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L'entretien de la semaine
Dr NACIR BENHALLA, MAÎTRE DE CONFERENCES À L'UNIVERSITE D'ALGER 2, PSYCHOTHERAPEUTE, AU SOIRMAGAZINE : «Le fonctionnement phobique, chez les jeunes, indique la difficulté à s'adapt
Publié dans Le Soir d'Algérie le 06 - 12 - 2014

Docteur en psychologie clinique, chercheur, psychothérapeute en exercice depuis 1991, Nacir Benhalla nous donne son point de vue de spécialiste sur les malaises que vit notre société.
Soirmagazine : Dans vos travaux de recherche, vos communications, vous soulignez que les changements socioculturels ont, entre autres conséquences, généré un certain malaise psychique...
Dr Nacir Benhalla : Depuis l'indépendance du pays en 1962, la société algérienne est en perpétuelle mutation. Les multiples changements opérés laissent forcément des traces sur le fonctionnement psychique des individus, notamment lorsque certains bouleversements s'accompagnent d'instabilité. Parmi les transformations notables, celles générées par l'exode rural. A cela s'ajoutent l'accélération rapide de la scolarisation et l'industrialisation, deux facteurs déterminants dans les changements sociaux. Résultat, une nouvelle organisation sociale s'est installée et développée dans et autour des grandes villes, intégrant rapidement un mode de vie moderne en rupture avec le système traditionnel. Suite à un taux de natalité important favorisé par un certain confort de vie, la société algérienne a connu également un boom démographique. 
Dans cette société constituée majoritairement de jeunes, la nouvelle génération se distingue des aînés par des croyances et des habitudes différentes.
Ce sont là des jeunes pleins d'énergie et d'ambition. Des conflits intrinsèques naissent inévitablement. Souvent, le sujet jeune éprouve des difficultés à faire un choix : doit-il s'engager résolument dans la vie nouvelle imposée par la modernisation, ou doit-il en même temps tenir compte des traditions que perpétuent les parents ? L'éducation parentale joue ici un grand rôle dans l'atténuation des conflits parents-enfants. Mais il se trouve que de tels conflits sont exacerbés par la structure encore plus complexe de la société moderne. Loin d'être anodins, les conflits de générations — qui existent en réalité depuis toujours — peuvent provoquer des discordes au sein des familles. Il est en tout cas devenu difficile pour un enfant de la nouvelle génération de s'identifier à un père moins instruit que lui, moins en phase avec les exigences de la modernité. Les choses se compliquent lorsque le vécu psychique entraîne une souffrance mentale. On sait que l'enfant symptôme reflète le plus souvent un malaise du couple parental. On sait aussi que la souffrance d'une société est le résultat d'un malaise psychique vécu par les familles, par les parents et par les groupes sociaux... Si on adhère à cette idée, la conclusion coule de source : la souffrance de la personne adulte peut être également le symptôme d'un malaise social à plus grande échelle. Vécu socioculturel et malaise psychique s'imbriquent pour alimenter un fonctionnement pathologique.
L'expérience clinique confirme-t-elle l'ampleur du phénomène ?
- Il y a une dizaine d'années, nous avions réalisé une étude clinique sur 300 sujets consultants à Alger-Centre. Parmi les résultats obtenus, cette tendance : le jeune adulte célibataire consulte plus que les autres catégories et tranches d'âge ; le fonctionnement phobique en est le trait dominant. 
Le sens symbolique de la demande d'aide se résume, lui, en une crise de croissance. Autrement dit, le jeune adulte souffre d'un manque de maturité et recherche un modèle identificatoire. Une étude postérieure sur les représentations mentales de la masculinité et de la féminité en milieu estudiantin nous a également permis de mettre en évidence le registre phobique. 
De cette dernière recherche, il ressort que les hommes ont peur des femmes. Ils souhaitent retrouver en elles l'image de la mère, de la grande sœur, y voient rarement la partenaire. Le même processus est enregistré chez les femmes de l'étude : elles attendent de l'homme un soutien inconditionnel, comme le ferait un père ou un frère. Protection, étayage et soutien sont les variables qui caractérisent les représentations mentales d'un nombre important de la population d'étude, chez les deux sexes. 
Le diagnostic de fonctionnement phobique se dégage donc spontanément de ces travaux, diagnostic que confirme la consultation clinique au quotidien. Toutefois, il faut rester prudent quant au concept même de phobie. Il s'agit de réfléchir, par exemple, à comment évaluer cliniquement la phobie en tenant compte de certains paramètres tels les changements socioculturels. 
Le registre phobique peut, par ailleurs, prêter à confusion. Parce que la personne qui agit sous l'influence de ce registre dissimule, parfois, d'autres façades. Aussitôt qu'on enlève la couche superficielle du comportement, nous sommes surpris de découvrir, par exemple, des noyaux propres aux psychotiques, aux pervers... D'autres fois, une pensée magique alimentée par une couverture religieuse vient même s'y greffer et compliquer le diagnostic.
Est-ce parce que tout va trop vite, dans tous les domaines, que les gens n'arrivent pas à suivre le rythme ?
Une chose est sûre, la phobie peut être le signal d'un mal de vie, elle indique la difficulté à s'adapter. La recherche d'étayage sur le partenaire peut alors être vue comme une assurance d'un objet contre-phobique à même de garantir l'engagement de la personne dans une nouvelle relation.
