Sur la voie de la fidélité    Vers un nouveau contrat social au Maghreb ?    Signature d'une convention de coopération entre les ministères du Tourisme et de l'Economie    L'ambassadeur de Tanzanie exprime la volonté de son pays de concrétiser cette coopération    Trump entre le messianisme, le business, le pillage de la Palestine et le massacre des Palestiniens    Le programme météorologique européen «Copernicus» sépare sur sa cartographie le Sahara occidental du Maroc    Les Algériennes en quarts de finale, plus qu'une qualification    Chelsea douche le PSG en finale et s'offre le trophée    Début de l'activité annuelle des « bains de sable » à Foggaret-Ezzoua    Un chef d'oeuvre architectural unique    Le Directeur de la Sécurité publique du Royaume d'Arabie saoudite en visite de travail au siège de la DGSN    Bejaia: Hamlaoui appelle au renforcement du front interne pour faire face aux différents défis    Tizi-Ouzou: le 6e Salon national de la poterie d'Ath Kheir du 17 au 20 juillet    CAN Féminine 2024: Roselène Khezami désignée meilleur joueuse du match Algérie - Nigéria    Le ministre de la Communication se rend au chevet du journaliste Ali Draâ à l'hôpital d'Ain Naadja    Cisjordanie occupée: arrestation de 3850 Palestiniens au cours du 1er semestre de 2025    APN: présentation du projet de loi relatif à la protection des données à caractère personnel    Merad salue la dynamique de développement dans la wilaya de Tlemcen    L'amendement de la loi relative à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme s'inscrit dans le cadre des engagements internationaux de l'Algérie    L'Algérie accueille les Jeux scolaires africains du 26 juillet au 5 août 2025    Attaf reçoit son homologue belge    Rentrée universitaire 2025/2026: les préinscriptions des nouveaux bacheliers débutent le 22 juillet    Oran: le Salon national du jeune artisan à partir de samedi prochain    Plus de 5 800 enfants souffraient de malnutrition en juin    Le MAE palestinien dénonce "l'inaction" de la communauté internationale contre les colons sionistes    Foot/formation: 25 candidats au 1er module de la Licence CAF A    Tlemcen: nécessité de relever le niveau de vigilance pour protéger les richesses forestières contre les incendies    Des enfants de la diaspora passent leurs vacances en Algérie    « L'Algérie nouvelle repose sur des réformes profondes visant à renforcer la gouvernance économique »    Karaté do/Equipes nationales: organisation prochaine de stages régionaux pour les athlètes d'élite (DEN)    Oran: l'Algérie résistera à toutes les campagnes visant à la déstabiliser    Les choses sérieuses commencent...    Une plateforme numérique dédiée aux sites historiques    Ali D (FOREALID) et Moundjed Wali unissent leurs talents pour porter la musique algérienne vers la scène internationale    Sortie de promotions de l'Académie militaire de Cherchell    Confiance totale en nos capacités et en nos ressources    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le faux débat sur les langues en Algérie
Publié dans Le Soir d'Algérie le 22 - 07 - 2019


Par Farouk Lamine(*)
Le débat sur la place de la langue arabe et de la langue française en Algérie a toujours été un débat investi d'une charge émotionnelle et identitaire électrique. C'est ce qui empêche de poser les bonnes questions et rend le débat souvent stérile.
Ce débat est revenu avec l'annonce du nouveau ministre de l'Education son intention de consolider l'usage de la langue anglaise à l'université à la place de la langue française. La vieille polémique entre arabisants et francisants refait surface et l'on note déjà des termes incendiaires. Les uns réduisent les défenseurs de la langue arabe à des «islamistes», et les autres réduisent les francophones à «hizb frança». Et on se demande déjà si ce n'est pas une autre façon de créer de la division à un moment crucial de l'histoire de notre pays.
Donner l'avantage à l'anglais est une bonne chose. Il est faux de réduire ce souhait à une manœuvre «islamiste» comme le font certains. Nombreux chercheurs algériens ont exprimé leur désir de se tourner vers la communauté scientifique anglophone, largement plus foisonnante et universelle. Il est de nos jours impossible pour qui que ce soit de dire qu'il est spécialiste éminent ou grand chercheur, dans quelque domaine qu'il soit, sans être au courant de ce qui se publie dans le monde en anglais. Cependant, le problème avec la mesure prise par le ministère n'est pas en elle-même mais dans ses motivations.
