Photo : Riad Par Ali Boukhlef «La question qu'il faut se poser est celle de savoir si un 4e mandat de Bouteflika rendra service à l'Algérie». Une fois n'est pas coutume, Ahmed Ouyahia ne met pas de gants. Quitte à bousculer l'ordre établi. Lors d'une longue conférence de presse, animée hier matin au siège de son parti à Ben Aknoun, à Alger, le secrétaire général du RND, Ahmed Ouyahia, qui a, à certains moments, remis sa casquette de Premier ministre, lorsque des questions sensibles ont été posées, a passé en long et en large la situation politique du pays. De ses relations avec les partis de l'Alliance (ou plutôt un parti, puisqu'il ne reste que le FLN), sa vision de l'islamisme politique, en passant par ses ambitions personnelles, Ouyahia dit tout, répond à tout et esquive lorsque cela s'avère nécessaire. C'est ce qu'il fait lorsqu'on lui demande s'il ne sent pas sa «crédibilité menacée» lorsqu'il soutient la limitation du mandat présidentiel, en 1996, puis revient sur sa position et défend le mandat ouvert, en 2008, alors qu'actuellement, il demande de revenir à la limitation des mandats présidentiels. «Ma crédibilité ne tient pas à cela», s'est-il défendu. L'espace d'un week-end politique, Ahmed Ouyahia a repris les allures d'un homme politique qui défend ses idées. Il affiche, encore une fois, ses convictions d'éradicateurs «si l'éradication veut dire la lutte contre le terrorisme». Mais, l'évolution de l'homme est certaine. Il n'a pas «peur des islamistes», a-t-il tranché. Il s'est expliqué. Pour lui, l'actuelle Constitution, la loi électorale et la loi sur les partis politiques ont mis suffisamment de «garde-fous» pour ne pas «instrumentaliser la religion à des fins politiques». Mieux, il a rappelé que la création du Conseil de la Nation répond à cet objectif de défendre la République. «Les sénateurs sont une brigade de pompiers au service de la République», a-t-il dit. Ouyahia ne croit pas à l'évolution des partis islamistes. Pour lui, «les islamistes n'ont pas changé. Ils ont tout simplement compris que la violence n'est pas le bon chemin et que la meilleure voie d'aller au pouvoir est celle des élections». Cela dit, le secrétaire général du RND récuse l'idée d'une Assemblée constituante. Pour lui, une telle éventualité est un vrai danger pour les institutions de la République. «On pourra venir changer même l'intitulé de la République algérienne», a-t-il dit. Pis, il rappelle que «nous n'avons attendu personne pour nous montrer le chemin de la mosquée», allusion faite aux islamistes. Le chef du RND, qui a dit : «Nous avons sellé nos chevaux pour partir à la chasse», n'a pas omis de rappeler que son parti est «le seul à voter les lois sur la réforme dans leur intégralité». «Le RND a été le seul à défendre la loi portant place de la femme dans les assemblées élues», a-t-il insisté. Il accuse les autres partenaires, notamment le FLN, d'avoir concocté «une formule chimique» au lieu du texte initial. Il fait allusion aux différences des quotas proposées par les élus du FLN. «La bataille se gagne sur le terrain», a lancé Ouyahia à ses adversaires. «Nous devons réussir les élections dans lesquelles nous commençons à accepter un gagnant», a-t-il suggéré, tout en affichant sa seule inquiétude : l'abstention. L'opposition n'a pas été trop égratignée par Ouyahia. Il a tout juste rappelé à Louiza Hanoune qu'on «ne peut pas dire indéfiniment que le président est sympathique et que son Parlement ainsi que son gouvernement ne sont pas bons», a-t-il asséné. Concernant son avenir personnel, celui qui se dit au service de l'Algérie, préfère «se soumettre au destin». Il n'écarte pas l'éventualité de se présenter en 2014, puisqu'il trouve que «avoir de l'ambition en politique est une chose tout à fait normale», mais il ne dit pas, pour la première fois, s'il soutiendra une éventuelle candidature de Abdelaziz Bouteflika. «Bouteflika n'est pas un fonds de commerce pour nous […]. Et puis, nous ne pouvons pas dire que nous allons vers un pluralisme honnête et rester ici en éternité».