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Conversations avec Messaoud Babadji
Publié dans Le Soir d'Algérie le 04 - 10 - 2020

L'ami très cher Messaoud Babadji vient de nous quitter à Oran. Il laisse un grand vide dans sa famille, parmi ses amis et les militants du progrès. Nous avons eu l'honneur et le bonheur de l'approcher. Nous avons réalisé du travail ensemble. Lorsqu'à Oran, nous menions une enquête journalistique sur la « gauche algérienne », il était de ceux qu'il fallait absolument interviewer du fait qu'il était de tous les combats. Puis, de nouveau, pour un reportage sur le Hirak, dans lequel il était impliqué. Il a été interpellé par la police au 52e vendredi du Hirak.
En guise d'hommage et de reconnaissance à ce pur, nous publions ses propos sur la gauche et sur le Hirak. C'est une façon de prolonger la parole et le combat d'un homme éclairé et constant dans ses convictions et ses actes.
Les paroles qui suivent donnent sens à son engagement continu, lucide et empreint de modestie.
En août 2018, nous lui avions demandé son avis sur la « gauche ». Voici sa réponse :
« Le concept de gauche, je l'utilise rarement. Je voudrais bien savoir ce qu'on entend par là. On l'a hérité des pays développés, les pays capitalistes.
Le concept de gauche se pose par rapport à la distribution des richesses. À l'origine « gauche » voulait désigner la force qui œuvrait à réaliser le progrès social.
Chez nous, par rapport à l'état de notre situation nationale, par rapport à ce que nous vivons, qu'est-ce que cela veut dire « être de gauche » ? Si cela désigne les forces du changement, oui. Dans ce cas, c'est très large. Mais le changement de quoi et vers quoi ?
Là, on est obligé de qualifier le système dans lequel nous vivons. Nous sommes tous d'accord que, sur le plan économique, nous sommes dans un système qui se limite à exploiter des richesses naturelles. Cela s'appelle un système rentier. Nous ne produisons pas de richesses. Et pour cela, nous ne pouvons pas poser la deuxième question qui est celle de la répartition des richesses.
Le changement, aujourd'hui, c'est de mettre fin à un système de rente capté par une oligarchie. Et en deuxième lieu, planter les graines d'une démocratie avec comme valeurs, les libertés publiques, les droits de l'Homme.
Donc, si le mot gauche veut dire les ‘'forces du changement ‘', nous sommes très nombreux à l'intérieur à y être favorables. »
La ressemblance troublante : Hirak et 1er Novembre
Les propos qui suivent, tenus plusieurs mois avant le Hirak, nous avaient, de prime abord, troublés. Mais dès le début du Hirak, il a bien fallu reconnaître que Messaoud Babadji avait raison. Le Hirak se revendique de l'épopée nationaliste du 1er Novembre.
« Aujourd'hui, on est comme à la veille de 1954 : quelle est la mission ? 1- C'est de remettre en cause le système rentier et donc de nous battre pour un système économique de production des richesses. 2- Se battre pour la démocratie, ce qui revient à dire qu'il faut créer un mouvement qui soit porteur de ces idées autour des notions de libertés démocratiques et de droit. »
Sur le mouvement altermondialiste et le Forum social, auquel Messaoud Babadji s'était intéressé en tant qu'alternative à l'extension mondialiste du capitalisme financier.
« Je n'en avais aucune idée mais lorsque j'ai lu leur Charte, j'ai adhéré sur deux points : 1- La défense des services publics et je me dis que chez nous la justice sociale, c'est d'abord la défense des services publics. 2- Les libertés et droits de l'Homme. »
Comme tous les militants progressistes, Messaoud Babadji ne faisait pas l'économie d'une réflexion sur l'idéologie et les instruments de lutte. Mais qu'en est-il du marxisme aujourd'hui ?
« Je me sens marxiste mais je n'ai pas besoin de le proclamer. J'ai été militant du PAGS de 1977 jusqu'en 1996, puis j'ai fait un petit parcours au RCD, après quoi j'ai compris que je ne pouvais pas être utile dans un parti. J'ai repris mon indépendance. »
Sur le Hirak, auquel il a tout de suite adhéré, et que d'une certaine manière, il avait prévu :
« Il se trouve que le Hirak a débuté la semaine où j'ai eu des soucis de santé. Je me rappelle que j'ai essayé, quelques jours avant, de savoir qui était derrière l'appel ‘' anonyme ‘' à la sortie du premier vendredi. Automatiquement, j'ai pensé que ça pouvait être des islamistes. Ce vendredi donc, je suis sorti dans mon quartier (à côté de la Cinémathèque, à Oran) pour voir. J'ai été surpris de constater que les premiers groupes étaient constitués de jeunes que j'ai connus dans le mouvement associatif. Beaucoup parmi eux, déjà au courant de mes soucis de santé, sont sortis de la marche pour me saluer et avoir des nouvelles.
Depuis, j'en fais partie. Je ne m'attendais pas à cette forme d'action et loin de penser qu'elle allait atteindre ces proportions. Pourtant, quelque temps avant, avec les amis de la Ligue des droits de l'Homme, on avait appelé à un rassemblement pour dénoncer les violations. Nous nous sommes retrouvés une cinquantaine de manifestants, entourés par une centaine de policiers en tenue. »
La suite du Hirak
« Il est clair qu'au troisième et quatrième vendredi, mes amis les plus proches (militants) étaient du mouvement et lui imprégnaient « l'esprit des droits de l'Homme ». Au fur est à mesure, les différents carrés (la ligue, féministe, quelques militants de parti comme le RCD et le MDS) se sont rapprochés au point d'isoler les groupuscules de Hamas.
Les drapeaux amazighs ont fait leur apparition dès le début du mois de mai (2019). Objet de curiosité au début, ils seront des centaines, plus tard, et aucun incident n'a été provoqué avec les manifestants ‘' non kabyles ‘'. Personnellement, je l'ai porté jusqu'à « l'interdiction » et je continue à le déployer autant que possible. »
Sur le vocable Hirak :
« Dès le début, j'ai reçu positivement le mot ‘' Hirak ‘'. Premièrement, parce que j'ai suivi ce qui s'est passé en Tunisie et au Maroc et j'ai trouvé que cette appellation était « nord-africaine ». Deuxièmement, je me rappelle que j'expliquais, dès le début, autour de moi, qu'elle me rappelait l'expression espagnole ‘' La Movida ‘', développée après la mort de Franco.
Movida résumait à la fois ‘' le mouvement et la vie ‘'. Pour moi Hirak et Movida expriment le même esprit et le même idéal.
Le mouvement Hirak, de par ses mots d'ordre, ses slogans, les questions qu'il soulève, est une continuité du projet de construction d'une République algérienne démocratique et sociale. »
Messaoud Babadji était professeur de droit et il avait une pratique de constitutionnaliste.
« L'état-major à travers Gaïd Salah est le pouvoir réel de l'Etat. A mon avis, l'histoire lui impose, tôt ou tard, de parachever la construction de cette république. L'armée doit reprendre sa place en tant qu'institution et ne peut être un pouvoir au sens constitutionnel d'un Etat moderne où on connaît les trois pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.
Toutes les mesures actuelles ou à venir s'inscriront dans ce sens. Une question de temps. »

