En 2011, Karim Younès avait publié un premier essai très instructif et que le lectorat féru de ce genre d'ouvrage avait accueilli comme une bouffée d'oxygène. Avec De la Numidie à l'Algérie, grandeurs et ruptures, l'auteur venait de signer un livre de grande valeur intellectuelle. De quoi mettre l'eau à la bouche d'un lectorat qui attendra avec intérêt la sortie d'un second ouvrage. C'est désormais chose faite, l'homme politique et homme de culture est aujourd'hui au rendez-vous. Son nouveau livre intitulé Aux portes de l'avenir ; vingt siècles de résistance, cinquante ans d'indépendance sera très bientôt disponible en librairie. Il sera déjà mis en exposition-vente au stand de Casbah Editions, à l'occasion du 18e Salon du livre d'Alger (Sila). Karim Younès y dédicacera d'ailleurs son ouvrage le 4 novembre prochain, une contribution qu'il dédie naturellement au cinquantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie et à tous les lecteurs passionnés de vrais débats d'idées. Dans ce livre sur l'histoire de l'Algérie, depuis Massinissa le fondateur du premier Etat numide, jusqu'à aujourd'hui, Karim Younès prolonge et approfondit la réflexion qu'il avait développée dans son premier essai. Une véritable rétrospective sur plus de deux mille ans d'une histoire riche et tumultueuse et qui, au bout du compte, aide à aborder le futur plus sereinement. Le lecteur, enfin éclairé sur son passé lointain ou récent, se retrouve comme apaisé, plus sûr de lui. Désormais, il sait d'où il vient ; il redécouvre son identité, apprend à mieux connaître ses forces et ses faiblesses. Il saura, surtout, à quelle bonne porte de l'avenir frapper, car enfin réconcilié avec son image dans le miroir. Les pistes n'étant plus brouillées, il pourra entrer dans le XXIe siècle avec confiance et d'un pas résolu... Pour contribuer, justement, à une vision (ou un projet) politique qui arrimerait l'Algérie au convoi des nations en phase avec leur siècle, Karim Younès propose de tirer les leçons du passé et de tout ce qui a fait la grandeur et la décadence de notre pays. Cette analyse objective, d'une grande lucidité, comprend aussi le bilan de cinquante ans d'indépendance. Lequel bilan, sans concessions, dénonce les errements et la cécité d'un système générateur d'une crise profonde et multidimensionnelle, à commencer par la crise de confiance entre dirigeants et gouvernés. ; Pourtant, tout au long des multiples phases de construction de l'Etat-nation, et dans un cycle infernal de construction-destruction, les pages glorieuses écrites par le peuple algérien depuis 2000 ans sont nombreuses. La dernière séquence — celle de la guerre de libération — illustre à elle seule à quel point une conscience politique nationale a existé de tout temps. «Nous sommes les héritiers de cette histoire tourmentée, riche et prestigieuse, parfois sanglante, souvent héroïque», écrit l'auteur dans son avant-propos. Cette histoire-là, ajoute Karim Younès, il nous faut la revisiter. «Pour bien connaître notre passé, ainsi nous comprendrons mieux notre présent et nous oserons un regard meilleur vers des horizons plus conformes à nos aspirations», espère-t-il de cette nécessaire immersion. Marquer pareille halte à l'occasion du cinquantenaire permet surtout de se projeter vers le futur. Après l'heure des bilans, il s'agit de questionner cet avenir qui nous interpelle. «Comment préparons-nous l'entrée de notre pays dans le siècle des innovations, dans celui des luttes pour l'existence, balayant le spectre de la maladie, de la famine, du mépris, de l'injustice et dee 'ignorance ? Sommes-nous à l'abri du statut des peuples ‘‘globalisés'' face à la coalition des puissants qui rythment le monde au gré de leurs intérêts exclusifs ?», s'interroge l'auteur. Malgré le désenchantement, les désillusions, la démission des élites, la fuite des cerveaux, le règne des prédateurs, la démobilisation de la société, les crises et les convulsions, l'histoire nous enseigne que le «mieux est (toujours) en nous». Aujourd'hui, nous dit Karim Younès, et sur un ton serein, «le destin se forge dans le rougeoiement des incendies, sous les nuages noirs de menaces, mais aussi sur une terre, au milieu d'un peuple riche de possibilités encore insoupçonnées mais que l'histoire révèle à qui sait la lire». L'avenir se construit donc au présent, à commencer par la libération de la parole et de l'écrit pour d'enrichissantes contributions au débat citoyen. En l'occurrence, les cinq parties qui composent l'ouvrage de Karim Younès pourraient nourrir, chacune, des milliers de débats fructueux. Certes, l'auteur se défend d'avoir fait œuvre d'historien, mais le résultat est là : cette rétrospective éclairée, minutieusement étudiée et très agréable à lire est une contribution majeure à l'écriture de l'histoire de l'Algérie. Son livre est celui d'un homme libre qui aime son pays et son peuple. Mohamed Gouali, qui a signé la préface, a d'ailleurs le mot juste lorsqu'il souligne que l'ouvrage de Karim Younès ouvre «une fenêtre de lumière et d'optimisme». Le lecteur, à la recherche d'air frais dans la production éditoriale trouvera, ici, quoi aspirer à pleins poumons. Hocine Tamou Karim Younès Aux portes de l'avenir ; vingt siècles de résistance, cinquante ans d'indépendance, Casbah Editions, Alger 2013, 304 pages.
