«Que fait-on ce soir ?» Voilà une question qui ne risque pas de provoquer une cascade de propositions et suggestions. En Algérie, la nuit tombée, on rentre à la maison se regarder un film ou tuer le temps sur Internet, si la connexion est d'accord et ne se fait pas désirée. Pour quelques «clubeurs», qui ont les moyens matériels et financiers, c'est des plans de sorties en boîtes avec les copines et les copains. Mais aucune de ces activités ne peut être considérée comme une facette d'une vie culturelle. C'est tout juste des passe-temps où la dimension pédagogique - qui fait partie du diptyque d'une expression artistique, le deuxième étant le distractif- est quasi-inexistante. Une bonne pièce de théâtre, un spectacle de bonne facture, un livre intéressant, une exposition bien montée vous fait passer de bons moments, tout en vous «enseignant» un art. Mais faudra-t-il encore avoir envie de consommer un de ces produits. Et en art, on peut emprunter ce dicton qui dit que «l'appétit vient en mangeant». Il conviendrait d'ailleurs plus à la nourriture de l'esprit qu'à celle destinée à l'estomac. Quand, enfant, on découvre la magie du cinéma, d'une représentation théâtrale ou d'une histoire, grand, on ne peut qu'en devenir consommateur invétéré. Cette évolution implique évidemment l'existence d'une éducation artistique qui permettrait de former ces «consommateurs» des arts et d'une vie culturelle qui leur apporterait le produit artistique qu'ils désirent. Or, ni l'une ni l'autre n'existent. Il y a de l'activité, mais pas de dynamique culturelle. Dernière démonstration de l'inconséquence de la politique culturelle de l'Algérie, si tant est qu'on puisse par de «politique» quant on a qu'un achalandage de vitrine, c'est cette insolite «Nuit des musées» dont on vient d'annoncer l'organisation. 14 musées se sont accordés pour garder leurs portes ouvertes durant la nuit du 4 au 5 juillet. Le choix de la date n'est évidemment pas un hasard. C'est la fête de l'indépendance et de la jeunesse qui clôture l'année du cinquantenaire de la libération de l'Algérie. C'est incontestablement une belle manière de célébrer l'événement. Mais comment peut on penser faire des musées un cadre accueillant et festif après les avoir «exclus» de la scène culturelle avec cette décision de multiplier par 10 le prix du billet d'accès ? Déjà, quand l'entrée était à la portée de tous, nos musées n'étaient habités que par l'écho des pas de leurs gardiens. La visite de musées n'était aux programmes de sorties des Algériens. Et si elle n'y figurait pas quand l'entrée coûtait 20 à 25 dinars, ce n'est certainement pas avec 200 ou 250 dinars le ticket qu'elle le sera. Nos musées ont vécu leur nuit depuis bien longtemps. C'est une éclipse qui ne cesse de se prolonger. On nous dit que durant cette «Nuit des musées», les établissements ne se contenteront pas de rester ouverts, prolongeant l'attente d'hypothétiques de visiteurs, mais s'activeront pour les attirer. Chaque musée accueillera une activité artistique culturelle ou plusieurs. Il y aura de la poésie, de la musique, des conférences, des expositions, des projections de films documentaires, des ateliers pédagogiques et des réalisations sur le vif. Peut-on attirer des visiteurs la nuit alors qu'on est dans l'incapacité de le faire le jour ? Dans d'autres circonstances, ces activités auraient pu toucher un public, même petit, pas avec la politique de gestion qu'on impose à nos musées et à la culture. Qu'on parle encore de l'instauration d'une vie culturelle nocturne et diurne est une preuve de l'absence de vision claire de ce que doit être une dynamique culturelle qui produit cette vie culturelle dans un quartier, un village, une ville, une région et tout le pays. H. G.