Sur le pacifisme du mouvement
« Je voudrais revenir sur un aspect important, à savoir le caractère pacifique du mouvement. Ma conviction est que ce mouvement réussira parce qu'il a su éviter la division ‘' régionaliste ‘' et surtout parce qu'il a imposé la non-violence (Silmya).
Des différentes expériences du passé (Avril 1980, Octobre 1988, Printemps 2001...), le pouvoir (armée) a joué sur l'anti-kabylisme et usé de la violence pour casser les mouvements sociaux. Même la gestion du mouvement des ‘' arrouch ‘' en 2001 n'y avait pas échappé. On se rappelle, sur fond de violence, de la division entre dialoguistes et non dialoguistes, d'un côté et la corruption d'autres, d'un autre côté. »
Messaoud Babadji était aussi professeur et formateur. Il était à l'écoute des jeunes, à l'université comme dans le milieu associatif oranais, où il était actif. Vu les hommages que lui rendent de nombreux jeunes militants, la transmission est assurée.
A. M.
N. B. : en ces douloureuses circonstances, je présente mes condoléances les plus attristées à Secoura, son épouse, Tafsut, sa fille, et Rafik, son fils, ainsi qu'à sa très nombreuse famille et à ses amis et camarades. Un pur s'en va ! Paix à ton âme !


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