L'« avantage » avec la pandémie de Covid-19, c'est qu'elle nous fait oublier toutes autres maladies. C'est léger, c'est nonchalant, c'est même farfelu quelque part mais que voulez-vous, ça contient une part de vérité et en ces temps de disette en tout, ça suffit à en faire un sujet. Tenez, hier, 1er décembre, c'était la Journée internationale de lutte contre le sida. Est-ce que vous avez eu la présence d'esprit de vous arrêter à « c'était », ce qui veut dire que la journée est terminée et fait déjà partie du passé jusqu'à l'arrivée de la prochaine journée ? Bien sûr, qu'il y en a qui y ont pensé. Il y en a même qui, plus perspicaces que tout le monde, se sont arrêtés avant ça. Comme d'habitude, ils ont d'abord ricané sur la formule « générique » dont la drôlerie n'est pas le moindre des mérites. Il suffit de parcourir la longue, la très longue, l'interminable liste des journées internationales - ou mondiales, c'est selon la capricieuse inspiration de l'inventeur du jour - pour s'offrir, à moindre coût, un franc sourire, sinon un rire aux éclats. Ce n'est pas la peine d'énumérer ici des exemples pour l'illustration, il y en a trop mais sachez que ça peut aller de la journée internationale du sucre roux à la journée mondiale de la sexualité chez les fourmis rouges de Papouasie du Nord. Restons sages tout de même et restons sur l'actualité. C'est pompé quelque part, le genre de truc que vous n'êtes pas obligé de citer, si vous voyez de quoi il s'agit : « l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, l'Onusida appelle les pays à intensifier leur action mondiale contre le VIH pour 2025. Le rapport a été publié en amont, dès jeudi. La riposte mondiale au sida n'était pas sur la bonne voie avant même que la pandémie de Covid-19 ne frappe, mais la propagation du coronavirus a créé des revers supplémentaires... Les objectifs 2020 ne seront pas atteints, même si certains pays d'Afrique subsaharienne, comme le Botswana et le Swaziland, les ont même dépassés. Ces objectifs 2020 se résument par la formule 90-90-90 : que 90% des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut, que 90% de ces dernières soient sous traitement, et que parmi celles-ci, 90% aient une charge virale indétectable ». C'est trop sérieux, trop précis et surtout trop sincère pour une « journée mondiale » ? C'est possible. En Algérie, on sait comment on combat le sida, des décennies avant le coronavirus et il serait étonnant que les choses aient changé depuis. Enfin, il se peut qu'elles aient changé en pire. Il y a des années, le sida, c'est généralement dans les villes du Grand Sud qu'on le « rangeait », pour nous dire que c'est à cause des « migrants subsahariens ». Quand il y a une « fuite » de l'hôpital Mustapha ou d'un autre hosto de grande ville, le malade a évidemment contracté la saloperie en Europe. Et quand on a interrogé des étudiantes d'une résidence universitaire sur le sida, beaucoup d'entre elles avaient répondu qu'il faut se protéger en prenant la... pilule contraceptive ! Les « experts » invités à la télé parlent de la maladie en disant le mot en... anglais, juste pour ne pas avoir à prononcer le terme « sida ». Et si vous vous amusez à demander des préservatifs « normalement » dans une pharmacie, il arrive souvent que le préposé à la vente vous somme d'être... plus discret ! Si avec ça, on vient à bout du sida, c'est qu'il y a problème, avec ou sans le coronavirus. S. L.