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Le livre de la mort
Le Déterreur de Mohammed Khaïr-Eddine
Publié dans Le Midi Libre le 05 - 03 - 2008

Dans ce livre, l'écrivain marocain cherche à transgresser toutes les lois établies de la narration et des formes littéraires, afin de poursuivre ce que l'auteur nomme «un travail de minage», à la fois de la langue et de la société.
Dans ce livre, l'écrivain marocain cherche à transgresser toutes les lois établies de la narration et des formes littéraires, afin de poursuivre ce que l'auteur nomme «un travail de minage», à la fois de la langue et de la société.
Roman, récit, mélopée, soliloque ou cri-poème, comme le qualifieraient certains, le Déterreur est un livre inclassable, à l'image de la majeure partie de l'œuvre de Mohammed Khaïr-Eddine, depuis Agadir. Dans ce livre, l'écrivain marocain cherche à transgresser toutes les lois établies de la narration et des formes littéraires, afin de poursuivre ce que l'auteur nomme «un travail de minage», à la fois de la langue et de la société. En ce sens, le Déterreur se veut l'exercice d'une parole décolonisée, en même temps que la métaphore d'un peuple agonisant qui doit fouiller la terre des morts pour retrouver vie et identité. Par ses outrances verbales, son délire onirique et sa croyance en l'utopie révolutionnaire, ce roman s'inscrit également dans le courant littéraire des années soixante et soixante-dix qui, à la suite des surréalistes plutôt que dans le sillage du Nouveau Roman, entendait, par les vertus d'une écriture libérée, contribuer à transformer le monde et à changer la vie. Mais parlons d'abord, de l'histoire. Le déterreur est avant tout un pauvre bougre affamé qui, pour se nourrir, exhume les cadavres fraîchement ensevelis. Arrêté par les gendarmes de sa Majesté, enfermé et isolé dans une tour-geôle du Sud marocain, il attend son exécution et, prisonnier tout autant de ses songes que de ses fantasmes, il se souvient et délire.
Dans l'entrechoquement de ses pensées, il se rappelle pêle-mêle sa vie d'émigré en France, où il a connu misère et humiliations, la mort de ses grands-parents, la répudiation de sa mère, ou encore sa fuite vers la ville, loin du père rejeté, servile envers la force civilisatrice, sur lequel il tire lorsqu'il le rencontre dans ses rêves gris. Entouré de rats qui lui restituent la vie telle qu'elle est, il clame sa haine et son mépris d'un monde en décomposition où il n'a pas sa place et vit une «perpétuelle dépossession» de son corps.
Quant à l'Indépendance, qui n'a profité qu'aux nantis, elle n'a rien changé; au contraire, elle l'a contraint à un nouvel exil, loin du mensonge et de la répression, en même temps qu'elle séparait irrémédiablement la jeunesse de ses procréateurs. Suicidé de la société, il sombre peu à peu dans la démence, dialogue avec la mort et avec Dieu, et ressasse vainement sa colère et son désespoir dans l'attente de l'heure finale. «C'est un texte sur la mort, laquelle est dissimulée derrière chaque page du livre; c'est peut-être même l'écrit de la mort blanche et pure», avait écrit Tahar Ben Jelloun à propos du Déterreur. Mort de l'individu, acculturé et aliéné («J'étais Berbère, je ne le suis plus»); mort du peuple, expatrié et opprimé; mort de la «civilisation calamiteuse», elle-même en voie de décomposition, le monde désigné par Khaïr-Eddine n'est plus que putréfaction et fétidité, fermé à tout avenir, à toute lueur d'espoir, pris au piège d'un temps suspendu et délétère.
Avec la férocité de l'écorché vif qui se réfère aux poètes maudits, avec la fureur des viscères, l'écrivain marocain accomplit dans le Déterreur la mort du père, tant le sien propre que celui de la nation, le roi accusé de toutes les corruptions. Passant sans transition du réalisme à l'abstraction symbolique de la plus authentique tradition arabe, il traque les traces de ce que Abdelhédir Khatibi, l'autre grand écrivain marocain, nomme la «mémoire tatouée» et s'abîme dans cette quête insensée où l'imaginaire de la fiction vole en éclats sous les assauts des invectives autobiographiques. Qui parle alors, par cette voix erratique ? Le «déterreur» ? Un second personnage ? Le poète en exil ? Un «vulgaire intellectuel»? Quel autre double encore ? Le «pays fomenté par la mémoire» est hanté des vies inventées de ceux qui ont perdu le fil et doivent se confronter à leur amère bâtardise. Déferle alors la violence verbale teintée de lyrisme parfois obscur, mais zébré d'images incandescentes.
