à fait dans cette direction. En déclarant qu'il ne fallait pas engager de bataille incertaine, il semble faire le reproche au Premier ministre d'avoir croisé le fer avec l'informel dans une bataille sans issue pour le pouvoir. Mais en ajoutant que dans la suppression des taxes, c'est le fisc qui est perdant, mais pas l'Algérie, il laisse entendre clairement que les mesures Ouyahia ne remportaient pas l'adhésion de l'ensemble du pouvoir. A la dissension entre opérateurs, faut-il ajouter les dissensions au sein de l'Etat ? Et entre les deux, existe-t-il des passerelles ? Cela n'est pas pour rassurer
les observateurs.Mais le plus inquiétant reste cette appréciation que les «émeutiers» sont des revanchards. Ils cherchent une revanche pour quel match perdu de leur vie ? Le ministre avoue que, pour lui, il existe une Algérie des gagnants et une Algérie des perdants en mal de revanche qu'il faut mater pour leur faire comprendre qu'ils sont définitivement les perdants. Dans cette logique, seule la répression et le bâton sont susceptibles de faire entendre raison à cette jeunesse. Sur ses malheurs et ses frustrations, les experts viendront nous expliquer combien il est urgent de continuer dans les réformes qui nous ont enfoncés dans le désastre du chômage, du désarmement de l'Algérie et dans la voie de la destruction de l'Etat national.


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