Adebayor a dicté sa loi à tout le monde La 4e fois a été finalement la bonne. La sélection du Togo est arrivée hier au petit matin à l'aéroport de Johannesburg à bord d'un vol qui l'a ramenée de Lomé, la capitale togolaise, après trois «faux départs» dus à un manque d'argent et à une «grève» des joueurs. Les négociations entamées jeudi dans la soirée entre les joueurs et la direction de la Fédération togolaise de football ont abouti sur un compromis, ce qui a convaincu les joueurs à finalement effectuer le déplacement en Afrique du Sud afin de participer à la CAN. La CAF a annoncé leur arrivée pour 06h00, la présence de nombreux supporters l'a confirmé Des responsables de la CAF avaient annoncé, en fin de soirée de jeudi, que les Togolais arriveraient le lendemain à 06h00, mais il y a eu tellement de contre-pieds chez la partie togolaise que l'annonce n'a pas été prise très au sérieux. Nous nous sommes rendus quand même à l'aéroport Oliver-Tambo de Johannesburg à l'heure dite. Là, des indices confirmaient la venue de la sélection togolaise. D'abord, il y avait une poignée de supporters togolais, lesquels ont été bientôt rejoints par une véritable petite cohorte de Togolais, la majorité vêtue aux couleurs de leur pays. Il ne pouvait y avoir un tel nombre de supporters si tôt dans la matinée si ces derniers n'avaient eu des assurances, à partir du Togo, que l'avion devant transporter les joueurs avait bien décollé de Lomé.
L'indice irréfutable : le tableau affichait l'arrivée d'un vol de Lomé pour 07h03 Autre indice : des responsables de la CAF étaient présents dans le hall des arrivées de l'aéroport, dont l'officier média chargé d'accompagner la délégation togolaise durant son séjour. De plus, même le dispositif de police déployé pour accueillir les sélections participant à la CAN-2013 était bien visible. S'il manquait encore une preuve irréfutable sur la véracité de l'arrivée des Togolais, elle nous a été donnée par le tableau qui affichait les horaires des arrivées : un vol en provenance de Lomé était annoncé pour 07h03. Il n'y avait donc plus aucun doute. Une centaine de supporters fans de percussions et de... sifflets Dans le hall des arrivées, l'ambiance montait crescendo. Les supporters togolais (environ une centaine en comptant les «sympathisants») faisaient un bruit de tonnerre. Caractéristique particulière : plutôt que les vuvuzelas, ils utilisaient des... sifflets. Il y en avait au moins une dizaine qui en avaient un à la bouche. Une troupe de percussionnistes, qui a pris le soin de ramener même des chaises, s'est occupée de chauffer l'ambiance, engendrant des rythmes endiablés au grand bonheur des supporters qui se sont révélés des mordus de danse. Six conduisait le groupe des joueurs, le visage fermé L'avion a atterri à 07h02. Un responsable de la CAF nous a informé qu'Emmanuel Adebayor n'était pas venu avec la délégation, mais qu'il se trouvait dans un autre avion. Il nous a toutefois assurés qu'il arrivera presque en même temps que ses coéquipiers. En ce n'est que vers 08h15 que les Togolais ont fait leur apparition dans le hall des arrivées, salués par les ovations des supporters présents. Arborant des costumes noirs et chemises blanches, ils donnaient l'impression d'être unis malgré les problèmes de primes qui avaient remis en cause leur participation même à la CAN. C'est le sélectionneur Didier Six qui conduisait le groupe, même s'il ne paraissait pas très serein avec une mine des mauvais jours et un visage plutôt fermé. C'est que le désaveu qu'il a essuyé en voyant la liste des 23, qu'il avait établie pour la CAN être modifiée par la Fédération togolaise avant son envoi à la CAF, a écorché un tant soit peu sa crédibilité. Venu tout seul, Adebayor a rejoint le groupe dans le bus Alors que les joueurs montaient dans le bus, une seule question taraudait l'esprit des présents : mais où est donc passé Adebayor ? Il se murmurait qu'il était venu lui aussi, mais il n'était pas avec le groupe. Quelques minutes plus tard, un grand brouhaha s'est élevé de la foule : Adebayor sortait, escorté par des gardes du corps, faisait son apparition. Contrairement à ses coéquipiers, il était vêtu d'un tricot vert, ce qui démontrait bien qu'il n'était pas venu avec le groupe. La foule l'a suivi jusqu'à la sortie de l'aéroport et sa montée dans le bus, scandant son nom comme si le sort de la sélection togolaise dépendait de sa seule personne. Le Togo est arrivé dans le pays organisateur de la Coupe d'Afrique des nations sans pertes humaines ni blessures, contrairement à ce qui avait été le cas en 2012 en Angola, mais il n'est pas dit que les blessures psychologiques endurées par le groupe ces dernières semaines ne laisseront pas des séquelles indélébiles. Six : «Objectif : les quarts de finale» C'est un Didier Six plutôt crispé que nous avons rencontré à l'aéroport de Johannesburg, à l'arrivée de la sélection du Togo. Sur la défensive, il a répondu laconiquement à quelques-unes de nos questions, évitant d'autres. Quelles sont vos ambitions pour la CAN-2013 ? On est venus pour la perdre, je crois ! Plus sérieusement, sentez-vous vos joueurs assez motivés pour aller loin dans ce tournoi ? Le mot «assez» est de trop. Motivés, oui, ils le sont parce que quand il y a 54 pays qui jouent en qualification pour être dans les 16 pays du tournoi final, les joueurs sont obligatoirement motivés. Maintenant que vous êtes sur le sol sud-africain, est-ce que les problèmes sont oubliés ? On verra ! Vous êtes dans un groupe