Dans l'embrouillamini causé déjà en soi par le cours normal des choses et aggravé substantiellement par la pandémie, comment trouver à inaugurer une année nouvelle sans céder à la morosité et au pessimisme que celle qui vient de finir inspire et enracine ? Eh bien, il faut chercher les clés pour laisser filtrer, dans nos cerveaux embrumés, des rais d'espoir. La fonction d'écriture n'est-elle pas, telle que définie par Amin Malouf, comme une stimulation au bonheur car, a contrario, « Le désespoir ne mène à rien ». Pire : « Propager le désespoir est irresponsable et destructeur .» Thérapie personnelle ? Le chroniqueur dont les livres de Cioran, le philosophe suspendu aux Cimes du désespoir, garnissent plusieurs rayons de la bibliothèque, cherche des ouvrages qui rendent le goût des choses et des raisons d'espérer en un monde meilleur et en un pays aussi délicieux qu'il pourrait l'être, vu ses divers atouts. Vite, donc, des lectures optimistes ! On tombe tour à tour sur Anti-suicide, mode d'emploi de Nadia Nadège. Le bouquin date de 1988 mais il semble imprescriptible par la validité d'un propos qui préconise de se prendre en main quand tout va mal. Intemporel ! Un bien contre un mal, c'est tout le marché de l'optimisme. En voilà un autre, d'opus : Le petit livre de l'optimisme. Lui aussi, il date. Il est de 2001. Il nous donne les pistes pour rester zen quand tout s'effondre. Classique vade-mecum contre la morosité. Il est d'une certaine Liane Beaurepaire. Pas à dire : rien que le patronyme de l'auteure te requinque le candidat à la déprime ! Au milieu du rayon, le summum du genre : « Les cinq clés du comportement, changer en mieux, tout déprimé est un bien portant qui s'ignore. Ou comment construire soi-même son optimisme. » Le nom de l'auteur ? Ça ne s'invente pas : Michel Lejoyeux. Ce best-seller du genre date de 2015. C'est un travail scientifique, — l'auteur étant psychiatre et addictologue —, et non pas une de ces publications écumeuses qui surfent sur un besoin légitime, celui de se sentir bien. D'autres bouquins ? Comment rester serein quand tout s'effondre ? d'un certain Fabrice Midal, paru en septembre 2020. L'argumentaire le présente comme le livre de l'espoir et de la guérison. Après ce rapide balayage de l'œil du rayon de l'espoir d'une bibliothèque habitée par la perplexité, pour ne pas dire par le doute, le chroniqueur se sent légèrement mieux. Oui car tout se passe dans la tête, en fait. Ce n'est pas le réel lui-même qui est encourageant ou décourageant mais la lecture qu'on en fait. Antonio Gramsci, qui a fait de la taule comme en font en ce moment même Khaled Drareni et les autres, écrivait du fond de sa cellule : « Je suis pessimiste par l'intelligence mais optimiste par la volonté .» On décode ceci : la situation est difficile, mais ma volonté me permet de penser pouvoir la rendre abordable. Mais attention aux pièges des bibliothèques! Contrairement à ce qu'indique le titre de l'ouvrage bien connu de Voltaire, Candide ou l'optimisme, le philosophe des Lumières déteste en fait cette idée vaporeuse qui a pour nom optimisme. Dans sa quête du bonheur contre les aléas du destin et la folie des hommes, Candide, le personnage du contre, incarne le fourvoiement sur le chemin d'une désillusion. Le conte philosophique règle les comptes de Voltaire avec l'optimisme du philosophe allemand Leibniz pour qui, grâce à Dieu, « tout est bien ». Des aventures mènent le jeune Candide à finir par abandonner son optimisme et se retirer pour « cultiver son jardin ». Alors tournons-nous plutôt du côté du philosophe Alain et de ses Propos sur le bonheur. « Le pessimisme est d'humeur, l'optimisme est de volonté », écrit-il. Ce que ne nierait pas Jean d'Ormesson que l'on a longtemps considéré, peut-être à tort, comme l'écrivain du bonheur et que Jean Ferrat tenait, lui, preuves connues à l'appui, pour un partisan de la guerre colonialiste en Indochine. Fort de ces leçons d'optimisme, passons à la pratique et cherchons les raisons d'espérer en l'année 2021 ? Surtout dans notre pays, en proie à plusieurs virus en même temps. La Covid-19, qui a ravagé le monde et permis à beaucoup de pouvoirs de raffermir l'autoritarisme sur la société, la Covid donc trouvera sur son chemin, en cette année 2021, un vaccin. Pour la première fois dans l'Histoire, un vaccin est conçu en moins d'une année. Cette découverte ruissellera sur nous, en Algérie, et on en profitera et c'est tant mieux. Notre sort est réglé sur les prouesses des pays développés et sur notre capacité à produire du cash. Restent les raisons d'être optimiste, en dehors de la pandémie. Du point de vue politique, difficile de l'être si on est pour le changement. Ce n'est pas, bien sûr, du pessimisme car il y a une façon optimiste de voir cet avenir immédiat. C'est en associant la volonté populaire qui s'est exprimée pendant plus d'une année dans le mouvement citoyen à la concertation réelle pour construire une alternative au système qui se nourrit du feu de sa propre consumation. A. M.
