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Comment protéger l'économie réelle
Spéculation immobilière, ralentissement économique
Publié dans Le Maghreb le 18 - 09 - 2007

Il se pourrait qu'il y ait du vrai dans l'adage populaire voulant qu'" à quelque chose malheur [soit] bon " - mais encore faut-il aller débusquer ce " quelque chose " là où il se cache... De la crise des marchés de crédit à laquelle assistent médusés les salariés, pressentant confusément, mais pertinemment, qu'en bout de course ce sont eux qui pourraient bien en faire les frais, on peut au moins dire qu'elle offre une occasion, à ne louper sous aucun prétexte, de prendre la mesure de ce qu'il en coûte de tout accorder à la finance et de se décider enfin à lui briser les reins.
On ne sortira pas de ce dilemme tant que demeurera le déficit d'instruments eu égard au nombre des objectifs. Mais pourquoi, tout simplement ne pas envisager un dédoublement de l'instrument (le taux d'intérêt), dont on réserverait chaque déclinaison à un groupe d'agents spécifiques : un taux pour l'économie réelle, un taux pour les amateurs de montagnes russes spéculatives ? Rien n'empêcherait dès lors de conserver un premier taux d'intérêt dit " économique " pour les agents de l'économie productive, et d'en attribuer un second dit " spéculatif " à l'usage exclusif de la finance de marché. A cette dernière, on pourra donc serrer la vis sans la moindre crainte de conséquences néfastes pour l'économie réelle, avec la perspective d'enrayer avant même qu'ils ne prennent naissance ses emballements spéculatifs, ceci pour le double avantage, d'une part, de sortir le banquier central de ces impossibles situations de prise d'otage - tout simplement en évitant d'emblée que ces situations n'aient la possibilité de se développer - et, d'autre part, de considérablement stabiliser l'environnement de l'activité productive, désormais soustraite à l'alternance bulle-krach.
7. Frapper la finance, préserver l'économie
Mais comment concrètement opérer ? La Banque centrale noue avec les banques privées deux sortes de relations de refinancement. Les premières sont strictement bilatérales. Périodiquement, chaque banque privée s'adresse à la Banque centrale pour lui soumettre une demande individuelle de refinancement. Il est très possible que cette dernière y réponde en fractionnant son volume accordé en deux, au prorata des encours de crédits respectivement accordés par la banque privée à l'économie réelle et à l'activité financière pendant la période écoulée. Il va sans dire que ces deux volumes de refinancement seront alloués moyennant leurs taux d'intérêt différenciés, le refinancement des crédits à l'économie s'effectuant au taux " économique ", celui des crédits à l'activité de marchés au taux " spéculatif ", dont rien n'interdit dès lors qu'il soit porté à des niveaux prohibitifs. Mises à part ces relations bilatérales, il arrive aussi que la banque centrale s'adresse à l'ensemble du marché interbancaire dans lequel elle se comporte comme un intervenant " ordinaire ", en achetant ou vendant des titres, c'est-à-dire en détendant ou resserrant la liquidité globale. Dans cette deuxième procédure, dite d'open market, la manœuvre précédente est clairement plus difficile à accomplir puisque la formule du prorata prenait surtout son sens dans un concours individualisé de la Banque centrale aux banques privées. On peut imaginer plusieurs sortes de solutions, peut-être un peu grossières et pas parfaitement satisfaisantes pour l'esprit - sachant qu'en même temps il ne s'agit pas non plus d'un concours d'élégance, et qu'en matière de grossièretés, la spéculation s'en autorise bien d'autres... Ainsi par exemple, on pourrait envisager que la banque centrale divise la masse globale de ses concours au marché interbancaire en fonction de la proportion crédits économiques/crédits spéculatifs moyenne réalisée par l'ensemble des banques - avec pour inconvénient que les Banques " modérées " (davantage tournée vers l'économie réelle) paieront pour les incartades des autres. On pourrait aussi imaginer que la banque centrale " ré-individualise " ses concours à l'open market. Après tout elle a les moyens de savoir avec qui elle transacte et d'appliquer à chaque interlocuteur le prorata qu'elle lui impose déjà dans la procédure bilatérale. Nul doute que les amis de la finance trouveront à redire, eux à qui rien n'est possible quand il s'agit de mettre au pas les marchés. Et sans doute la formule avancée ici est-elle encore passablement mal dégrossie. Au moins a-t-elle le mérite de rappeler cette évidence en fait assez simple, et presque tautologique, qu'on ne se débarrassera pas des nuisances faites à l'économie productive par la spéculation sans une forme ou une autre de découplage entre sphère réelle et sphère financière. On pourrait