Djilali Hadjadj est à la tête de l'Association nationale de lutte contre la corruption. Il affirme qu'il mène un travail extrêmement difficile ces dernières années en raison des proportions inquiétantes prises par le phénomène de la corruption et de fuite de capitaux notamment avec l'entrée massive de l'argent du pétrole surtout quand le prix a atteint son niveau le plus élevé. Selon lui, il n'y a pratiquement pas de marché public sans l'implication de ce fléau qui a fini par gangrener les institutions de l'Etat. Abdelhalim Benyellès - Alger (Le Soir) - Le président de l'AACC estime que l'argent illicite détourné au cours des 20 dernières années est difficilement quantifiable. Cependant, il se réfère aux estimations établies à partir des institutions internationales anti-corruption, qui font savoir que 5% à 10% de la corruption pourraient provenir des 600 milliards de dollars représentant le montant global consommé en matière de commandes publiques dans un contexte où le pays a enregistré un montant de recettes pétrolières qui s'élèvent à 1 000 milliards de dollars. C'est dans ce contexte que l'invité de l'émission de la Chaîne 3 a eu à s'exprimer sur l'intervention de la justice algérienne sur certaines affaires, à l'instar des affaires les plus connues Sonatrach, l'autoroute Est-Ouest, SNC-Lavalin, et le renforcement de la coopération judiciaire avec l'étranger, ainsi que sur la stratégie à définir pour éradiquer le phénomène à l'ère de l'actionnement du processus juridique visant les hauts fonctionnaires et personnalités de l'ancien régime provoqué par le mouvement de protestation populaire national entamé le 22 février dernier. L'intervenant a expliqué que l'Algérie pouvait obtenir la liste des personnes ayant ouvert des comptes bancaires dans des pays adhérents à la GAFI, un organisme de lutte contre le blanchiment d'argent. Cependant, il précise que l'Algérie n'a pas adhéré à la convention permettant l'échange des informations sur les comptes bancaires même dans les paradis fiscaux ratifiée par plus de 160 pays. Plus en détail, il cite un cas concret où l'Algérie pourrait obtenir du gouvernement suisse la liste des personnalités ayant ouvert des comptes dans des banques sur son territoire. Cependant, a-t-il dit, le processus est freiné par la volonté politique du gouvernement de vouloir étouffer les affaires de complicité dans le versement de pots-de-vin aux entreprises étrangères. A cet effet, il révèle que les sociétés étrangères les moins corrompues répertoriées par Transparency International ne figurent « curieusement » pas sur la liste des pays qui collaborent avec l'Algérie dans le domaine des échanges commerciaux, citant des sociétés sous haute surveillance par la justice de leur gouvernement. Sur un autre chapitre, se montrant optimiste par la réouverture des « gros » dossiers du passé à l'instar de l'affaire Khalifa et de l'autoroute Est-Ouest, l'auteur émet le souhait que les magistrats pour cette fois-ci soient « totalement indépendants », arguant qu'à l'époque où le dossier a été saisi par la justice, des personnalités figurant dans le dossier d'instruction ont été épargnées. Revenant au dossier de la corruption internationale, l'orateur a insisté sur l'affaire SNC-Lavalin, le considérant comme un dossier « emblématique avec des ramifications à l'étranger que le gouvernement canadien a voulu étouffer ». Dans le cas de l'Algérie, le dossier a été traité par la police judiciaire il y a de cela 10 années, la justice s'était saisie du dossier mais elle n'a pas voulu aller vers un procès qui implique un grand nombre de personnalités, assure-t-il. A l'époque, il dit avoir sollicité le gouvernement afin de se rapprocher du gouvernement suisse pour s'enquérir de l'affaire du moment que les biens saisis en Suisse appartiennent à l'Algérie. Dans le même cas, 300 millions d'euros appartenant à l'Algérie ont été saisis par la justice italienne et mis dans les caisses de l'Etat italien. Citant au passage l'affaire Sonatrach, il dira que les magistrats italiens en charge du dossier Saipem avaient, à l'époque, saisi leurs homologues algériens, mais que ces derniers n'ont pas répondu. L'Algérie a pourtant ratifié en 2004 la Convention des Nations-Unies de lutte contre la corruption qui compte 180 pays qui permet à nos magistrats de traiter directement avec leurs homologues, rapelle le président de l'AACC, comme pour dénoncer l'implication directe de la justice algérienne dans la corruption. Mais parlant de l'avenir, et au vu de l'accélération des procédures judiciaires, il dira qu'avec l'exécutif nouvellement élu, l'Algérie pourra s'emparer de cet instrument de lutte contre la corruption. Selon lui, la récupération des avoirs détournés à l'étranger, s'agissant de biens immobiliers ou avoirs bancaires, est une opération « tout à fait possible » car elle dépend de la volonté politique du gouvernement algérien. A. B.