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Visite guidée de La Casbah d'Alger
Pour renouer avec le tourisme culturel
Publié dans Le Midi Libre le 13 - 02 - 2010

Samedi 6 février, ciel couvert, mais température douce, direction Bab Djedid (Nouvelle Porte), point de ralliement pour entamer la visite guidée de La Casbah d'Alger.
Samedi 6 février, ciel couvert, mais température douce, direction Bab Djedid (Nouvelle Porte), point de ralliement pour entamer la visite guidée de La Casbah d'Alger.
Rachid Abdiche est déjà sur place, il nous a donnés rendez-vous à 13 h. Il était venu quelques jours auparavant au café littéraire L‘Ile Lettrée, de la rue Zabana, prêcher la bonne cause : le tourisme culturel. Il est à la tête de l‘agence «Nouvelles Terres» qu‘il a créée il y a à peine trois ans. Son objectif : allier culture et tourisme pour sauver le patrimoine culturel national. Le guide c‘est lui. Du haut de ses 52 ans, Rachid dégage encore une allure de jeune étudiant n‘ayant pas encore décroché sa licence. Il est le neveu du défunt Boussad Abdiche, le brillant journaliste des années 80. Il a passé 25 ans à l‘Office national du tourisme où il était chargé des éductours (voyages organisés). Il connaît l‘Algérie de bout en bout, il a fait le tour de toutes les infrastructures hôtelières disséminées à travers le pays. Diplômé de l‘Ecole nationale supérieure du tourisme, il a soutenu une thèse en 1992 portant sur «La Promotion du tourisme à travers La Casbah d‘Alger». Ensuite, il est allé en Italie pour des études de master en tourisme à l‘Ecole internationale des sciences touristiques de Rome. Nous n‘avions pas eu de la peine à trouver le groupe devant prendre part à la visite guidée, il sautait aux yeux que l‘attroupement qui s‘est formé devant Bab Djedid ne pouvait qu‘être celui de ces gens qui ont répondu à l‘appel de «Nouvelles Terres». Nous sommes à quelques mètres de la prison Serkadji et la zone concentre un grand nombre de palais de l‘époque ottomane. La visite est totalement gratuite, l‘agence renouvelle l‘expérience chaque premier samedi du mois. Visiblement, tout va dans le meilleur des mondes. Rachid Abdiche est en conciliabule avec une journaliste de Canal Algérie. La caméra est donc là. Tout autour, une petite foule s‘est massée. De jeunes gens distingués pour la plupart, filles et garçons, étudiants et lycéens, des mères avec leurs filles, mais aussi des étrangers, résidents ou coopérants, des Américains et des Canadiens pour la majorité.
Entame de la visite par les hauteurs
La visite va débuter par les hauteurs, l‘itinéraire suit une pente qui débouche sur la place des Martyrs en passant par la mosquée de Sidi Ramdane au cœur de La Casbah. «La légende d‘Alger commence par un certain Hercule qui voulait venir chercher des monstres qui se trouvaient en Afrique. Il est arrivé ici, il s‘est posé sur l‘une des îles de la ville d‘où le nom Ikosim», explique notre guide. Un véritable cours d‘histoire s‘ensuit. Les bâtisses alentour sont en réfection, les murs laissent voir leurs pierres rectangulaires que soutiennent des tréteaux métalliques. Les lieux sont propices à une échappée dans le temps. «150 pièces de monnaie ont été trouvées en 1940 lors des fouilles au boulevard de la Marine, elles étaient frappées à l‘effigie du Dieu Melkart», poursuit la voix de Abdiche. Et d‘évoquer aussi «la plaque trouvée chez un cloutier de la Basse Casbah et comportant la mention "Icosium, municipe romain sous Vespasien". Cette plaque-là, vous pouvez la voir en allant au 17, rue Bab Azzoun», lance-t-il. Nous survolons toutes les époques, après Syphax de Siga, Juba II de Césarée et son fils Ptolémée, Massinissa de Cirta, l‘arrivée des Vandales et leur