Roman, récit, mélopée, soliloque ou cri-poème, comme le qualifieraient certains, le Déterreur est un livre inclassable, à l'image de la majeure partie de l'œuvre de Mohammed Khaïr-Eddine, depuis Agadir. Dans ce livre, l'écrivain marocain cherche à transgresser toutes les lois établies de la narration et des formes littéraires, afin de poursuivre ce que l'auteur nomme «un travail de minage», à la fois de la langue et de la société. En ce sens, le Déterreur se veut l'exercice d'une parole décolonisée, en même temps que la métaphore d'un peuple agonisant qui doit fouiller la terre des morts pour retrouver vie et identité. Par ses outrances verbales, son délire onirique et sa croyance en l'utopie révolutionnaire, ce roman s'inscrit également dans le courant littéraire des années soixante et soixante-dix qui, à la suite des surréalistes plutôt que dans le sillage du Nouveau Roman, entendait, par les vertus d'une écriture libérée, contribuer à transformer le monde et à changer la vie. Mais parlons d'abord, de l'histoire. Le déterreur est avant tout un pauvre bougre affamé qui, pour se nourrir, exhume les cadavres fraîchement ensevelis. Arrêté par les gendarmes de sa Majesté, enfermé et isolé dans une tour-geôle du Sud marocain, il attend son exécution et, prisonnier tout autant de ses songes que de ses fantasmes, il se souvient et délire.
Dans l'entrechoquement de ses pensées, il se rappelle pêle-mêle sa vie d'émigré en France, où il a connu misère et humiliations, la mort de ses grands-parents, la répudiation de sa mère, ou encore sa fuite vers la ville, loin du père rejeté, servile envers la force civilisatrice, sur lequel il tire lorsqu'il le rencontre dans ses rêves gris. Entouré de rats qui lui restituent la vie telle qu'elle est, il clame sa haine et son mépris d'un monde en décomposition où il n'a pas sa place et vit une «perpétuelle dépossession» de son corps.
Quant à l'Indépendance, qui n'a profité qu'aux nantis, elle n'a rien changé; au contraire, elle l'a contraint à un nouvel exil, loin du mensonge et de la répression, en même temps qu'elle séparait irrémédiablement la jeunesse de ses procréateurs. Suicidé de la société, il sombre peu à peu dans la démence, dialogue avec la mort et avec Dieu, et ressasse vainement sa colère et son désespoir dans l'attente de l'heure finale. «C'est un texte sur la mort, laquelle est dissimulée derrière chaque page du livre; c'est peut-être même l'écrit de la mort blanche et pure», avait écrit Tahar Ben Jelloun à propos du Déterreur. Mort de l'individu, acculturé et aliéné («J'étais Berbère, je ne le suis plus»); mort du peuple, expatrié et opprimé; mort de la «civilisation calamiteuse», elle-même en voie de décomposition, le monde désigné par Khaïr-Eddine n'est plus que putréfaction et fétidité, fermé à tout avenir, à toute lueur d'espoir, pris au piège d'un temps suspendu et délétère.
Avec la férocité de l'écorché vif qui se réfère aux poètes maudits, avec la fureur des viscères, l'écrivain marocain accomplit dans le Déterreur la mort du père, tant le sien propre que celui de la nation, le roi accusé de toutes les corruptions. Passant sans transition du réalisme à l'abstraction symbolique de la plus authentique tradition arabe, il traque les traces de ce que Abdelhédir Khatibi, l'autre grand écrivain marocain, nomme la «mémoire tatouée» et s'abîme dans cette quête insensée où l'imaginaire de la fiction vole en éclats sous les assauts des invectives autobiographiques. Qui parle alors, par cette voix erratique ? Le «déterreur» ? Un second personnage ? Le poète en exil ? Un «vulgaire intellectuel»? Quel autre double encore ? Le «pays fomenté par la mémoire» est hanté des vies inventées de ceux qui ont perdu le fil et doivent se confronter à leur amère bâtardise. Déferle alors la violence verbale teintée de lyrisme parfois obscur, mais zébré d'images incandescentes.


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