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Eric Chevillard : « Yasmina Khadra écrit faux comme une casserole »
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 12 - 10 - 2016


LE MONDE DES LIVRES | 01.09.2016
Par Eric Chevillard
Dieu n'habite pas La Havane, de Yasmina Khadra, Julliard, 312 p.
Parfois, l'éditeur réussit son coup. Le texte de présentation imprimé en quatrième de cou­verture est si élogieux, si enthousiaste qu'il pique notre curiosité et aiguise notre appétit. A l'en croire, nous tenons là, entre nos mains, un sacré beau morceau de litté­rature. Quelle aubaine pour nous qui l'aimons tant ! Prenons par exemple le nouveau roman de Yasmina Khadra, Dieu n'habite pas La Havane. Au dos, nous lisons que les précédents livres de l'auteur sont traduits dans une quarantaine de langues, adaptés en bandes dessinées, au théâtre et au cinéma. Quant à celui-ci, il allie « la maîtrise et le souffle d'un Steinbeck contemporain ». Nous n'en pouvons plus. Nous avons faim. Nous avons soif. O mystique aliment ! Toutes affaires cessantes, nous nous ­jetons sur le chef-d'œuvre.
C'est sauter dans le vide. Ce texte est d'une nullité si parfaite que nous y ferons pourtant l'expérience de l'absolu. Tissu de lieux communs et d'inventions malencontreuses, il illustre avec exhaustivité toutes les façons d'échouer qui s'offrent à un écrivain. Roman factice, appliqué, besogneux, il n'est jamais mieux qu'une affectation de littérature et verse systématiquement dans le ridicule dès que l'auteur croit faire preuve d'audace poétique. Comme il ne manquera pas de bonnes âmes pour huer l'aigre et arrogant critique, qu'il me soit permis par anticipation de leur demander de quel côté est le mépris. Quelles en sont les victimes : l'auteur et son éditeur ou le lecteur et la littérature ? Jugeons sur pièces.
Juan del Monte Jovana, dit Don Fuego, n'a jamais quitté Cuba. Chanteur populaire sur le déclin, mais personnage d'opérette tout à fait pimpant, jadis adulé par les foules folles de rumba et de mambo, il incarne encore pour quelques touristes la « succulence agissante » de l'exotisme. Hélas, déjà bien mal engagée pour le lecteur, l'aventure va bientôt tourner court pour lui aussi, comme le lui annonce le directeur du Buena Vista Cafe où il se produit. « Pedro est amoncelé sur une chaise en osier (...), le regard catapulté au large » (deux performances physiques prodigieuses exécutées simultanément de surcroît). Il apprend à Juan que la salle, privatisée, ne le programmera plus. Nouveau coup dur pour le chanteur, privé très jeune de sa mère morte dans un accident : « A une bretelle, un tracteur a jailli d'une plantation sans regarder à droite ni à gauche. » Il serait temps que la signalisation routière mette en garde les automobilistes contre le jaillissement des tracteurs intempestifs comme elle l'a fait pour la biche bondissante, cela éviterait bien des peines. Ou que l'on apprenne au moins aux engins agricoles à catapulter leur regard à droite et à gauche.
Roman factice, appliqué, besogneux, il n'est jamais mieux qu'une affectation de littérature et verse systématiquement dans le ridicule dès que Yasmina Khadra croit faire preuve d'audace poétique
Un éditeur n'est-il pas supposé signaler avec tact ses maladresses à l'auteur qu'il publie ? Qui a relu le manuscrit de Yasmina Khadra et laissé imprimer des phrases comme celles-ci : « Le besoin de parler à quelqu'un me suffoque. » Ou : « Je serais probablement en train de nourrir les poissons faute d'avoir échoué à gagner la Floride », qui dit le contraire de ce qu'elle prétend dire ? N'y eut-il personne aux éditions Julliard pour remplir gentiment de gommes les poches de l'auteur ? « La lassitude dégouline sur les figures, lorsqu'elle n'officie pas dans l'ombre des recoins comme une araignée. » Ou : « J'ai senti un souffle ardent essorer ma chair. » Et encore : « Mon sang résonnait dans mes tempes à coups de massue. » Quand on pense que de telles phrases vont être traduites en quarante langues ! C'est le monde entier qu'on agresse.
Outre ces horreurs, le texte est littéralement farci d'expressions toutes faites, de syntagmes figés : salle obscure, salaire de misère, silence de cathédrale, illustre inconnue, courbes vertigineuses. Ces dernières appartiennent à Mayensi, une jeune et vénéneuse beauté dont va s'éprendre le vieillissant musicien, ­séduit par son « sourire crémeux ». Tant abuser des baisers de ce petit chou finira d'ailleurs par lui donner mal au cœur. C'est aussi qu'elle a une drôle de façon de le regarder : « Elle pose ses mains de fée de part et d'autre de mon visage, traque mes yeux, les accule. » Du coup, les voici prisonniers de leurs orbites.
Mayensi cache un secret, une blessure et un couteau dont Don Fuego lui-même va éprouver la lame. Abandonné, il reste hanté par la farouche enfant au point de se retrouver muet sur scène : « Le vide ­sidéral revient flûter dans matête. » Il flûte aussi dans la nôtre. Yasmina Khadra écrit faux comme une casserole. Et quand il met dans la bouche de quelques vieux sages la leçon de son livre, cela nous vaut ces révélations : « Vis ta vie », « Quoi que tu fasses, quoi qu'il t'arrive, tu en es le seul artisan », « Les apparences sont trompeuses », « Personne n'est sûr du temps qui lui reste à vivre »... Et, à la toute fin, alors que nous ne l'espérions plus : « Avec un minimum de sagesse, on s'aperçoit que les coups durs, loin de nous achever, nous rendent plus forts. »
Malgré cette promesse, avec un minimum de sagesse, nous passerons très au large de ce roman auquel un Cuba de ­carton-pâte sert de décor. Et nous ne croirons plus les quatrièmes de couverture. Quitte à nous faire enfumer, nous allumerons plutôt un bon havane.
Eric Chevillard


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