On n'introduit pas une langue étrangère juste pour évincer une autre détestable pour des raisons historiques.
C'est la raison qui doit prévaloir dans ces débats et non pas les passions, et le raisonnable veut que nous choisissions ce qui nous arrange, et ce qui nous arrange doit aussi rester dans la mesure du possible.
Le français, contrairement à ce qui est parfois affirmé, nous a toujours été utile. Tout d'abord, il existe une forte tradition démocratique francophone en Algérie qui commence avec le FLN historique. Les leaders du mouvement national ont puisé leurs idées dans des traditions politiques occidentales, communisme et socialisme notamment. Et c'est le fait d'avoir puisé dans cet Occident hégémonique qui leur a permis de lui résister. Et puis l'élite algérienne (médecins, architectes, ingénieurs, journalistes, etc.) reste majoritairement francophone. Il est donc ridicule de vouloir combattre soi-même.
En plus, la France a été, jusqu'à l'année dernière, la première destination des étudiants algériens, et cela pour une raison simple : les études en France ont été jusque-là relativement abordables.
Le montant nécessaire pour couvrir une année entière en France pour un étudiant algérien, incluant le gîte et le couvert, ne couvriront pas les frais d'un seul semestre dans une université anglo-saxonne.
Dans ce cas, on peut s'interroger si la mesure du ministère va s'accompagner d'une mise en place de bourses pour nos étudiants afin qu'ils partent étudier dans des universités anglo-saxonnes ? Voici une bonne question. C'est là une mesure qui n'a pas été prise avec les frais relativement inférieurs des universités françaises, va-t-on le faire maintenant alors que ces frais sont désormais multipliés par dix ou vingt ?
En ce qui concerne la langue arabe et la politique d'arabisation, il est important de rappeler que, dans la conception des chefs politiques qui avaient lancé le processus d'arabisation, la langue française devait avoir «une place largement confortable même dans un système d'éducation et de formation complètement arabisé» (1), selon les mots de Abdelhamid Mehri.
Il précisait aussi que le devenir de la langue française dépendait également de la coopération française. Malheureusement, l'arabisation a été un échec, et le rôle de la France dans la coopération n'a pas été exemplaire.
Les raisons de l'échec de la politique d'arabisation ne sont pas à chercher très loin, il se trouvent dans la politique elle-même. On a d'abord imposé la langue arabe au lieu de la faire aimer. Son introduction ne s'est accompagnée d'aucune préoccupation pédagogique ou valorisation profonde. C'est dans les disciplines techniques et scientifiques que l'arabe a eu naturellement du mal à s'implanter.
Derrière l'agitation sur la langue arabe, il y avait l'idée naïve selon laquelle il suffit de traduire le savoir pour le posséder. Le fait de se tourner aujourd'hui vers l'anglais est en un sens une façon d'avouer que c'était là un vœu pieux. C'est en possédant le savoir qu'on l'écrira à notre manière, et non pas l'inverse. Et ceci peut prendre parfois des siècles. Il existe toutefois des raisons extérieures à cet échec.
Le projet d'arabisation lancée après l'indépendance n'était pas une mince affaire, et les chefs du FLN ne l'ignoraient pas. C'est pourquoi l'effort immense d'arabisation devait, selon Abdelhamid Mehri, «s'harmoniser avec les travaux parallèles des autres pays arabes où un travail considérable a été déjà réalisé». (2)
C'était pour eux une façon de se libérer complètement du joug colonial. Malheureusement, les régimes arabes ont misé sur tout sauf sur la démocratie. Ils ont donc tous échoué, et ce qui ressemblait à l'amorce d'une renaissance arabe au XIXe siècle s'est vu, peu à peu, remplacé par une contre-révolution islamiste orchestrée par les pays du Golfe avec l'aval de l'Occident.
