Par Pr Rachid Hanifi, ex-président du COA Saïd Amara, ancien joueur de la glorieuse équipe FLN de football et ancien sélectionneur national, est décédé cette semaine, rejoignant d'autres compagnons à l'instar de Zitouni, Bouchouk, Boubekeur, Oualiken, Kermali, Abderrahmane Soukhane et plusieurs autres. Abdelkrim Kerroum, un des sept survivants de cette emblématique équipe, a lancé un cri de cœur, pour rassembler ces derniers et leur permettre de se revoir et d'évoquer ensemble les moments historiques qu'ils ont vécus, pour faire connaître au monde la justesse du combat mené par le peuple algérien pour recouvrer sa souveraineté et sa dignité. Les dirigeants de la Révolution, conscients de l'importance du sport en général et du football en particulier, pour sensibiliser les nations à la légitimité de la lutte pour l'indépendance de l'Algérie, avaient chargé Mohamed Boumezrag, cadre du sport en France, de préparer une sélection de joueurs algériens évoluant dans des clubs professionnels français, la motivation politique étant confiée à Mohamed Allam. Les contacts étaient menés par le premier nommé, dans la discrétion la plus totale, afin de ne pas éveiller des soupçons chez les dirigeants français et exposer les joueurs à de gros risques, à la fois pour leur carrière et leur liberté. Le choix de se rejoindre à Tunis le 13 avril 1958 était motivé par la présence, dans cette ville, du GPRA et de son Président, Ferhat Abbès, qui réservera à l'équipe un accueil hautement politique, soutenu par le Président Tunisien Habib Bourguiba. La désertion des footballeurs algériens avait fait l'effet d'une véritable bombe, du fait de leur statut dans leurs clubs respectifs, surtout que trois d'entre eux (Mustapha Zitouni, Abdelaziz Bentifour et Rachid Mekhloufi) étaient présélectionnés en équipe de France pour la Coupe du monde 1958 en Suède. Le courage et l'engagement de ces valeureux joueurs avaient été admirés par certains de leurs coéquipiers tels que Raymon Kopa, Just Fontaine et Roger Piantoni, qui ont même adressé une carte postale de soutien à Mustapha Zitouni, à partir de la Suède. Le onze de l'indépendance, tel qu'on les surnommait, a réalisé 90 rencontres à travers les continents africain, asiatique et européen, suscitant à la fois l'admiration et le respect, poussant le Président Ferhat Abbès à leur dire : «Vous venez de faire avancer la Révolution de dix ans.» Les responsables politiques de la lutte pour l'indépendance de notre pays, qui avaient convaincu la majorité des joueurs professionnels évoluant en France, avaient également fait preuve d'une grande tolérance à l'égard de quelques joueurs qui avaient décliné l'invitation, à l'instar de Salah Djebaïli, Kader Firoud, Ahmed Arab ou Mahi Khennane, pour des raisons probablement compréhensibles, puisque chacun d'eux a pu être sollicité, après l'indépendance, pour des missions importantes. L'équipe FLN de football qui avait joué un rôle à la fois sportif et diplomatique restera gravée dans les mémoires nationale et internationale. Elle a même fait l'objet d'un documentaire français et d'une thèse par l'historien du sport Stanislas Frenkiel au niveau international, ce qui témoigne de la reconnaissance et du respect pour cet acte de dévouement inédit de la part d'acteurs sportifs qui avaient accepté de renoncer à des carrières confortables et, pour certains, à une participation à l'événement planétaire que représentait la Coupe du monde de 1958. Cette attitude de bravoure et de patriotisme ne doit pas être effacée de la mémoire des Algériens, avec la disparition physique naturelle des joueurs qui ont composé cette glorieuse équipe. Elle doit rester un exemple de moralité pour les générations futures du sport national en général et du football en particulier. C'est à ce titre, que j'avais suggéré, en qualité de président du Comité olympique algérien (COA), de pérenniser la Fondation FLN de football, en l'intégrant dans le musée olympique qui était en projet, lors de mon mandat. Les anciens de cette équipe qui avaient créé la fondation avaient trouvé l'idée intéressante, notamment Rachid Mekhloufi qui m'avait rappelé quelques jours après pour me féliciter d'avoir eu cette idée à laquelle il adhérait totalement, car elle assurait la pérennité de la fondation à travers celle de l'instance olympique. J'avais alors introduit, auprès de la chefferie du gouvernement, une demande d'acquisition d'un terrain désaffecté, situé face à la salle Harcha, dans la commune de Belouizdad, afin d'ériger le siège du musée et de l'académie olympiques. La demande, argumentée par mes soins, lors d'une réunion du conseil de participation présidée par M. Ahmed Ouyahia, Premier ministre, a fait l'objet d'une réponse positive unanime, s'agissant d'un projet historique dans le monde du sport, avec l'affectation du terrain au dinar symbolique. Je me réjouis aujourd'hui de voir l'édifice du musée bâti par mon successeur sur ce terrain. Je pense qu'il serait à la fois intéressant pour la famille sportive et légitime pour la Fondation FLN de football, que cette dernière trouve sa place dans le bâtiment historique, afin de lui assurer une existence pérenne et lui permettre de jouer un rôle dans les activités de moralisation et de valorisation de la pratique sportive. À ce titre, la fondation pourrait être sollicitée pour les récompenses de fair-play individuel et collectif, de travaux scientifiques dans le domaine du sport, de valorisation de disciplines sportives à caractère culturel, d'éducation éthique et morale, etc. Les acteurs encore en vie de cette glorieuse équipe mériteraient d'assister à la concrétisation d'un tel projet et d'initier quelques-unes de ces actions, car ils sont âgés et appelés tout naturellement à rejoindre leurs anciens coéquipiers, comme tout être mortel. J'ai eu le privilège de connaître et de côtoyer plusieurs de ces anciens joueurs, dans le cadre de mes activités auprès de l'équipe nationale de football, de la Fédération algérienne de football et du Comité olympique algérien, ce qui m'a permis d'apprécier la profondeur de leur sincérité et de leur engagement pour le pays. Je m'étais senti particulièrement fier, lorsqu'accueillant à l'aéroport d'Alger, en 2010, en qualité de président du COA, les joueurs de l'équipe de France, championne du monde 1998, j'entendis l'entraîneur Aimé Jacquet dire : «Est-ce que notre maître est là ?», évoquant Rachid Mekhloufi. Une telle reconnaissance de la part d'un entraîneur auréolé du titre de champion du monde valorise encore davantage la portée de l'engagement de ce joueur et de ses camarades pour la dignité algérienne et devrait interpeller les responsables du sport pour insérer l'image de ces glorieux footballeurs dans la mémoire collective des Algériens. L'hommage le plus valorisant qu'il serait souhaitable de rendre aux sept survivants de l'équipe FLN de football, et à travers eux à l'ensemble de ceux qui, par leur engagement patriotique, ont aidé la Révolution par la diplomatie sportive, serait de réserver à la fondation représentative une place privilégiée et pérenne dans le musée olympique. Une telle action honorerait l'édifice historique du sport et répondrait de façon forte à l'appel du cœur de notre ami Abdelkrim Kerroum. R. H.
