Les dirigeants du nord de l'Europe s'en plaignent régulièrement: ils ne veulent pas payer le prix des difficultés d'autres pays de la région, un discours désormais largement répandu chez leurs électeurs. Pourtant, après trois ans et demi de crise et des plans d'aide d'un montant global de plus de 400 milliards d'euros, un constat s'impose: les contribuables du nord de la zone euro n'ont pas déboursé un centime. Mieux encore, l'Allemagne, la Finlande, l'Autriche, les Pays-Bas et la France ont économisé des milliards d'euros grâce à la chute des coûts de financement de leur propre dette. En Allemagne, à moins de cinq mois des élections, le ressentiment à l'égard des pays du sud est vif et la chancelière Angela Merkel, en lice pour un troisième mandat, se prépare à réaffirmer son engagement d'épargner aux électeurs la facture de la crise. Un discours prévisible, quand bien même les contribuables allemands, comme les finlandais ou les néerlandais, n'ont pas eu à supporter directement le coût de la crise. Ce que la Finlande, elle, veut bien admettre. "Nous n'avons pas perdu un centime pour l'instant", a déclaré Martti Salmi, le directeur des Affaires internationales et européennes du ministère finlandais des Finances. "Cela vaut pour l'Allemagne aussi bien que pour la Finlande." Les responsables allemands n'ignorent évidemment rien de la situation après une baisse de deux points de pourcentage des coûts des emprunts publics, même si les responsables politiques, eux, continuent de se plaindre des risques financiers imposés aux contribuables de la République fédérale. 67 milliards d'euros d'économies pour Berlin Lorsqu'il fait des présentations à Berlin, Klaus Regling, le directeur général - allemand - du Mécanisme européen de solidarité (MES), le fonds de soutien financier permanent de la zone euro, cite souvent deux études chiffrant les économies réalisées par l'Allemagne "grâce" à la crise. Dans la première, le géant de l'assurance Allianz a calculé que Berlin avait économisé 10,2 milliards d'euros sur la période 2010-2012 en profitant de la baisse de ses coûts de financement. La deuxième, signée de Jens Boysen-Hogrefe, de l'institut d'études économiques IfW, estime à 8,6 milliards d'euros pour la seule année 2011 les économies réalisées sur le budget fédéral allemand avec la baisse des taux de la Banque centrale européenne (BCE) et le regain d'intérêt pour la dette allemande manifesté par des investisseurs en quête de placements sans risque. Ces économies budgétaires devraient avoir atteint 9,6 milliards en 2012. "Si l'on additionne l'avantage lié aux taux d'intérêt sur la période de 2010 à 2012 et celui dont bénéficiera l'Allemagne au cours des années à venir, on arrive à une économie cumulée d'intérêts pour le budget allemand estimée à 67 milliards d'euros", disait Allianz dans une note publiée en septembre. Un tel montant correspond à une diminution de trois points du ratio d'endettement allemand, précisait l'assureur. La Finlande, les Pays-Bas, l'Autriche et la France n'ont sans doute pas économisé autant que l'Allemagne mais ils ont quand même profité de la baisse de leurs coûts de financement. "Les pays du nord de l'Europe tirent des profits considérables de ces opérations et ils ne redistribuent même pas les bénéfices directs ou indirects", note un haut responsable à Bruxelles. Ne rien faire coûterait bien plus cher Les pays du nord de l'Europe ne perdraient de l'argent que si l'un des pays aidés (Irlande, Grèce, Portugal, Espagne et Chypre) était incapable de rembourser les prêts qui lui ont été accordés. Une hypothèse improbable, et qui a même tendance à s'éloigner: le Portugal et l'Irlande se dirigent vers la sortie du programme de soutien européen et sont jugés peu risqués, le risque d'un défaut espagnol a toujours été jugé très faible et celui d'un défaut chypriote est surveillé de près. La Grèce, qui a reçu 166 milliards d'euros de prêts, reste le principal motif de préoccupant mais même sa situation évolue. "Le risque que la Grèce coûte de l'argent aux contribuables diminue chaque jour", assure un autre responsable européen. "Elle ne se porte pas si mal pour l'instant et il n'est pas impossible qu'elle se porte mieux que prévu." Depuis les prêts bilatéraux de 2010, d'un montant global de 52,9 milliards d'euros, aucun pays de la zone euro n'a versé directement de l'argent à Athènes, les plans d'aides étant intégralement financés par les mécanismes de la zone euro, via des emprunts sur les marchés. Et quand bien même un pays aidé serait incapable de rembourser les aides reçues, l'alternative, à savoir un éclatement de la zone euro, serait considérablement plus coûteuse, soulignent plusieurs responsables. Selon une étude réalisé pour la Fondation Bertelsmann et publiée cette semaine, un retour de l'Allemagne au Deutschemark lui coûterait un demi-point de croissance par an jusqu'en 2025, soit 1 200 milliards d'euros sur 13 ans. "Il est possible que l'on s'en sorte sans se mouiller, ou en ne se mouillant qu'un petit peu", résume le Finlandais Martti Salmi.