déroute qui n‘allait pas tarder, apparaît Bouloghine Ibn Ziri Ibn Mennad le Sanhadjien, fondateur, en 950, de l‘Alger berbère. Puis nous arrivons à la chute de Grenade et l‘inquisition dont les Morisques allaient être victimes. Et nous voici en difficultés avec les Espagnols qui occupent Mers El-Kebir et Bougie et bientôt le Penon d‘Alger. L‘appel aux frères Barberousse, inéluctable, arrive. Salim Toumi, prince d‘Alger, perd le contrôle de la cité au profit de Aroudj. Nous déroulons alors le tapis rouge à la Sublime Porte, à ses janissaires et ses kouloghlis. Et puis nous arrivons à l‘espion français, monsieur Boutin. «Vous voyez ce palais en face, eh bien, le coup de l‘éventail s‘est passé là-bas, c‘est là où le Dey Hussein a reçu le consul Duval», poursuit Abdiche et de regretter : «On ne peut pas encore visiter ce palais parce qu‘il est interdit d‘entrer.» Heureusement, l‘Américain au chapeau comprend le français, il s‘occupe de traduire à sa campagne. «La Casbah a cinq portes qu‘on ouvre le matin et qu‘on ferme le soir, à partir de la prière du maghreb, et el ‘icha, on ferme les portes, et puis on les ouvre après el ‘icha, pour encourager les femmes à sortir, à faire leur course et à se promener dans la cité», explique Abdiche. Et hop ! Le signal est donné pour commencer la visite. Nous déambulons, en même temps soucieux de prendre des photos et de ne pas rater ce que dit le guide. Nous contournons la statue du raïs à côté de la Gendarmerie. Consigne de photographier dans le sens opposé de manière à ne pas avoir dans le champ de vision le siège de la Gendarmerie. Première bâtisse visitée : Le Palais du Millénaire, une œuvre de la France coloniale calquée sur le modèle de l‘architecture algérienne. Le bâtiment abrite la Direction de la culture de la wilaya d‘Alger. Il fut un temps où il était squatté par des sans-abri. Nous longeons le commissariat de police du coin, c‘est à peine que si nous nous rappelons que le quartier n‘a pas bonne réputation au regard des histoires de vol qu‘on raconte à son propos. La visite guidée crée un nouveau rapport de forces.
Les Casbahdjiens honorés
Les Casbahdjiens se sentent comme honorés de recevoir tant de monde qu‘ils ont l‘habitude de croiser ailleurs que chez eux. Ils voient avec bonheur ces visiteurs qui n‘empruntent que les grandes artères, du côté de la place des Martyrs ou Didouche-Mourad. Ça crée un air de fête. Les venelles s‘animent sous le pas des «touristes». Nous scrutons les magnifiques voûtes, à chaque détour, il y a une nouvelle découverte à faire. Les portes en bois massif jurent avec des vitres multicolores. Les pas de maisons mystérieuses apparaissent sous des arcs où règnent la pénombre et le secret. «Vous voyez cette banquette, on l‘appelle la place de  "secoue sa tête". Au temps de la Révolution, quelqu‘un venait s‘asseoir ici pour épier le mouvement des soldats français, donc il tournait la tête dans tous les sens pour repérer un éventuel intrus», reprend Abdiche. Son visage s‘illumine chaque fois qu‘on est devant une merveille. Mais la Casbah souffle le chaud et le froid. L‘effondrement par endroits des bâtisses a engendré d‘énormes cratères. Cela a fait des trous où s‘amoncellent les détritus et toutes sortes d‘ordures. «Il faut voir aussi ce côté de La Casbah. Avant l‘arrivée des Français, la cité s‘étendait sur quelque 48 hectares, il en reste aujourd‘hui à peine 18, il y avait quelque chose comme 8.500 maisons aux environs de 1830 ; aujourd‘hui, il y en a à peine mille. Si on continue comme ça, il y en aura rien du tout», tonne le guide. Et de déplorer : «Aujourd‘hui, elle est patrimoine national et patrimoine de l‘Unesco, à quoi ça sert de galvauder ce terme de patrimoine.»
