Les connaisseurs de la wilaya de Boumerdès s'attendent à l'explosion, dans cette région, des bombes du foncier et des marchés publics de fournitures et de réalisations. Ces bombes exploseront, c'est certain. Il reste à savoir quand. Le comment ? C'est par le biais des injonctions aux services de sécurité et à la justice. Pour sa proximité avec la capitale et le centre du pouvoir, cette wilaya est devenue, au fil des années, la chasse gardée de quelques gros bras de la nomenklatura. Certains y seront éclaboussés, si les enquêteurs consentent à faire leur travail correctement. Pour des personnes qui suivent la vie économique et financière de la région, lorsque les enquêteurs officiels demanderont des documents et poseront des questions bien précises, bien des langues se délieront et les informations avancées antérieurement par des journalistes seront confortées. La grande partie de ces affaires remontent à plusieurs années et elles n'ont jamais été effacées de la mémoire des observateurs. Elles concernent principalement les travaux publics (TP), la pêche, le tourisme, la santé, l'agriculture, les forêts, l'urbanisme et d'autres secteurs. Dans le secteur des TP coûtant, pour chaque projet, des centaines de milliards à l'Etat, les enquêteurs découvriraient sans aucun doute des doubles facturations du tuf. Cette matière a été facturée quand elle a été extraite pour terrassement d'un projet, avant d'être «refacturée» une seconde fois, quand elle a été étalée, dans un autre ouvrage, par une grosse entreprise privée dont le patron est actuellement sous mandat de dépôt. En fait, ce patron a vendu à l'Etat ce qui appartient à l'Etat. Comment se fait-il que cet entrepreneur a eu les deux projets en même temps ? L'entrepreneur en question a obtenu l'autorisation d'ouvrir une carrière de tuf, au centre de la wilaya de Boumerdès, dans le cadre d'un grand projet routier à caractère national. Or, le même tuf prélevé gratuitement a été facturé à l'Etat. La liste des projets routiers controversés est encore longue. Le projet de l'hôpital de la famille Il y a également le très lourd dossier de l'interminable hôpital de 240 lits dont la réalisation enregistre un retard de plusieurs années. Mais ce qui soulève des interrogations, c'est l'éviction du premier bureau d'étude qui sera remplacé par un autre bureau appartenant à un parent du patron de l'une des entreprises chargée de la réalisation. A-t-on commis un double délit d'initiés si l'on considère, en outre, que le responsable de la santé de cette wilaya est un parent du patron de l'entreprise algérienne de réalisation ? Pour rappel, au lendemain des élections législatives de 2012 et juste avant le remaniement du gouvernement, Djamel Ould-Abbès avait ameuté les télévisions publiques et des chaînes privées complaisantes pour poser la première pierre. Les travaux qui ont été confiés à deux entreprises — l'une italienne, l'autre algérienne — n'ont réellement démarré qu'en 2014. Le chantier a connu, par la suite, plusieurs arrêts. Les autorités se contentent de faire de timides réprimandes aux deux entreprises pour le retard. Les ministres qui se sont succédé à Ould-Abbès n'osaient pas aller plus loin pour ne pas être confrontés au patron de l'entreprise de réalisation qui faisait partie des oligarques influents. Selon les informations dont nous disposons, la première révision a vu le coût global du projet augmenter de 1,08 milliard de dinars. Il serait intéressant de connaître l'ampleur de la révision de la partie en devises et du montant transféré. 11 milliards dans les caniveaux Dans le domaine de la pêche, il existe des dossiers à la pelle. Le surcoût de la réalisation du port de pêche de Cap-Djinet en est un. On parle d'un prix facturé équivalent à 3 fois le coût initial. Dans le même secteur (la pêche), des milliards ont été empochés par une entreprise privée pour l'aménagement d'une plage d'échouage à Boudouaou El-Bahri. Le projet est abandonné depuis des années. A Zemmouri-el-Bahri, des milliards, dont une partie en devises, ont été dépensés pour la construction d'une halle à marées. Depuis plus de 2 ans, elle est fermée car elle ne sert à rien. Au niveau du tourisme, des terrains ont été distribués dans l'opacité à des gens – de simples fonctionnaires — qui n'ont rien à voir avec le tourisme. Certains se sont accaparé des terrains avoisinants. Il est question de 1 000 m2 pris par l'un d'eux. D'aucuns s'interrogent sur le sort réservé aux fermes pilotes. Le scandale du port sec de Boudouaou-el-Bahri, qui n'a jamais fonctionné, a été longtemps étouffé mais il finira par revenir en surface. Dans cette affaire, des centaines d'hectares de terres agricoles ont été détruites à jamais et plus de 11 milliards de centimes ont été dilapidés en 2011 par l'Etat pour réaliser des aménagements, des caniveaux entre autres, au profit d'un privé, parachuté d'en haut et dont le nom d'attributaire des terres, n'apparaît dans aucun document officiel y compris dans un jugement délivré par un tribunal de la circonscription judiciaire de Boumerdès. Concernant l'urbanisme, des maires, des élus ou des fonctionnaires ont fait de l'urbanisme une filière d'enrichissement illicite. A Boumerdès-ville, tout le monde sait que les permis de construire, des certificats de conformité et d'autres documents de l'urbanisme se monnayent. On s'arrêtera là parce que la liste des dossiers est encore longue. Abachi L.