Le wali d'Oran a reçu l'enseignante qu'il avait brutalement rabrouée il y a quelques jours alors qu'elle relevait la vétusté du mobilier scolaire de son établissement dont elle disait qu'il datait de l'époque coloniale. L'APS ne nous dit pas avec précision la teneur et les objectifs — s'il y en a — de cette audience, mais on peut aisément en deviner l'essentiel. Mais si les Algériens sont obligés de... deviner, c'est parce qu'on ne peut pas leur dire ce qu'ils veulent entendre : que le commis de l'Etat fasse amende honorable d'abord sur le fond de la question : une enseignante qui parle au premier responsable régional de son école a tout à fait le droit de dire ce qui ne va pas. Plus qu'un droit, c'est un devoir, sinon, elle serait une professeure indigne et complaisante, voire complice. Et qu'une enseignante est libre de son argumentaire comme du choix de ses mots. Ne parlons même pas de la désespérante inélégance de Monsieur le wali, c'est manifestement trop demander. On sait seulement qu'il s'agissait de «détendre» les choses, sans que cela en coûte à quelqu'un. Et puis voilà, tout rentre dans l'ordre, surtout que bien avant ce rendez-vous, tout le monde de l'éducation locale a été déployé pour doter l'établissement en question d'un mobilier flambant neuf. C'est déjà ça de pris, à quelque chose malheur est bon, n'est-ce pas ? Le même jour, le ministre de la Jeunesse et des Sports publiait une vidéo en réaction à la vague d'indignation suscitée par son propos, au moment où il faisait la promotion de la nouvelle Constitution et du référendum qui va servir à son adoption. Comme pour le wali d'Oran, il n'était pas question de s'excuser pour Monsieur le ministre, mais seulement pour dire qu'il était mal... compris. Le procédé est vieux comme le «monde Algérie». Depuis le temps qu'on... explique les discours du Président, tous les responsables ont appris à dire que leur propos n'a pas été saisi dans le sens qu'ils l'entendaient. Ils disent des atrocités en arabe ou en français, puis ils viennent, non pas s'excuser, mais nous dire que nous les avons mal interprétées, comme s'ils avaient exprimé ça dans le mors ou le langage des signes ! Parfois, ils poussent le culot jusqu'à en accabler tous ceux qui en ont été irrités, les accusant ainsi d'avoir perverti leur parole ! Le ministre de la Jeunesse et des Sports a donc «explicité» son propos : «Je m'adressais à ceux que la déclaration du 1er-Novembre dérange», sans nous dire qui sont ces gens-là et surtout pourquoi la liaison entre la proclamation historique et une révision constitutionnelle serait évidente et sacrée au point qu'un ministre peut se donner le droit de sommer tous ceux qui n'en sont pas convaincus de quitter le pays ! Ainsi, dans le cas du wali d'Oran comme dans celui du MJS, le fond est dans le premier propos. Quant à la réaction et à l'indignation populaire que cela a suscité, elle relève d'une formalité qui n'est pas seulement sans incidence. Sur l'essentiel, l'arrimage du 1er Novembre 1954 avec le 1er novembre 2020 continue et comme ses promoteurs ont besoin d'adversité pour y aller de leur zèle, ils vont encore en trouver. Avant de venir encore expliquer qu'ils ont été mal compris ! S. L.