Mais la France n'a-t-elle pas une part de responsabilité dans ce grognement contre sa propre langue ? La coopération dont parle Mehri a été jusque-là infiniment modeste. Si les Algériens veulent de plus en plus se tourner vers l'anglais aux dépens du français, c'est aussi parce qu'on a interdit aux étudiants algériens de poursuivre leurs études en France en augmentant significativement les frais d'inscription l'année dernière, et cela dans l'espoir d'attirer des étudiants des pays riches (pays du Golfe, Chine, etc.), raflés par les universités anglo-saxonnes.
Les Algériens ont aussi ras-le-bol d'une scène intellectuelle française profondément hostile à tout ce qui a trait à l'arabe et à l'islam. Ils savent aussi que les intellectuels et écrivains algériens promus ces dernières années en France sont choisis minutieusement pour adosser les bêtises de leur intelligentsia.
La méconnaissance et le désintérêt envers tout ce qui est en lien avec le Maghreb est sidérant dans ce pays. L'historien français, spécialiste de l'Algérie, Benjamin Stora, l'avait souligné. Les intellectuels français, y compris quelqu'un comme Jean-Paul Sartre par exemple, encore apprécié en Algérie pour sa position anticoloniale, ont toujours fait montre d'une absence élémentaire de sympathie à l'égard de tout ce qui est en lien avec la culture et l'histoire arabo-musulmane. Cela est peut-être dû aussi au fait que la France reste un pays relativement replié sur lui-même.
Les traductions des livres importants, dans de nombreux domaines, se font très en retard et parfois jamais. Le fait de se tourner vers le monde anglo-saxon nous serait probablement plus bénéfique, leur élite est beaucoup plus universelle et beaucoup plus respectueuse des principes de liberté d'expression.
Cependant, le vrai problème de l'Algérie pour le moment n'est pas celui de la langue, mais celui du savoir et de sa distribution. Les librairies sont quasi inexistantes en dehors d'Alger et mêmes les revues ou les bandes dessinées par exemple ne sont pas distribuées, plusieurs bureaux de tabac s'en plaignent. Pourtant, il existe une demande. Le sabotage de la culture et de la distribution du savoir, dans quelque langue que ce soit, n'a pas été l'œuvre de la France, il a été l'œuvre du gouvernement algérien à coups de censure et par une absence de politique culturelle pérenne. On se trompe d'ennemi quand on désigne la langue française du doigt. Faut-il rappeler, comme l'a fait Mehri, que l'apprentissage de la langue arabe était rendu «obligatoire pour tous les élèves sans distinction» en Algérie en 1961 par Charles de Gaulle ?
En fin de compte, le complexe du colonisé se trouve également du côté de celui qui rejette tout sur l'ancien colonisateur. C'est à l'élite arabophone qu'incombe le devoir de «développer, d'enrichir, de faire œuvre d'inventivité et d'adapter notre arabe à nos besoins actuels, en se l'appropriant» (3), comme l'écrit Soufiane Djilali. C'est en particulier le rôle des écrivains de faire évoluer la langue arabe, de la réconcilier avec l'arabe populaire (daridja), de traduire les grandes œuvres vers cette langue, y compris les œuvres algériennes de langue française. Dans son livre Les Croisades vues par les Arabes, Amin Maalouf rappelle que le refus de s'ouvrir aux idées venues d'Occident a fini par coûter cher aux musulmans. «Pour l'envahisseur», écrit-il, «apprendre la langue du peuple conquis est une habileté ; pour ce dernier, apprendre la langue du conquérant est une compromission, voire une trahison.
De fait, les Franj ont été nombreux à apprendre l'arabe alors que les habitants du pays, à l'exception de quelques chrétiens, sont demeurés imperméables aux langues des Occidentaux.» L'époque est différente, et pourtant les réactions humaines demeurent identiques. À nous d'apprendre des erreurs du passé, et poser enfin les bonnes questions.
F. L.
(*) Professeur de langue anglaise.
1) Abdelhamid Mehri, La langue arabe reprend sa place, Le Monde Diplomatique 1972.
2) Ibid.
3) Djilali Soufiane, Choc de la
Modernité : crise des valeurs et des croyances, Editions Jil Jadid, 2017, p.109.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.