Dans les palais
Nous voici au palais Mustapha Pacha, un pur joyau architectural. Des espaces géométriques tout en volutes, des balcons à balustrades en bois ramené peut-être d‘Italie, la splendide mosaïque, un flot de lumières qui tombe sur le jet d‘eau central. Le guide est en train de raconter une histoire de harem et d‘épouses multiples attendant dans leurs appartements respectifs. Il explique à l‘Américain au chapeau que la Casbah d‘Alger avec sa marine et ses jets d‘eau repose sur «la civilisation de l‘eau». Et le touriste étranger d‘ironiser «sans le vin». Le guide sourit mais ne le contredit pas, il acquiesce, peut-être qu‘il a senti, outre, qu‘il ne trouve aucun intérêt à choquer les oreilles chastes, que l‘Américain a besoin d‘être conforté dans son opinion. Mais quelques mètres plus bas, l‘Américain, par inadvertance ou distraction, ratera l‘histoire du Bastion 23, appelé aussi Palais des raïs. Il est situé en bord de mer. Dans les années 80, il avait échappé à un projet de démolition, les autorités locales ayant prévu d‘ériger à sa place un parking. Mais le Bastion 23 était aussi dénommé, sous les Ottomans, Maison des Sept tavernes où l‘on venait rendre le culte à Bacchus. On disait aussi «Qaâ Essour» (bas du rempart) mot qui n‘avait rien de péjoratif à l‘époque. Pour ne pas l‘appeler Maison des Sept tavernes, on l‘appelait aussi Maison des Pécheurs. Bernard, qui est architecte canadien, nous livre ses impressions. Il est en Algérie depuis 6 mois dans le cadre du projet de la construction de la grande mosquée d‘Alger. «C‘est un complet dépaysement, c‘est un voyage dans le temps, dans l‘histoire de l‘islam, de la Méditerranée. L‘histoire d‘Alger c‘est l‘histoire de la Méditerranée, des peuples autour, du contrôle de la Méditerranée, des intérêts économiques et politiques, depuis mille ans et plus». Ah ! que d‘évènements s‘empilent à la place des Martyrs où un chantier s‘occupe de fouiner dans des vestiges romains découverts récemment. Abdiche évoque la statue du Duc d‘Orléans, communément appelée «El âoud» (le Cheval). On disait la place du Cheval. La statue de bronze, qui pesait 4 tonnes et demie, fut déboulonnée clandestinement trois jours avant l‘Indépendance par les Français et acheminée à Neuilly où on l‘a installée.
La construction de la mosquée de la Pêcherie aurait été confiée par le dey à un captif originaire de Gênes qui aurait livré à la place une église, ce qui expliquerait la présence de l‘horloge. Mais les trois boules dont elle est ornée signifient que c‘est une mosquée hanéfite qui ouvre trois fois par jour. «Le système des galeries souterraines appartiennent à la mosquée, mais les locaux qui sont devenus des restos appartiennent à la mosquée également», fera-t-il observer.
Sur la Promenade des Anglais
Nous empruntons le boulevard Front-de-Mer, qui est construit, nous dit le guide, sur l‘antique route romaine qui mène jusqu‘à Césarée (Cherchell). Nous sommes, en fait, sur la Promenade des Anglais. «Les Français, assène Abdiche, n‘avaient pas les moyens. Les architectes français n‘étaient pas capables de faire une avenue comme ça. Les Anglais ont réussi à faire reculer la mer ; la mer venait jusqu‘à l‘opéra. Ils ont construit toute cette jetée-là qu‘on appelle la Promenade des Anglais, et c‘est eux qui ont construit ces palais d‘hiver. Les Anglais venaient passer la saison froide à Alger où ils se sentaient au chaud. Même les Français n‘habitaient pas ici». Nous ne sommes pas loin de l‘Amirauté, la vue des bâtiments militaires relance la réflexion de notre guide sur les motivations des ingérences étrangères. «L‘Amirauté, dit-il, a été occupée par les janissaires. Un comptoir punique existait déjà avant. Chaque 50 km les Romains avaient établi un port. Jugurtha a déclaré la guerre aux Romains à cause du blé. Il n‘y a pas qu‘avec les Français. Massinissa était l‘ami de Rome, il acceptait de leur donner le blé gratuitement. L‘histoire est un éternel recommencement. Les Français ont fait le même coup au dey Hussein.». Il nous montre le lycée Bugeaud, aujourd‘hui Emir-Abdelkader, «construit sur une nécropole romaine», où Albert Camus, Assia Djebar, Mouloud Mammeri, Paul Robert, Roger Hanna, Guy de Dos et d‘autres ont suivi leurs études. L.G.