Dans cet ordre d'idées, nous pouvons dire que la crainte psychique est nourrie par un sentiment d'insécurité mal intériorisé. Pareil sentiment ayant pris un aspect collectif dans notre société, cela pourrait être intimement lié à une carence de l'espace transitionnel. Or, cet espace reste l'un des éléments fondamentaux qui régissent le fonctionnement psychique de la personne.
 Il se consolide suite à des va-et-vient entre la mère et l'enfant, jusqu'au moment où le sujet devient autonome. Comme le souligne D. Winnicott, dans le cas où cet espace fait défaut, l'enfant «montre un appauvrissement de la capacité de faire des expériences dans le champ culturel ; cela signifie pour lui une perte dans l'aire de jeux et une perte de symboles riches de sens». 
D'autres mécanismes psychiques reposent sur cet élément important qu'est l'espace transitionnel. En particulier la notion «dedans-dehors», si importante pour l'équilibre, également utile dans la structuration et l'évolution de la personne. L'environnement familial, les relations enfant-mère et enfant-famille sont d'une importance capitale. 
A défaut d'un bon déroulement de cette relation, «le sujet se construit une armature musculaire, ou un faux soi, ou une illusoire paroi idéale, ou un crypte, ou une structure idéologique pour protéger sa sensorialité et sa sensibilité à vif», écrit André Anzieu. Tout porte à croire que ces mécanismes sont mal intégrés dans la psyché des sujets, notamment ceux qui sollicitent notre aide psychologique.  C'est l'une des raisons qui font que la personne, dès qu'elle quitte son milieu habituel, se retrouve face à deux
possibilités : ou bien la décompensation, ou alors le refuge dans une relation d'étayage qui n'obéit pas à une logique sociale ou relationnelle mais à de profondes positions inconscientes. Tout compte fait, cela laisse penser à une pathologie du narcissisme, où le besoin de dépendance est essentiel. 
Le clivage et le déni, mécanismes les plus utilisés dans ce type de pathologies, ne sont qu'une apparence chez les personnes qui nous consultent. Il s'agit plutôt d'une immaturité psycho-affective en quête d'un modèle à qui s'identifier. Dans la prise en charge des hommes adultes, ces éléments sont d'ailleurs apparents.  A tel point qu'il nous arrive parfois de rappeler les patients à la réalité ainsi déniée. Rappel qui engendre aussitôt un certain malaise. En réaction, les patients espacent les consultations ou mettent carrément fin à la psychothérapie. Il arrive aussi que le patient découvre un psy ne partageant pas les mêmes opinions que lui sur la religion ou la politique. Il agit de la même façon : il quitte le cadre à défaut de le déformer. Car il répond exactement à la formule «si tu n'es pas avec moi, tu es contre moi». C'est l'une des caractéristiques du clivage, un mécanisme qui dévoile un grand besoin d'étayage.
L'inhibition sexuelle n'est-elle pas le corollaire de cette immaturité psycho-affective que vous évoquez ?
Les théories de base expliquant le développement sexuel sont là pour nous rappeler, à chaque fois, que la pulsion libidinale, par exemple, cherche une voie d'expression. Peu importe les degrés de conformité de cette expression, l'essentiel est que la personne se débarrasse de la tension générée par cette pulsion. Mais les pulsions sexuelles, si elles ne sont pas soumises au nécessaire travail de secondarisation, peuvent échapper au contrôle et déraper vers n'importe quel drame. 
Dans notre société, la sexualité n'a le droit de s'exprimer que dans le cadre de la légitimité. La répression est frappante. Cela peut représenter un piège soigneusement inventé par le psychisme collectif. Le genre de piège qui résiste à toute interprétation. De sorte que le mariage peut s'avérer, par exemple chez certains névrosés, comme un moyen de maintenir le blocage interne. 
La clinique nous le montre parfois. Nous découvrons alors, non sans étonnement, comment une frigide s'arrange pour être avec un impuissant. Le but est de maintenir un véritable clivage entre désirs et culpabilité ! Et lorsque l'aspect culturel, en particulier la religion, s'en mêle, la psychothérapie est plus difficile à mener.  
A l'exemple de l'un de mes patients venu en consultation au motif que sa femme n'accepte d'avoir des relations sexuelles avec lui que dans le noir total, au prétexte que la religion l'interdit en pleine lumière. Il l'explique avec colère au cours d'une séance : «Cela veut dire tout simplement qu'elle pense à quelqu'un d'autre ! Moi je préfère lors des rapports sexuels, la regarder dans les yeux.»
La lutte contre l'angoisse de castration trouve ici, chez le patient, un véritable écho dans le refus de la partenaire de le regarder. 
La difficulté, pour le psychothérapeute, réside déjà dans la demande implicite du sujet à être propulsé vers le haut. En agissant ainsi, nous courons parfois le risque de nous substituer au père absent, peut-être même de favoriser une décompensation indésirable. Car, à vouloir enlever rapidement les défenses du sujet (surtout celles relatives à la religion), cela risque de le maintenir dans une relation de dépendance, ou encore de le lâcher sans préavis dans un milieu hostile. Dans les deux cas, la souffrance psychique persistera.


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