difficile, surnommé «groupe de la mort». Quelles sont vos chances ? Nos chances sont intactes, comme celles des autres sélections. Vous ambitionnez donc de passer aux quarts de finale ? Oui, c'est notre objectif. Nous défendrons crânement nos chances. Un mot sur vos adversaires dans le groupe, à savoir la Côte d'Ivoire, l'Algérie et la Tunisie ? Je ne veux pas parler de mes adversaires. Je ne parle que de mon équipe, le Togo. Les problèmes que vous avez vécus ces derniers temps auront-ils une influence sur le moral des joueurs ? Je ne veux pas parler de ça. Adebayor a dicté sa loi à tout le monde Il faut se nommer Emmanuel Adebayor pour se permettre de faire tout ce qu'il a fait à la sélection de son pays ces dernières semaines. Il faut surtout que la sélection soit tellement faible pour supporter ses sautes d'humeur. Entre ses atermoiements pour venir à la CAN, les préalables qu'il a posés même au chef de l'Etat togolais, son exigence à ce que la liste des 23 arrêtée soit modifiée et son option de partir seul vers l'Afrique du Sud, uniquement lorsque ses coéquipiers y seront partis, il y a des abus que des entraîneurs et dirigeants cools ou même très complaisants n'auraient pas tolérés. Pourtant, l'attaquant et capitaine du Togo s'est tout permis. Il a même donné la démonstration, hier matin, à l'aéroport de Johannesburg, qu'il est intouchable et que c'est une autorité qui transcende toutes les hiérarchies. Venu seul d'Accra via Lusaka et accueilli comme un chef d'Etat D'abord, il est venu tout seul. Retranché à Accra ces derniers jours, il est venu à Johannesburg en transitant par Lusaka (capitale de la Zambie). A son arrivée, à l'aéroport Oliver-Tambo, il a été accueilli, à sa descente d'avion, comme un chef d'Etat, avec protocole de la CAF, escorte et même garde rapprochée jusqu'à sa sortie de la zone internationale. De mémoire d'employé à l'aéroport, jamais un footballeur venu seul n'a bénéficié de tels égards. Poignée de main froide avec Six, salutations dans le bus avec ses coéquipiers Ensuite, il s'est affiché comme le vrai «guide» de ses coéquipiers. En effet, il est monté dans le bus officiel du Togo, où ses coéquipiers s'étaient déjà installés, pour les saluer un par un. L'accueil qu'il a reçu a été en général chaleureux, même si certains joueurs lui ont serré la main de manière plutôt glaciale, lui reprochant, en leur for intérieur, d'avoir créé une crise au sein de l'équipe qui pourrait la déconcentrer de la compétition. Fait remarqué : le sélectionneur, Didier Six, l'a salué très froidement, preuve qu'il y a vraiment un conflit entre eux. Une Mercedes comme voiture et un bus loué pour sa famille et ses amis Après quoi, il est descendu du bus et, après de brèves déclarations aux, médias, est monté dans une... Mercedes. Eh oui ! On lui a ramené une voiture rien que pour lui. Quelques instants plus tard, ne voilà-t-il pas qu'il descend de voiture. La cause ? Il cherchait sa famille et des amis qui sont venus avec lui et à qui il avait loué... un bus. Oui, un bus qui était prêt à suivre le bus officiel de l'équipe et dont il avait payé la prestation de sa propre poche. Le cortège retardé pour attendre sa famille, au grand dam de Six et des joueurs Alors que les joueurs s'impatientaient pour partir (ils avaient fait un vol de nuit et n'avaient pratiquement pas dormi), Six est descendu du bus pour s'enquérir de la raison du retard. «On attend la famille d'Adebayor», lui a expliqué un responsable de la sécurité. Abasourdi, l'entraîneur n'a trouvé d'autre réaction que... d'aller voir le capitaine et lui demander de faire son possible pour partir vite. «Je ne peux pas partir sans ma famille et mes amis. Attendons juste un moment qu'ils sortent de l'aéroport», lui a répondu le joueur. Adebayor a dit et tout le monde a (s'est) exécuté. Que c'est beau d'être un roi sans couronne ! «J'espère que nous serons prêts mentalement» Alors qu'il n'avait pas l'intention de parler aux médias, Emmanuel Adebayor a été prié par l'attaché de presse de la Fédération togolaise de football de s'exprimer à la télévision togolaise. Les journalistes présents en ont profité pour recueillir ses propos et essayer de lui poser d'autres questions. Après la qualification pour la CAN-2013 et la réception officielle du drapeau national, vous êtes à présent en terre sud-africaine. Qu'est-ce que vous ressentez ? Que du bonheur, que du plaisir ! Comme je l'ai toujours dit, ça fait plaisir de porter le maillot de son pays et de le défendre. C'est très important pour moi. Je suis très content d'être là, voilà ! Maintenant, on rentre dans la compétition dans quelques jours. C'est à nous d'être prêts. J'espère que nous serons prêts mentalement. Votre entrée en compétition sera contre la Côte d'Ivoire. Comment entendez-vous l'aborder ? Nous l'aborderons bien. Ce sera un match de 90 minutes ou peut-être de 95 minutes. Nous avons de très, très bons joueurs, tout le monde est prêt. Nous jouerons contre un gros calibre, la Côte d'Ivoire. Je compte des amis au sein de cette équipe. L'essentiel est de prendre du bonheur et du plaisir et que le meilleur gagne ! J'espère seulement que les meilleurs seront les Togolais. Avec votre charisme et votre expérience, comptez-vous jouer le rôle de guide afin d'aider vos coéquipiers à surpasser les problèmes qu'ils ont vécus et se concentrer uniquement sur leurs matchs ? (Il refuse poliment de répondre, avec le sourire, après l'intervention de l'attaché de presse qui lui ordonne de ne plus répondre à aucune question).