La campagne inédite de boycott des produits, lancée au Maroc traduit "un ras-le-bol généralisé" chez la majorité de la population, a affirmé dimanche le sociologue marocain Mehdi Alioua, évoquant "un mouvement social de fond qui est en train de se mettre en place" et qui revendique "une société plus juste" et "un Etat providence". Cette campagne de boycott des produits chers dans le pays, "a surpris tout le monde" et "n'est pas venue de nulle part", a estimé l'enseignant chercheur à l'Université Internationale de Rabat dans un entretien accordé à Radio France Internationale (RFI), soulignant que "la classe moyenne marocaine issue des milieux urbains et des petites villes vit en dessous de ces moyens". "Il existe un ras-le-bol généralisé, notamment chez une population marocaine qui estime avoir fait l'épreuve dans un système capitaliste de méritocratie de pouvoir mieux vivre, mais elle constate que son pouvoir d'achat ne va pas avec", a ajouté l'universitaire tout en considérant que "cette opération de boycott est aussi une forme de rejet de tous les hommes d'affaires qui font de la politique". A ce propos, il a cité le cas de l'actuel ministre de l'Agriculture, Aziz Akhannouch, qu'il a considéré comme l'un des hommes les plus riches du Maroc et de l'Afrique. "Est-ce qu'on peut être ministre et au même temps le plus grand exploiteur rural agricole du pays. Cela pose de vraies questions déontologiques", s'est-il interrogé répondant à une question de RFI sur ce sujet. Abordant l'ampleur qu'ont pris les mouvements sociaux au Royaume, ces derniers jours, Mehdi Alioua se dit persuadé que "ces contestations sont liées directement au profond malaise socio-économique que connait le Maroc". "Les Marocains veulent une société plus juste et un Etat providence. Ils remettent en question l'idée de l'Etat marocain réduit au Makhzen et demandent l'instauration d'un Etat providence. C'est à dire le droit à une école de qualité, à des soins et à ce que le travailleur puisse bénéficier de son fruit du travail et vivre dignement", a-t-il expliqué. Pour le chercheur-universitaire marocain, il s'agit d'une lutte pour "el-karama", la dignité et contre "les injustices sociales". Appuyant son analyse, il a fait observer que tous les gouvernements successifs marocains n'ont pas pu mener à ce jour "une réforme de fond pour pouvoir avoir un réel Etat providence". Quant à l'avenir de ce mouvement, il s'est montré plutôt serein en soutenant que "les Marocains sont des citoyens éveillés et conscients des choses" et que "les acteurs du boycott et certains mouvements sociaux vont certainement se relier politiquement pour pouvoir passer le message directement aux personnes qui dirigent ce pays". Depuis près de deux mois, le Maroc vit au rythme de manifestations inédites appelant au boycott des produits chers dans le pays, fragilisant le gouvernement en place. Ce boycott s'ajoute au Mouvement des rifains qui secoue le Royaume depuis plus d'un an.