dire d'une certaine manière que ce découplage existe déjà puisqu'on voit plus souvent qu'à son tour la finance euphorique alors que la croissance se traîne et que le chômage grimpe ! Mais ce découplage là est asymétrique : si la finance sait se bien porter quand la production est à plat, l'inverse n'est pas vrai. Et les déboires spéculatifs retentissent trop souvent dans l'économie réelle. Par l'effet propre de l'amnésie historique, à quoi s'ajoute celui de l'intérêt des dominants à l'oubli collectif, on a perdu de vue les dispositifs assez judicieux que le New Deal avait eu la sagesse de mettre en place à la suite du krach de 1929. Le Glass Steagall Act n'y était pas allé de main morte à l'époque... Il y était même allé d'une main très vive puisqu'il avait drastiquement séparé les banques en banques commerciales d'une part et banques dites d'investissement de l'autre, avec interdiction formelle aux premières de s'aventurer dans le champ des secondes, et réciproquement. Ainsi les banques commerciales restaient-elles au contact des agents de l'économie réelle et d'eux seulement, et nul n'avait à redouter qu'un bouillon spéculatif affecte cette activité là. " Interdiction formelle "... des mots qui font rêver, et dont il semble que le sens, pourtant parfois très salubre, ait été totalement perdu de vue. Faut-il que le travail idéologique du néolibéralisme ait été dévastateur pour que les prononcer apparaisse comme une audace suprême. Pourquoi cette hermétique séparation instaurée par le Glass Steagall ne pourrait-elle être refaite aujourd'hui ? N'y va-t-il pas du destin de millions de salariés, comparé aux extravagants bonus de quelques milliers de traders ? Ce que cet acte législatif élémentaire ferait très bien, mais qu'on ne voit pas venir puisqu'il manque l'audace, en fait élémentaire, d'en prendre la décision, la politique monétaire anti-spéculative, en attendant, peut le faire à sa place.
8. Post-Scriptum. Quelles " prises d'otages " ? Quels " privilégiés " ?
Comme il est des clous qui méritent d'être bien enfoncés, notamment à l'usage des habituels malentendants, ceux à qui le spectacle des crises financières se succédant ne fait venir aucune idée et qui continuent de trouver la mondialisation heureuse, il est sans doute utile de revenir un instant sur la signification réelle des termes un peu techniques d'" externalité ", d'" aléa moral " et de " risque de système ", mais dont il est possible de mieux pénétrer le sens, dans le cas présent, en les synthétisant tous sous la catégorie pratique de la "prise d'otage ". C'est, redisons-le, qu'on ne voit pas comment nommer autrement cette aptitude, conférée par l'occupation d'une certaine position dans la structure du capitalisme, à lier son sort pour le pire à celui de la totalité des autres agents - car, pour le meilleur, évidemment ceux-là repasseront... On devrait normalement convenir sans difficulté que conserver pour soi-même les immenses profits de la spéculation mais répandre sur tous les désastres du krach, que compter avec un cynisme parfois ouvert sur le secours des autorités monétaires qui devront inévitablement agir pour soi afin d'éviter que ses propres calamités ne deviennent aussitôt celles de la population entière, on devrait convenir, donc, que tous ces comportements sont adéquatement compris dans la catégorie de " prise d'otages ". Aussi la clique éditorialiste, qui n'a jamais assez de voix pour hurler à la " prise d'otages " quand une grève de transport, dont les objectifs se bornent à quelques dizaines d'euros de plus ou quelques heures de moins, gêne les déplacements plus de deux jours de suite, pourrait-elle s'interroger sur les superlatifs à inventer pour qualifier cette situation à peu près aussi invraisemblable qu'inaperçue comme telle, dans laquelle l'infime minorité des parvenus de la finance met le pistolet sur la tempe de corps sociaux tout entiers et menace - armée des moyens objectifs de la menace - de tirer si l'on ne vient pas immédiatement lui éviter la déconfiture. Que la baisse des taux et la rescousse quasi-automatique soient devenues des garanties de fait extorquées par la finance du fait de sa situation stratégique n'empêche pas que seuls la retraite à 60 ans et le Smic soient d'archaïques acquis sociaux. Que les traders se goinfrent à millions pendant la bulle n'empêche pas que ce sont les cheminots et les fonctionnaires les ignobles privilégiés. On se demande parfois d'où vient et combien de temps durera ce mélange de myopie satisfaite et d'imbécillité donneuse de leçons. Il est vrai que l'aristocratie d'Ancien Régime, du temps où elle menait grand train, disposait déjà de sa classe satellite de curés avec strapontin au banquet et vocation à tout justifier...
Frédéric Lordon
In Le Monde diplomatique


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