Rachid Abdiche est déjà sur place, il nous a donnés rendez-vous à 13 h. Il était venu quelques jours auparavant au café littéraire L‘Ile Lettrée, de la rue Zabana, prêcher la bonne cause : le tourisme culturel. Il est à la tête de l‘agence «Nouvelles Terres» qu‘il a créée il y a à peine trois ans. Son objectif : allier culture et tourisme pour sauver le patrimoine culturel national. Le guide c‘est lui. Du haut de ses 52 ans, Rachid dégage encore une allure de jeune étudiant n‘ayant pas encore décroché sa licence. Il est le neveu du défunt Boussad Abdiche, le brillant journaliste des années 80. Il a passé 25 ans à l‘Office national du tourisme où il était chargé des éductours (voyages organisés). Il connaît l‘Algérie de bout en bout, il a fait le tour de toutes les infrastructures hôtelières disséminées à travers le pays. Diplômé de l‘Ecole nationale supérieure du tourisme, il a soutenu une thèse en 1992 portant sur «La Promotion du tourisme à travers La Casbah d‘Alger». Ensuite, il est allé en Italie pour des études de master en tourisme à l‘Ecole internationale des sciences touristiques de Rome. Nous n‘avions pas eu de la peine à trouver le groupe devant prendre part à la visite guidée, il sautait aux yeux que l‘attroupement qui s‘est formé devant Bab Djedid ne pouvait qu‘être celui de ces gens qui ont répondu à l‘appel de «Nouvelles Terres». Nous sommes à quelques mètres de la prison Serkadji et la zone concentre un grand nombre de palais de l‘époque ottomane. La visite est totalement gratuite, l‘agence renouvelle l‘expérience chaque premier samedi du mois. Visiblement, tout va dans le meilleur des mondes. Rachid Abdiche est en conciliabule avec une journaliste de Canal Algérie. La caméra est donc là. Tout autour, une petite foule s‘est massée. De jeunes gens distingués pour la plupart, filles et garçons, étudiants et lycéens, des mères avec leurs filles, mais aussi des étrangers, résidents ou coopérants, des Américains et des Canadiens pour la majorité.
Entame de la visite par les hauteurs
La visite va débuter par les hauteurs, l‘itinéraire suit une pente qui débouche sur la place des Martyrs en passant par la mosquée de Sidi Ramdane au cœur de La Casbah. «La légende d‘Alger commence par un certain Hercule qui voulait venir chercher des monstres qui se trouvaient en Afrique. Il est arrivé ici, il s‘est posé sur l‘une des îles de la ville d‘où le nom Ikosim», explique notre guide. Un véritable cours d‘histoire s‘ensuit. Les bâtisses alentour sont en réfection, les murs laissent voir leurs pierres rectangulaires que soutiennent des tréteaux métalliques. Les lieux sont propices à une échappée dans le temps. «150 pièces de monnaie ont été trouvées en 1940 lors des fouilles au boulevard de la Marine, elles étaient frappées à l‘effigie du Dieu Melkart», poursuit la voix de Abdiche. Et d‘évoquer aussi «la plaque trouvée chez un cloutier de la Basse Casbah et comportant la mention "Icosium, municipe romain sous Vespasien". Cette plaque-là, vous pouvez la voir en allant au 17, rue Bab Azzoun», lance-t-il. Nous survolons toutes les époques, après Syphax de Siga, Juba II de Césarée et son fils Ptolémée, Massinissa de Cirta, l‘arrivée des Vandales et leur déroute qui n‘allait pas tarder, apparaît Bouloghine Ibn Ziri Ibn Mennad le Sanhadjien, fondateur, en 950, de l‘Alger berbère. Puis nous arrivons à la chute de Grenade et l‘inquisition dont les Morisques allaient être victimes. Et nous voici en difficultés