Le remboursement des crédits Ansej, destinés à l'insertion professionnelle des nouveaux diplômés à travers la création de microentreprises, est un sujet presque tabou. Les banques communiquent si peu sur la question. L'Agence nationale de soutien à l'emploi des jeunes (Ansej) et les pouvoirs publics évoquent généralement un mécanisme efficace de lutte contre le chômage. De manière officieuse, le «grand patronat» et ses relais critiquent depuis toujours cette politique publique, jugée trop généreuse, en invoquant des doutes sur la viabilité des entités créées. A un moment donné, les banquiers, extrêmement prudents, rejetaient quasiment tous les dossiers qui leurs étaient soumis pour manque de cautionnements. Afin de rassurer définitivement les établissements financiers, l'Etat lance un Fonds de garantie des crédits accordés dans ce cadre. Depuis, le dispositif fonctionne à plein régime. Toutefois, l'Ansej, en collaboration avec les banques, redéfinit à chaque fois les créneaux d'investissement en fonction des besoins du marché. Béjaïa compte parmi les trois wilayas où les jeunes diplômés ont le plus profité de ce dispositif d'insertion professionnelle. Beaucoup de bénéficiaires, interrogés à ce propos, affirment que leur petite affaire tourne plutôt correctement. Disposant déjà d'une ligne de transport interurbain, Khier profite de ce système pour acquérir un bus flambant neuf en 2008. «En moins de quatre ans, j'ai anticipé le remboursement intégral de mon crédit bancaire», dira-t-il. Tous ses collègues, qui ont opté pour ce secteur du transport, ont également réussi leur pari, y compris ceux qui ont ciblé le transport de marchandises. Nacer, jeune plombier, a eu aussi recours à l'Ansej pour monter sa petite entreprise en 2006. Le soutien de l'Agence lui a permis de s'offrir tout l'outillage et un véhicule professionnel. Les nombreux programmes de logement lancés à travers le pays lui ont permis de se lancer sans grandes difficultés. Là encore, les engagements pris envers la banque ont été honorés avant les délais convenus. Beaucoup d'autres artisans dans le domaine du bâtiment et des travaux publics (menuisiers, paysagistes, électriciens, peintres…), essentiellement issus des centres de formation professionnelle, n'ont pas rencontrés de difficultés particulières pour se tirer d'affaire. Cependant, certains jeunes promoteurs, qui ont opté pour des créneaux où la demande évolue lentement ou nécessitant un investissement relativement lourd, mettent un peu plus de temps pour s'acquitter de leurs dettes. Le cas de Hocine, ingénieur en génie mécanique, en est un. Il avait acquis un tour assisté par ordinateur, de marque allemande pour la réparation et l'usinage de petites pièces. Les commandes émanant des automobilistes et des industriels ont été en deçà de ses attentes initiales. D'un commun accord avec son banquier, on a dû revoir les termes de son contrat (avec des intérêts en plus, naturellement) pour répondre à son rythme d'évolution. La chambre froide et le camion frigorifique de Nourredine n'ont pas généré, non plus, de grosses plus values en raison d'une concurrence très rude. Là aussi, le remboursement est plus long, et donc plus coûteux que prévu. Il doit quand même y avoir de rares cas d'échec. D'une manière générale, les jeunes entrepreneurs œuvrent souvent face à des patrons plus futés et mieux lotis pour s'adjuger des marchés et travailler dur afin de payer leur crédit. Leurs initiatives permettent aussi de créer de nombreux emplois. Cependant, l'Ansej doit constamment renouveler ses études de marché pour dénicher les créneaux réellement porteurs. Cela aiderait tellement les jeunes postulants à mieux cibler leurs investissements. Sinon, les tristes ragots échangés à ce sujet dissimulent une certaines malveillance. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les anciens, qui avaient pris l'habitude de se partager des marchés publics juteux, acceptent mal la concurrence des jeunes loups.