Les parents, les enseignants, les encadreurs sont les premiers à interdire aux enfants de prononcer les gros mots, mais ils ne sont pas forcément les derniers à les employer. Ces grossièretés font partie du langage courant et, soyons francs, de notre vocabulaire quotidien : dans la rue, à l'école, dans l'administration, et à la maison, même si beaucoup ont du mal à le reconnaître. Toutes les franges de la société puisent dans un fonds commun. On retrouve les gros mots dans la bouche d'un cadre et dans celle d'un ouvrier. Ils font tomber le masque social. Ce langage devient courant. Certains font toujours pression pour qu'on ne prononce pas de grossièretés, mais elles sont bien là. «Le gros mot chasse les tensions nerveuses, et limite donc les agressions physiques. Il s'agit d'une agressivité verbalisée», nous déclare une sociologue exerçant en milieu scolaire. Pour cette spécialiste, «cet abus verbal débloque les émotions de colère. En fait, ça soulage, et ça fait du bien». De même que jadis, le gros mot était utilisé de la même façon. Ce qui évolue, en revanche, c'est le contexte dans lequel il est employé, comme, par exemple, chez les adolescents, en période de construction de soi. «Les gros mots, les jurons et les insultes, notamment à connotation sexuelle, font partie des moyens utilisés par les jeunes pour s'identifier.» Est-ce vraiment mauvais d'être grossier ? «Ça me paraît normal», nous répond une lycéenne rencontrée dans la rue. Quelle est ta réaction quand tu entends tes camarades dire des gros mots ? «Je ne le remarque même pas», réplique sa copine. À la même question, Mourad, en classe de terminale, répond : «Ça m'embête un peu, mais je l'accepte. On s'y habitue, quoi». Et d'enchaîner, «après tout, il y a des problèmes plus graves comme la drogue et les psychotropes. En plus, tout le monde dit des grossièretés ! On ne tient plus compte des sentiments des autres.» «Sincèrement, des fois je me demande si je m'abstiens de dire les gros mots, mes relations avec les autres pourraient-elles rester encore meilleures ?» s'interroge Ali, élève en 2e année secondaire dans un lycée du centre-ville de Guelma. Quoi qu'il en soit, «on peut choisir le meilleur style de s'exprimer, ce n'est pas toujours facile, mais il faut faire des efforts. Les grossièretés, c'est un comportement qu'on peut abandonner, et l'une des solutions pour couper court à cette mauvaise habitude est de montrer aux autres l'exemple», estime une psychologue clinicienne exerçant dans le secteur privé. Noureddine Guergour