Djamel Eddine El Afghani, le maître de l'Egyptien Mohamed Abdou (qui finira par être récupéré par les maîtres de l'époque), ne s'en remettra pas au vu des événements dramatiques que vit son pays. C'est le chaos à la place de la renaissance. Kaboul, la capitale perdue, est reprise, les Talibans exultent. Les puissances militaires occidentales ont perdu la bataille. Le départ précipité des troupes, puissamment armées, américaines et russes, s'apparente à une débâcle, digne des grandes guerres. El Afghani et Abdou ont séjourné longtemps en Europe et étaient donc en contact direct avec la civilisation de cet Occident impie. Ils prônaient « Ennahda », une réforme de l'Islam, afin que le monde musulman soit en adéquation avec le monde moderne. C'était au début du siècle dernier. Les puissances impériales d'Europe avaient la haute main sur tous les pays d'obédience musulmane. La domination durera des siècles, mais qui, surtout, faisait des musulmans de l'Orient, de l'Asie et de l'Afrique des sous-hommes corvéables à merci. Le maître et l'élève voulaient aider à briser les chaînes de la servitude. Mais la dynamique enclenchée leur échappera totalement pour se transformer en machine infernale, hors contrôle. Des décennies après, ce réveil des musulmans tant attendu et souhaité de tous leurs vœux va éclater en de nombreuses tendances sous la forme d'organisations politiques rivales, qui évolueront au gré des conjonctures. Chacun des partis politiques n'a d'objectif que celui d'imposer son hégémonie absolue, au nom d'un « Islam authentique », purifié de toutes les déviations, la Charia comme unique référence. C'est la porte ouverte à toutes les horreurs. De quoi faire retourner Djamel Eddine El Afghani dans sa tombe. Les luttes pour le pouvoir en Afghanistan est l'exemple type de la division des mouvements islamistes. Infiltration, instrumentalisation sont les moyens de riposte des services de sécurité, de la CIA en particulier et, accessoirement, ceux de la France en Afrique. Cette atomisation du mouvement de l'Islam politique va, paradoxalement, profiter aux puissances anciennes et nouvelles qui planifieront leur destruction par tous les moyens, y compris à les pousser à s'entre-tuer. C'est ce que nous voyons en mode clair, justement en Afghanistan, au Proche et Moyen-Orient, en Afrique, dans les pays sahélo-sahariens, voire sur la côte Atlantique, au Nigeria. Etat islamique, Daesh, Al Qaïda, Boko Haram, les Talibans et une constellation d'organisations islamistes, qui font du terrorisme la voie royale pour imposer leur ordre. Ce qui est aussi frappant, ce sont leurs divisions et leur incapacité congénitale à se hisser au niveau de responsabilité étatique. Le cas d'Ennahdha en Tunisie est édifiant. La prise de Kaboul, ce lundi 6 août, marque un nouveau tournant. L'Afghanistan, « talibanisé », va aggraver l'instabilité dans ce pays enclavé, adossé à plusieurs ex-républiques soviétiques, le Pakistan et l'Iran. Les équilibres géostratégiques, où tant d'intérêts s'entrechoquent, risquent de voler en éclats. La Chine, la Russie, voire l'Iran voudraient en profiter et se perdent en « salamalecs » avec les nouveaux maîtres de Kaboul. Déjà les derniers événements ont produit une onde de choc dans l'establishment américain, en Grande-Bretagne, anciennement maîtresse des lieux, et les autres capitales de l'Europe. Le téléphone n'arrête pas de sonner dans les bureaux des « Number One ». Il reste de savoir ce que cache le retrait précipité des soldats US. Brahim Taouchichet