Dix ans après l'intervention occidentale contre l'Irak, accusé de cacher des armes de destruction massive, l'ancien chef des inspecteurs de l'ONU en Irak Hans Blix, appelle la communauté internationale à ne pas rééditer l'erreur en lançant une guerre contre l'Iran. «Le monde a la mémoire courte. L'échec et les erreurs tragiques commises en Irak ne sont pas pris suffisamment au sérieux», déclare l'ancien diplomate suédois âgé de 82 ans à un groupe de journalistes lors d'un passage à Dubaï. «Dans le cas de l'Irak, il y a eu une tentative de la part de certains pays d'éradiquer des armes de destruction massive qui n'existaient pas. Aujourd'hui, on parle de s'en prendre à l'Iran, pour éradiquer des intentions qui n'existent peut-être pas. J'espère que cela n'arrivera pas», ajoute-t-il. Un moment que choisit Washington pour exhorter Téhéran à coopérer avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea). Les Etats-Unis ont sommé donc, hier, l'Iran de remplir immédiatement ses obligations envers l'Aiea, jugeant que le dialogue avec l'agence avait atteint ses limites. Il y a une «unité de vues de la part de la plupart des membres du conseil selon laquelle l'Iran doit agir maintenant», a déclaré le représentant américain auprès de l'Aiea, Joseph MacManus, en marge de la réunion du conseil des gouverneurs, qui se déroule à huis clos à Vienne. «Il y a longtemps que l'Iran aurait dû prendre des mesures substantielles afin de répondre à toutes les questions en suspens, et tout nouveau retard n'est pas acceptable», a-t-il déclaré. Après dix ans d'enquête, l'Aiea n'est absolument pas en mesure, aujourd'hui, de déterminer avec certitude si le programme nucléaire iranien a exclusivement des visées pacifiques, comme l'affirme Téhéran, ou s'il cache un volet militaire, faute, selon l'agence, de coopération suffisante de la part de la République islamique. Un doute que souligne l'ancien ministre suédois des Affaires étrangères, Hans Blix qui avait dirigé de 1981 à 1987 cette agence avant d'être nommé en janvier 2000 directeur exécutif de la Commission de contrôle, de vérification et d'inspection (Cocovinu). Les inspecteurs des Nations unies chargés de rechercher la présence d'armes de destruction massive avaient travaillé sous sa direction entre fin 2002 et début 2003 en Irak, sans rien trouver. M. Blix s'était, précisons-le, toujours opposé à l'intervention militaire en Irak. Une guerre déclenchée par les va-t-en guerres américains le 20 mars 2003 au nom des armes de destruction massive qu'était censé détenir l'ancien régime irakien. Auteur du livre «Irak, les armes introuvables», il avait plaidé jusqu'au bout pour la poursuite des inspections. La Maison Blanche avait dépêché après l'invasion de l'Irak une équipe de 1 000 inspecteurs chargés de fouiller tout le pays. Ils n'ont jamais trouvé ces armes prohibées. Aujourd'hui, moins qu'hier, M. Blix estime que la communauté internationale ne dispose d'aucune preuve sur l'existence d'un programme d'armement nucléaire en Iran. «Il est vrai que les négociations diplomatiques ont traîné au cours des dernières années, et ont abouti à peu de résultats. Certains pensent qu'une guerre pourrait résoudre le problème (...) mais à mon avis, une guerre serait un désastre, et elle pourrait provoquer une déflagration terrible dans la région», affirme-t-il. De plus, ajoute-t-il, «si l'Iran n'a pas décidé de fabriquer des armes de destruction massive, il le ferait après une guerre». L'ancien diplomate est contre le fait de trop mettre la pression sur l'Iran. «Les menaces peuvent soutenir la diplomatie, mais elles peuvent aussi parfois avoir un effet contraire», avertit-il. M. Blix estime que l'Iran, accusé par les pays occidentaux et Israël de chercher à fabriquer l'arme atomique, a donné «des signaux positifs» lors des négociations menées la semaine dernière à Almaty, au Kazakhstan avec les grandes puissances. Un avis partagé par Michael Elleman, expert en questions de sécurité à l'Institut international d'études stratégiques (Iiss). Ce dernier estime que Téhéran «a pris certaines mesures pour faire baisser la température» à Almaty. «Ils ont décidé de convertir l'uranium enrichi à 20% en combustible pour leur réacteur de recherche nucléaire», produit qui n'est que très difficilement reconvertible ensuite pour un usage militaire, explique-t-il. «Il y a plus de raisons de se montrer légèrement optimiste qu'il y a six mois», ajoute l'expert. Pour rappel, l'institution onusienne a entamé, il y a plus d'un an, des discussions visant à conclure un accord de vérification, dit «approche structurée», de tous les points soulevés dans le rapport de novembre 2011. Dans ce document, l'Aiea avait présenté des éléments indiquant que l'Iran avait travaillé à la fabrication de l'arme nucléaire avant 2003 et peut-être ensuite. Après neuf réunions sur le sujet depuis début 2012, aucun progrès n'a été réalisé selon l'Aiea. L'Iran avait de son côté fait part d'avancées sur certains sujets. L'Aiea se demandait lundi sur la pertinence de continuer une telle approche, demandant à l'Iran un geste concret montrant sa volonté de coopérer. Le Japonais Yukiya Amano, à la tête de l'Aiea avait demandé à l'Iran d'accorder rapidement un accès au site militaire de Parchin, où l'Aiea soupçonne les autorités d'avoir procédé à des tests d'explosion applicable au nucléaire, et ce avant la conclusion d'un accord plus large sur les autres points soulevés dans le rapport de novembre. L'Iran a opposé une fin de non recevoir à cette requête. G. H./Agences