Par Kader Bakou C'est écrit dans l'art de la mosaïque : «Bar des boulomanes.» Mais, depuis bien longtemps, ce n'est plus un bar ici. D'ailleurs, il n' y a plus de bars dans ce quartier côtier algérois. Le boulodrome en tuf, ouvert jadis par des Européens, est aujourd'hui «hérité» par des «boulomanes» algériens. Plus loin, dans un quartier limitrophe, se trouve un autre boulodrome ouvert il y a une dizaine d'années et fait de trois terrains délimités par des planches en bois disposées à l'horizontale. Le phare de Padovani, qui semble marcher sur l'eau, est là comme pour dire aux bateaux qu'il vaut mieux ne pas trop s'approcher des rochers. Le bruit des vagues s'écrasant en bas de la falaise n'arrive pas à cacher celui des coups des boules se cognant les unes sur les autres. La plupart des boulomanes sont âgés. Deux jeunes, d'une vingtaine d'années, semblent plutôt s'entraîner, un peu à l'écart, sur le troisième terrain. La bonne humeur est commune. Les techniques sont différentes. Un joueur est debout, sa boule à la main, orientée vers le bas. Après un moment de concentration, il lance la boule en acier vers le cochonnet, la petite boule «cible». Une autre technique consiste à plier brusquement les genoux comme pour s'agenouiller, avant de lancer vigoureusement la boule plutôt vers le haut, afin qu'elle tombe au point voulu sans rouler plus que prévu. Il arrive aussi que le lanceur vise la boule de son adversaire pour l'éloigner le plus loin possible du cochonnet. On n'arrête pas le progrès, même dans les sports traditionnels. Un des joueurs sort de sa poche un fil avec, au bout, un aimant, qui permet de soulever sa boule sans se baisser. L'appel à la prière du Maghreb retentit. Des boulomanes vont faire leur prière à quelques mètres du terrain. Les autres attendent leur retour pour continuer la partie. Ces boulomanes viennent à El Kettani pratiquement chaque jour, une heure environ avant le crépuscule. Le jeu de boules, un sport et un art parmi les plus pratiqués et les moins médiatisés en Algérie. K. B.