Pour ce 44e vendredi de suite, depuis la révolte populaire du 22 février, les rues de la capitale des Hammadides ont été réinvesties, une nouvelle fois hier, par la protestation pacifique et d'une manière extraordinaire, à travers une imposante manifestation, pour réitérer l'exigence d'une rupture radicale avec l'ancien régime, le départ de tous ses symboles et surtout le refus de toute négociation avec le nouveau Président. En effet, c'est un véritable raz-de-marée humaine qui s'est déferlé, hier vendredi, en début de matinée sur la cité des Hammadites. L'esplanade de la maison de la culture Taos-Amrouche était pratiquement vide, vers les coups de dix heures du matin, avant que cette dernière ne se noircit de monde, quelques minutes plus tard, créant une ambiance particulière, à la fois festive et revendicative. Venus des quatre coins de la wilaya, les milliers de manifestants, femmes, hommes de tous âges et enfants, pour la majorité drapés de couleurs nationales et amazighes, n'ont, à aucun moment du parcours, cessé de fustiger le pouvoir, ayant «usurpé» la volonté et les voix du peuple pour imposer un président «illégitime». «Tebboune a prêté serment au palais, aujourd'hui, nous prêtons le nôtre dans la rue», avait brandi comme pancarte un marcheur lors de cette manifestation, alors qu'on pouvait lire sur une autre : «A eux El-Mouradia, à nous l'Algérie.» Les manifestants ont aussi réitéré l'appel à un processus constituant en tant qu'expression de la souveraineté nationale et surtout ont exclu tout contact avec le pouvoir. Tout en ignorant la dernière élection présidentielle, donnant Tebboune comme nouveau locataire d'El-Mouradia, les manifestants ont scandé des slogans hostiles aux dirigeants, exigeant la poursuite de la lutte pacifique, la libération des jeunes arrêtés pour le port de l'emblème amazigh, ainsi que de l'ensemble des détenus d'opinion, la non-reconnaissance du nouveau locataire d'El-Mouradia et rejetant toute idée de négocier avec ce dernier. D'autres mots d'ordre, réclamant le respect des libertés démocratiques et dénonçant, par ailleurs, les dizaines de blessures à l'œil, dont étaient victimes des jeunes, lors du scrutin présidentiel du 12 décembre dernier. «Nous sommes abasourdis et choqués par le comportement inhumain des services de sécurité ayant utilisé la manière forte en face de mains nues et pacifiques pour ensuite viser par des balles en caoutchouc des jeunes en pleins yeux, lors de cette journée cauchemardesque du 12 décembre dernier. Nous sommes aux côtés de ces jeunes. Certains risquent carrément la perte de vue. C'est honteux qu'un Algérien ôte la vue à son frère. Ce système doit être banni», clamait un activiste du Hirak local en direction de la foule. Par ailleurs, la ville d'Akbou a connu la même effervescence de manifestation et pour une 44e fois, les citoyens de la seconde ville de Béjaïa ont répondu présents aux appels du comité citoyen de la Soummam pour battre le pavé, appelant à un changement radical du système de gouvernance, au départ de toutes les figures de l'ancien régime et la libération de tous les détenus d'opinion. Kamel Gaci