Le 1 janvier 2005, le dispositif des pr�retraites s'est arr�t� en France. Et les entreprises, habitu�es � fonctionner sans les salari�s �g�s, vont devoir leur faire une place. En France, les entreprises n'aiment pas les "vieux". Mais, depuis le 1er janvier 2005, elles vont apprendre � les ch�rir et � les garder. A cette date, fini les pr�retraites. Le dispositif qui a permis, durant des ann�es, de faire partir des cohortes de salari�s — dont l'�ge parfois ne d�passe gu�re 45 ans — s'arr�te. Tous les grands groupes, de l'automobile � la banque en passant par les transports ou l'agroalimentaire, ont abus� du syst�me pour r�duire leur masse salariale. A partir de janvier, le d�fi va s'inverser : il va falloir faire travailler plus longtemps les seniors. Pour les salari�s, le changement est �galement de taille. La r�forme des retraites impose un allongement progressif de la dur�e de cotisation et donc de la pr�sence au travail. Il faudra 42 annuit�s de cotisations pour esp�rer toucher une pension compl�te... Seulement, imaginer les bureaux et les ateliers repeupl�s en un rien de temps de quinquag�naires joyeux rel�ve pour l'instant d'une aimable plaisanterie. R�put�s peu productifs, consid�r�s comme chers � cause de leur anciennet�, peu adaptables aux r�gles de la concurrence mondiale et aux contraintes du business, tout est bon pour pousser le futur troisi�me �ge vers la sortie, y compris en enfreignant la loi. Selon l'OCDE (Organisation de coop�ration et de d�veloppement �conomiques), la France cumule deux records : les jeunes entrent dans la vie active � un �ge tr�s avanc�, et le taux d'activit� des plus de 50 ans est l'un des plus bas du monde. Seuls 32 % des plus de 55 ans occupent actuellement un emploi en France. L'�ge moyen de cessation d'activit� est de 57,5 ans, alors qu'officiellement la retraite est � 60 ans. Ces chiffres ne refl�tent sans doute qu'une part de la r�alit�. Car des pr�retraites sont parfois dissimul�es derri�re des arr�ts maladie � rallonge. "C'est souvent le seul moyen de prot�ger des salari�s qui ne supportent plus leurs conditions de travail et qui seraient, sinon, mis � la porte brutalement par leur direction", t�moigne un m�decin du travail. Depuis 1999, les statistiques de la Cnam (Caisse nationale de l'assurance maladie) montrent, dans certaines branches professionnelles, que les arr�ts de travail chez les plus de 55 ans ont augment� avec l'arr�t progressif des pr�retraites. Ce recours aux arr�ts maladie s'explique aussi par le climat actuel dans les entreprises : les conditions de travail y sont difficiles et l'attention port�e � la sant� est minimale. "C'est un des �l�ments du pacte implicite entre direction et salari�s, explique un syndicaliste CGT. Le boulot est dur, les entreprises ne font rien pour l'am�liorer, en contrepartie, elles laissent partir le personnel avant 55 ans. C'est difficile aujourd'hui de revenir sur une pratique ancr�e dans l'esprit des patrons comme des salari�s." En janvier, les partenaires sociaux devraient enfin ouvrir des n�gociations sur la p�nibilit� du travail, au sens large. Indispensable pr�alable au prolongement de la dur�e d'activit�. Mais le sujet "seniors", m�me s'il est crucial, mobilise peu. Les PME commencent � innover. "Il y a eu un choix implicite de la soci�t� fran�aise", constate Catherine Barbaroux, d�l�gu�e g�n�rale � l'emploi et � la formation professionnelle. "On pensait qu'en r�duisant le taux d'emploi des plus de 50 ans, on pourrait combattre le ch�mage des jeunes. Mais c'est une erreur de diagnostic." Les entreprises s'abritent derri�re ce grand ratage de politique publique pour ne pas faire grand-chose. "Les groupes ne regardent que les crit�res financiers � court terme et augmentent la productivit�, m�me si les seniors ne peuvent pas suivre", d�nonce G�rard Cornet, g�rontologue et expert aupr�s de la Commission europ�enne. "On les licencie, quitte � les r�embaucher plus tard en catastrophe et au prix fort parce qu'ils d�tiennent des comp�tences dont l'entreprise ne peut pas se passer..." Malgr� ces freins et les mauvaises habitudes prises, "un renversement culturel est en train de se faire", assure Catherine Barbaroux. Impuls� �galement par la pression d�mographique et la menace d'une p�nurie de main-d'œuvre : � partir de 2009, les d�parts en retraite massifs des baby-boomers pourraient engendrer le mouvement de retour des quinquas vers l'entreprise. Un autre facteur pourrait �galement entrer en ligne de compte. Les entreprises se convertissent au "management de la diversit�", faisant des efforts pour embaucher des salari�s issus de l'immigration, des femmes, des handicap�s mais aussi des seniors. "Quand les agences de notation sociale et les fonds de pension regarderont comment est g�r� le capital humain, je vous promets qu'on verra des vieux dans les entreprises", note G�rard Cornet. L'Etat devrait fortement inciter � la conversion des entreprises, en prenant exemple sur les programmes existant dans les pays nordiques. Difficile pourtant d'imaginer revenir sur trente ans de pratiques juste par une campagne de communication. "Je ne vois pas trente-six solutions, l�che un directeur des ressources humaines. Si la croissance repart, l� je pourrai embaucher des seniors et faire des merveilles." En 2000, en pleine p�riode de croissance, les jeunes, y compris sans qualification et issus de l'immigration, avaient trouv� des emplois. Un point de plus de croissance et on peut compter sur les entreprises pour red�couvrir les charmes des cheveux grisonnants. LSR