avec les Espagnols qui occupent Mers El-Kebir et Bougie et bientôt le Penon d‘Alger. L‘appel aux frères Barberousse, inéluctable, arrive. Salim Toumi, prince d‘Alger, perd le contrôle de la cité au profit de Aroudj. Nous déroulons alors le tapis rouge à la Sublime Porte, à ses janissaires et ses kouloghlis. Et puis nous arrivons à l‘espion français, monsieur Boutin. «Vous voyez ce palais en face, eh bien, le coup de l‘éventail s‘est passé là-bas, c‘est là où le Dey Hussein a reçu le consul Duval», poursuit Abdiche et de regretter : «On ne peut pas encore visiter ce palais parce qu‘il est interdit d‘entrer.» Heureusement, l‘Américain au chapeau comprend le français, il s‘occupe de traduire à sa campagne. «La Casbah a cinq portes qu‘on ouvre le matin et qu‘on ferme le soir, à partir de la prière du maghreb, et el ‘icha, on ferme les portes, et puis on les ouvre après el ‘icha, pour encourager les femmes à sortir, à faire leur course et à se promener dans la cité», explique Abdiche. Et hop ! Le signal est donné pour commencer la visite. Nous déambulons, en même temps soucieux de prendre des photos et de ne pas rater ce que dit le guide. Nous contournons la statue du raïs à côté de la Gendarmerie. Consigne de photographier dans le sens opposé de manière à ne pas avoir dans le champ de vision le siège de la Gendarmerie. Première bâtisse visitée : Le Palais du Millénaire, une œuvre de la France coloniale calquée sur le modèle de l‘architecture algérienne. Le bâtiment abrite la Direction de la culture de la wilaya d‘Alger. Il fut un temps où il était squatté par des sans-abri. Nous longeons le commissariat de police du coin, c‘est à peine que si nous nous rappelons que le quartier n‘a pas bonne réputation au regard des histoires de vol qu‘on raconte à son propos. La visite guidée crée un nouveau rapport de forces.
Les Casbahdjiens honorés
Les Casbahdjiens se sentent comme honorés de recevoir tant de monde qu‘ils ont l‘habitude de croiser ailleurs que chez eux. Ils voient avec bonheur ces visiteurs qui n‘empruntent que les grandes artères, du côté de la place des Martyrs ou Didouche-Mourad. Ça crée un air de fête. Les venelles s‘animent sous le pas des «touristes». Nous scrutons les magnifiques voûtes, à chaque détour, il y a une nouvelle découverte à faire. Les portes en bois massif jurent avec des vitres multicolores. Les pas de maisons mystérieuses apparaissent sous des arcs où règnent la pénombre et le secret. «Vous voyez cette banquette, on l‘appelle la place de  "secoue sa tête". Au temps de la Révolution, quelqu‘un venait s‘asseoir ici pour épier le mouvement des soldats français, donc il tournait la tête dans tous les sens pour repérer un éventuel intrus», reprend Abdiche. Son visage s‘illumine chaque fois qu‘on est devant une merveille. Mais la Casbah souffle le chaud et le froid. L‘effondrement par endroits des bâtisses a engendré d‘énormes cratères. Cela a fait des trous où s‘amoncellent les détritus et toutes sortes d‘ordures. «Il faut voir aussi ce côté de La Casbah. Avant l‘arrivée des Français, la cité s‘étendait sur quelque 48 hectares, il en reste aujourd‘hui à peine 18, il y avait quelque chose comme 8.500 maisons aux environs de 1830 ; aujourd‘hui, il y en a à peine mille. Si on continue comme ça, il y en aura rien du tout», tonne le guide. Et de déplorer : «Aujourd‘hui, elle est patrimoine national et patrimoine de l‘Unesco, à quoi ça sert de galvauder ce terme de patrimoine.»
