L'appel du chef d'état-major de l'ANP à l'application de l'article 102 de la Constitution pose un double problème. Le premier est que, théoriquement du moins, il n'a pas vocation à le faire. Mais on ne sait même plus s'il faut s'en féliciter en lui reconnaissant le mérite de la « transparence », l'implication politique de l'armée algérienne dans la décision politique, si elle est un secret de Polichinelle, a toujours été conçue dans l'opacité la plus totale. Ou alors s'en indigner pour des raisons plus évidentes. Un double problème, puis une satisfaction peut-être. Même tirée par les cheveux, on peut la concevoir, dans de pareilles conditions, où il ne se passe quasiment rien en dehors de la rue. Nous allions presque oublier que c'est la première… initiative politique qui soit en rapport direct avec les revendications formulées dans la révolte populaire. Mieux - ou pire - non seulement tout ce qui a été entrepris jusque-là comme « réponses » à la colère des Algériens visait dans le meilleur des cas à contourner leur demande, mais à en accentuer les raisons profondes. N'est-ce pas qu'on a décidé de prolonger le mandat d'Abdelaziz Bouteflika en faisant l'économie du scrutin présidentiel là où le peuple algérien criait haut et fort qu'il ne voulait pas de lui-même en tant que candidat ? Alors, pour tous ceux qui voyaient dans la fin de règne le nœud gordien du problème, et ils sont nombreux, les voilà servis, à moins d'un tremblement de terre qui compliquerait encore plus les choses, en aggravant la situation. Il y en a beaucoup qui le disent déjà. S'ils y mettent les formes parce que ce n'est pas toujours assez prudent pour la suite des événements, ils ne sont quand même pas loin de crier victoire. Ils mettent les formes pour ne pas se retrouver dans les mêmes draps que ceux qui ont déjà vu le bout du tunnel dans la « lettre de Bouteflika ». Ils n'ont pas vu venir l'article 102 et tout ce que cela implique, notamment l'obsolescence de l'idée de « conférence nationale » et l'élection présidentielle qui viendra forcément plus tôt que prévu dans leurs calculs. Mais ce n'est pas vraiment sur ces terrains que se disputent les enjeux. La rue algérienne n'a jamais demandé… l'application de l'article 102. Elle demande le départ du régime et la fin du système dans la foulée. Elle voit ainsi dans la sortie de Gaïd Salah l'ultime manœuvre du pouvoir pour se tirer d'affaire en prolongeant son règne et elle ne manque pas d'arguments. Pour le montrer, le sixième vendredi est déjà une évidence et si rien de « consistant » ne vient accompagner la nouvelle donne, rien n'aura donc changé. Ce qu'elle a déjà exprimé se sera confirmé et la contestation repartira de plus belle, avec en plus, une autre désillusion et la peur de l'escalade. S. L.