Dans sa volonté annoncée de vérifier la régularité des récentes opérations d'attribution de logements qui ont provoqué de violents mouvements de colère populaire à travers le territoire national, le gouvernement algérien ira-t-il jusqu'à scruter la part de responsabilité de ces fonctionnaires et élus locaux sans lesquels aucune liste de bénéficiaires - qu'ils soient indus ou, au contraire, légitimes - ne peut se faire ? Une fois les enquêtes sur les bénéficiaires achevées et les fraudeurs identifiés, les services de renseignements généraux examineront-ils également ces complicités agissantes qui, au sein des mairies, des daïra, des wilayas ou des ministères, auront permis ces attributions illégales ?Depuis bientôt 20 ans, presqu'aucune des listes que les collectivités locales ont affichées sur leurs murs n'a échappé à la colère des demandeurs de logements, désespérés de se voir encore exclus au profit de personnes qui, ils le jurent, n'ont pas le droit d'accéder au logement ; ils en sont convaincus, ces documents respirent le clientélisme et la corruption et sont frappés du sceau de la ploutocratie. Et, ce qui n'arrange rien pour ces indignés, aucune des enquêtes lancées pour contrôler la légalité ou non de telle ou telle liste n'a abouti - du moins, les résultats n'ont jamais été rendus publics - et les citoyens sont restés avec cette amère sensation d'avoir été honteusement abusés. A Alger, Oran, Annaba et d'autres villes du vaste territoire, des milliers d'Algériens vivent avec la certitude d'avoir été spoliés d'un droit inaliénable sans avoir eu d'autre alternative que d'introduire un recours qu'ils savent, par avance, voué à l'échec. Les recommandations de «réforme globale» du processus opaque d'attribution des logements, faites par la rapporteuse spéciale de l'ONU sur le logement, Raquel Rolnik, et les appels à la «transparence dans l'établissement des listes des bénéficiaires des logements», jusque-là marqué par la discrimination à l'égard des femmes et les personnes âgées, lancés par Farouk Ksentini, le président de CNCPPDH, sont rassurants en ce sens où les demandeurs de logements semblent avoir enfin été entendus, le dossier attribution de logements ne devant (normalement) plus être traité dans les mêmes conditions d'opacité, ni les postulants considérés avec le même air méprisant : nous l'avons vu, les réactions des «victimes du logement» sont de plus en violentes, de plus en plus radicales.Il reste qu'une politique plus claire, appuyée sur la participation de la société civile dans le processus d'attribution des logements - changements que des Algériens appellent de leurs vœux depuis de très longues années - ne va pas sans une transparence totale dans toutes les enquêtes engagées sur les attributions douteuses: les fraudeurs doivent certes être débusqués et exclus mais ceux qui, pour l'argent ou d'autres privilèges, ont permis la supercherie doivent également être identifiés et mis devant leurs responsabilités. S. O. A.