Dans les palais
Nous voici au palais Mustapha Pacha, un pur joyau architectural. Des espaces géométriques tout en volutes, des balcons à balustrades en bois ramené peut-être d‘Italie, la splendide mosaïque, un flot de lumières qui tombe sur le jet d‘eau central. Le guide est en train de raconter une histoire de harem et d‘épouses multiples attendant dans leurs appartements respectifs. Il explique à l‘Américain au chapeau que la Casbah d‘Alger avec sa marine et ses jets d‘eau repose sur «la civilisation de l‘eau». Et le touriste étranger d‘ironiser «sans le vin». Le guide sourit mais ne le contredit pas, il acquiesce, peut-être qu‘il a senti, outre, qu‘il ne trouve aucun intérêt à choquer les oreilles chastes, que l‘Américain a besoin d‘être conforté dans son opinion. Mais quelques mètres plus bas, l‘Américain, par inadvertance ou distraction, ratera l‘histoire du Bastion 23, appelé aussi Palais des raïs. Il est situé en bord de mer. Dans les années 80, il avait échappé à un projet de démolition, les autorités locales ayant prévu d‘ériger à sa place un parking. Mais le Bastion 23 était aussi dénommé, sous les Ottomans, Maison des Sept tavernes où l‘on venait rendre le culte à Bacchus. On disait aussi «Qaâ Essour» (bas du rempart) mot qui n‘avait rien de péjoratif à l‘époque. Pour ne pas l‘appeler Maison des Sept tavernes, on l‘appelait aussi Maison des Pécheurs. Bernard, qui est architecte canadien, nous livre ses impressions. Il est en Algérie depuis 6 mois dans le cadre du projet de la construction de la grande mosquée d‘Alger. «C‘est un complet dépaysement, c‘est un voyage dans le temps, dans l‘histoire de l‘islam, de la Méditerranée. L‘histoire d‘Alger c‘est l‘histoire de la Méditerranée, des peuples autour, du contrôle de la Méditerranée, des intérêts économiques et politiques, depuis mille ans et plus». Ah ! que d‘évènements s‘empilent à la place des Martyrs où un chantier s‘occupe de fouiner dans des vestiges romains découverts récemment. Abdiche évoque la statue du Duc d‘Orléans, communément appelée «El âoud» (le Cheval). On disait la place du Cheval. La statue de bronze, qui pesait 4 tonnes et demie, fut déboulonnée clandestinement trois jours avant l‘Indépendance par les Français et acheminée à Neuilly où on l‘a installée.
La construction de la mosquée de la Pêcherie aurait été confiée par le dey à un captif originaire de Gênes qui aurait livré à la place une église, ce qui expliquerait la présence de l‘horloge. Mais les trois boules dont elle est ornée signifient que c‘est une mosquée hanéfite qui ouvre trois fois par jour. «Le système des galeries souterraines appartiennent à la mosquée, mais les locaux qui sont devenus des restos appartiennent à la mosquée également», fera-t-il observer.
Sur la Promenade des Anglais
Nous empruntons le boulevard Front-de-Mer, qui est construit, nous dit le guide, sur l‘antique route romaine qui mène jusqu‘à Césarée (Cherchell). Nous sommes, en fait, sur la Promenade des Anglais. «Les Français, assène Abdiche, n‘avaient pas les moyens. Les architectes français n‘étaient pas capables de faire une avenue comme ça. Les Anglais ont réussi à faire reculer la mer ; la mer venait jusqu‘à l‘opéra. Ils ont construit toute cette jetée-là qu‘on appelle la Promenade des Anglais, et c‘est eux qui ont construit ces palais d‘hiver. Les Anglais venaient passer la saison froide à Alger où ils se sentaient au chaud. Même les Français n‘habitaient pas ici». Nous ne sommes pas loin de l‘Amirauté, la vue des bâtiments militaires relance la réflexion de notre guide sur les motivations des ingérences étrangères. «L‘Amirauté, dit-il, a été occupée par les janissaires. Un comptoir punique existait déjà avant. Chaque 50 km les Romains avaient établi un port. Jugurtha a déclaré la guerre aux Romains à cause du blé. Il n‘y a pas qu‘avec les Français. Massinissa était l‘ami de Rome, il acceptait de leur donner le blé gratuitement. L‘histoire est un éternel recommencement. Les Français ont fait le même coup au dey Hussein.». Il nous montre le lycée Bugeaud, aujourd‘hui Emir-Abdelkader, «construit sur une nécropole romaine», où Albert Camus, Assia Djebar, Mouloud Mammeri, Paul Robert, Roger Hanna, Guy de Dos et d‘autres ont suivi leurs études. L.G.


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