«Desiderare » réunit deux artistes aux univers « intranquilles » dont les œuvres, bien que dissemblables, échangent des échos et des réminiscences. Fella Tamzali et Nawel Louerrad nous invitent à un voyage lumineux entre terre et astre. Ouverte aux Ateliers Sauvages jeudi dernier, l'exposition «Desiderare» (désir en latin) fait la jonction entre deux sensibilités artistiques qui interpellent et fascinent depuis plusieurs années. Comme de coutume dans cet espace artistique créé par Wassila Tamzali, les œuvres exposées sont issues d'une résidence de création de trois mois. Les pastels et les ocres anxiogènes de Fella côtoient donc l'encre et les huiles insaisissables de Nawel dans un univers halluciné qui aimante le regard. Ce qui captive dans l'exposition, c'est ce dialogue chuchotant entre deux «pratiques différentes», comme le souligne le texte de présentation, ce sont ces passerelles sensorielles reliant la plastique épurée de Fella Tamzali à la matière dense de Nawel Louerrad, c'est enfin cette attraction-répulsion confrontant les personnages aériens de l'une aux créatures surréalistes de l'autre. Des silhouettes, des hommes, des bêtes et des ombres s'étalent aux Ateliers Sauvages dans une atmosphère claustrale dont il semble émaner une odeur diffuse de pus et de fleurs. Les deux artistes ont décidé de tout nous montrer : œuvres finies, croquis, esquisse, études, etc., histoire de nous immerger dans le processus créatif et nous faire assister à la naissance de leur travail. Fella Tamzali oscille entre son style désormais reconnaissable (pastel, personnages dénudés, animaux, végétaux et scènes sacrificielles) et une nouvelle expérience avec des silhouettes désincarnées plongées dans un bain ocre. Elle crée ainsi une histoire fragmentaire où s'entrechoquent et s'enlacent des névroses et des catharsis, des abysses et des lumières et où surgit ponctuellement ce cri primitif d'un être en quête de rédemption. Nawel Louerrad, elle, poursuit et réinvente ses pérégrinations entamées dans « Regretter l'absence de l'astre » (Editions Dalimen, 2015) avec ses personnages néo-mythologiques et ses mises en scène troublantes où les ambiances de deuil et de tragédie se mêlent sans cesse à des situations irréelles, parfois même burlesques. Comme souvent, la bédéiste la plus inclassable de sa génération surprend et déroute le regardeur par des incursions improbables et des entorses à son propre style. Exemple : ce succulent détournement d'un tableau de Rembrandt (La leçon d'anatomie du docteur Tulp) dont elle affuble les personnages des oreilles de Mickey Mouse ! Elément racontant le risible et l'infantile, ces oreilles traîneront encore dans quelques autres dessins, comme pour casser ou surligner l'élan tragédien de l'œuvre. «Desiderare» est visible jusqu'au 11 juillet mais uniquement sur rendez-vous aux Ateliers Sauvages, sis au 44, rue Didouche-Mourad. Sarah H.