La notoriété de la localité de Boutaleb, relevant de la commune de Chekfa, a dépassé les frontières de la wilaya de Jijel. Cette paisible localité comptant une population estimée à 1 500 habitants constitue «un lieu de pèlerinage» de nombreux jeûneurs en ce mois de carême. Motif : son délicieux kalbellouz dont la réputation a dépassé les frontières de la wilaya. On vient de toutes les communes de la wilaya même de la wilaya de Mila, nous a affirmé Mahmoud Debieche, un enseignant à la retraite originaire de cette localité, qui fut jadis réputée aussi pour ses champs de tisane. Historiquement, les habitants de Boutaleb sont issus en majorité du arch de Beni Maâmer dépendant des Beni Ider qui englobe les communes de Chekfa et de Bordj- Thar, selon Ali Khenouf dans son ouvrage sur l'histoire de la région. Les Beni Ider à l'instar d'autres tribus de la région jijelienne ont bénéficié de certains privilèges durant le règne des deux frères Arroudj et Kheirreddine dont l'exonération d'impôts, le port d'arme et de la tenue du turque, en signe de reconnaissance de leur contribution à la résistance contre les expéditions espagnoles. Ces derniers ont ramené une partie des Beni Ider à Alger pour travailler comme artisans boulangers dans les boulangeries appartenant à l'autorité du dey d'Alger qui leur a confié la gestion de ses boulangeries ce qui explique leur maîtrise du métier de boulanger. Ils détenaient également de nombreuses boulangeries notamment dans certains quartiers populaires de Belouizdad, le1er-Mai, la Casbah et Bab-el-Oued. Pour l'histoire, kalbellouz chez les Beni Maâmer trouve son origine dans le parcours professionnel de deux frères boulangers, en l'occurrence le défunt Debieche Mustapha et Youcef qui ont appris le métier de confection de ce gâteau lors de leur passage dans des boulangeries algéroises dont certaines d'entre elles appartenaient à des gens de la région durant les années 1960 et 1970. Lors de leur retour dans leur région, à la fin des années 1980, ils ont monté leur affaire en louant des espaces et des boulangeries vendant occasionnellement kalbellouz à Chekfa, notamment durant le mois de carême, au début des années 1990. On venait de toutes les régions de la wilaya pour acheter le fameux «mahchi» fait à base d'amandes, se souvient Omar, ancien boulanger, la cinquantaine entamée. Les deux frères dressaient leurs étals pour écouler leur marchandise en temps record. C'était la ruée sur kalbellouz de ces deux artisans qui étaient contraints de changer les lieux à cause de la décennie rouge. Youcef s'est associé à un gérant d'une boulangerie à El-Kennar alors que le défunt Mustapha reviendra à Boutaleb et initiera son fils Yacine aux secrets de ce métier. Celui-ci a pris le flambeau en vue de pérenniser ce métier, symbole d'une région truffée d'histoire. En dépit des aléas du temps, kalbellouz Boutaleb demeure «une marque déposée» de l'avis de nombreux citoyens rencontrés dans cette localité qui est sortie de l'anonymat depuis une vingtaine d'années. On se bousculait devant le local du défunt Mustapha qui est mort ces dernières années, laissant ce patrimoine professionnel à son fils qui a pris la relève. Actuellement, Yacine poursuit le parcours de son père en vue de pérenniser ce métier qui constitue un patrimoine familial chez les Beni Maâmer. Le fils aâmmi Mustapha nous a affirmé que les prix des composantes de ce gâteau ont connu une hausse, soulignant que le morceau se vend à 30 DA. Un prix qui demeure abordable pour un grand nombre de consommateurs, a-t-il estimé. Notre interlocuteur nous a confié, par ailleurs, qu'il arrive à écouler sa marchandise bien que la vente ait connu une certaine baisse. «J'ai des clients qui viennent de Jijel, Taher, El- Milia, Ziama-Mansouriah», a-t-il souligné. Pour cette année, les avis sont unanimes à dire que la clientèle de kalbellouz de Boutaleb a nettement baissé comparativement aux années précédente, nous a révélé Hocine habitant de cette localité, lors de notre passage dans ces commerces longeant ce chemin de wilaya soulignant que d'habitude «il est difficile de dénicher une place pour stationner à partir de 16 heures, maintenant c'est plus facile de le faire à 18 heures. C'est la cherté de la vie. Un père de famille composée de six membre avec un salaire de 30 000 DA ne se permet pas de payer 200 DA chaque jour pour acheter du kalbellouz alors qu'il a d'autres priorités en ce mois de carême», a justifié Hocine. En quittant le patelin natal du défunt poète Benmerioma Mahmoud, l'ombre de aâmmi Mustapha hante ce coin qui demeure, malgré les aléas du temps, «un lieu de pèlerinage» des jeûneurs de différentes régions de la wilaya pour déguster le délicieux kalbellouz «made in Boutaleb». Bouhali Mohammed Cherif